Patriarche Youssef

Discours de Sa Béatitude durant la Conférence sur « la femmes\ et son rôle à l’ère du changement »- Liqaa

3 5 2012



Chers frères et sœurs,

C’est un grand plaisir pour moi de vous accueillir au centre « Liqaa » (Rencontre) à l’ occasion de l’inauguration de cette conférence. Vous serez également les bienvenus pour organiser vos conférences au sein de notre centre.

Au cours de la deuxième partie du XXe siècle, la femme commença à acquérir des droits au sein du monde Arabe qui sont égaux à ceux de l’homme sur tous les niveaux (le droit de voter et de présenter sa candidature, le droit de travailler, etc.). Cependant, l’on constate aujourd’hui qu’il y a encore une disparité liée à la nature politique de certains pays, à savoir ceux qui adoptent encore un régime politique « religieux ».

Lors des événements qui avaient occupé le monde arabe au cours de l’année passée et jusqu'à présent, la femme a participé à des manifestations pacifiques réclamant l’application du changement. Toutefois, les révolutions actuelles déclenchées depuis la fin de 2010 et jusqu'à présent ont induit et inciter de subversifs courants religieux.

En effet, suite aux nouveaux régimes qui arrivent au pouvoir, fruits des révolutions actuelles dans le monde arabe, le rôle de la femme souffre d’un notable déclin. L’on constate effectivement une chute dans les droits que la femme a déjà acquiert tel que leur droit de participer à la vie politique, au travail, à la protection juridique des coutumes tribales. Cette inquiétude concerne le reste des éléments du pays telles les libertés personnelles, la liberté de pensée et d’expression, la dévolution du pouvoir, etc.

Le rôle de la femme est lié donc avec la société que les citoyens arabes veulent aujourd’hui. Certes, l’état civil assure les droits de la femme, or de nombreux aspects ont besoin d’approfondissement à travers la vision de la foi de l’homme en général et de la femme en particulier. Les chartes internationales appellent à approuver le rôle de la femme au sein de la constitution, ainsi que de la législation et la protection par le biais des tribunaux.

L’on trouve des mesures claires visant à protéger le rôle important des femmes dans la « convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » publiée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1980 et contraignant tous les Etats qui l’ont signée... Ces droits ne sont malheureusement pas pris en considération par les révolutions actuelles.


L’égalité par l’excellence

Il s’avère de mon devoir d’exposer ma vision chrétienne sur la femme. Nous devons tous s’enrichir mutuellement, chacun par sa foi en Dieu et son prochain.


Le regard de Jésus-Christ

Le regard de Jésus-Christ envers les femmes ne se fond pas sur les prémisses de l’égalité entre la femme et l’homme, mais d’accorder un rôle unique pour chacun d’eux en rapport avec l’autre. Au cours de sa vie quotidienne dans la communauté juive, Jésus-Christ a suscité la perplexité de ses contemporains suite à sa façon de faire face aux habitudes indésirables, voire interdites : s’assoir avec les pêcheurs, communiquer avec les lépreux et les malades, communiquer avec les collecteurs d’impôts ainsi qu’à interagir avec tous les groupes du judaïsme en dépit de leurs différences et certes, traiter les femmes d’une manière différente. L’on mentionne la lettre apostolique du Pape Bienheureux Jean-Paul II, « la dignité des femmes » et sa vocation à l’occasion de l’année (Mulieris dignitatem). L’on se souvient comment Jésus-Christ défendait la dignité de la femme et sa vocation personnelle. Au niveau de la place de la femme au sein du ménage, Jésus-Christ fut face à ces contemporains et expliqua le cadre dans lequel la loi de Moise fut offerte (sur le divorce) de même qu’Il a mis l’emphase sur l’objectif essentiel de la création, « d’être un » « Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint ».

Les implications de ces actions sont trop nombreuses. Ainsi, le christ redirige l’histoire humaine vers l’objectif essentiel de Dieu. L’homme et la femme sont à l’image et ressemblance de Dieu, ensemble ils forgent la voie du salut eternel. La lettre apostolique de « la dignité de la femme » dit que : « le principe de cette voie incluse dès le début dans la réalité de la création est affirmé par Jésus-Christ en faisant face à la tradition qui distingue entre l’homme et la femme. Selon cette tradition, l’homme est autoritaire négligeant la femme et sa dignité. Voila la voie de l’évangile et rédemption que les mots du Jésus-Christ confirment.’ (5-12)
La femme dans la bible

Si nous voulons étudier la présence des femmes dans la bible, nous constaterons qu’elle est caractérisée par la diversité et l’unicité. Dans la lettre apostolique « la dignité des femmes se trouve une élaboration et explication pour cette présence. L’on trouvait en effet les femmes malades qui obtenaient les grâces et les bénédictions et parmi lesquelles certaines sont devenues ses élèves. Jésus-Christ a cité un bon nombre de paraboles qui montrent la réalité de la femme telles les sages femmes vierges, la veuve et d’autres. L’on mentionne également la femme qui a péché en commettant l’adultère. Jésus les a traité avec tout respect et amour et loin de toute discrimination puisqu’il visait seulement la reforme.  Parmi les scènes les plus importantes du nouveau testament l’on mentionne les femmes porteuses d’aromates qui sont fidèles à Jésus plus que ses apôtres et donc ont reçu en premier la glorieuse nouvelle de la résurrection.

Voilà l’approche de Jésus sur l’Homme : accorder à la femme telle qu’aux hommes les grâces et leur propre place dans la vision délivrance de Dieu.


La vision du concile œcuménique du Vatican

Le concile œcuménique du Vaticanre flète cette vision évangélique dans le document intitulé « Joie et Espoir » (Gaudium et spes) et présente les résultats comme suit : « que chaque être humain se considère sans exception aucune comme son voisin, que son existence soit valorisée et les moyens nécessaires soient accordés pour lui permettre de vivre une vie décente » (Joie et Espoir 27). Le document ajoute aussi que la vision évangélique de l’être humain détermine l’égalité réelle entre tous dans la dignité humaine. Le document appelle à : « tous les Hommes sont égaux par leurs diverses forces physiques et non par leur capacité mentale et littéraire. Cependant, toute forme de discrimination portant sur les droits fondamentaux de l’Homme, qu’ils soient sociaux ou culturels, basés sur le sexe, la couleur, la race, la situation sociale ou la religion doit être abrogée étant contraire au dessein de Dieu. A vrai dire, malheureusement, ces droits humains fondamentaux ne sont pas encore respectés partout. N’est-il pas le cas de la femme qui n’a pas le droit de choisir librement son mari ou de choisir sa vie ou bien d’obtenir la même éducation et culture que celle de l’homme ? » (Joie et Espoir 29)

La Vierge Marie, un modèle de convergence entre Chrétiens et Musulman dans la société d’aujourd’hui.

La réalité d’aujourd’hui nous oblige à réfléchir aux moyens de convergence touchant le rôle de la femme dans notre société. Ceci évoque le rôle prophétique qu’a joué la Vierge Marie dans la convergence des points de vue des fils d’une même nation étant donné que sa glorification est commune. La Vierge Marie joue un rôle dans le plan salvifique de Dieu reconnu dans l’évangile ou le Coran. Ceci pourrait être un terrain d’entente pour discuter du rôle des femmes. C’est une mère et aimable nourrice qui a perdu son fils unique et a continué à guider les générations futures vers Dieu.


A) La Vierge Marie un exemple d’une mère au sein de la société

La Vierge Marie a une grande importance chez les musulmans comme chez les chrétiens, Dieu l’a choisit et bénit ainsi qu’il l’a préparée à donner naissance à Jésus-Christ. L’on trouve en outre une croyance commune, celle de tomber enceinte miraculeusement sans l’assistance d’un homme et de se préserver avant, pendant et après la naissance de son fils. Les deux religions glorifient également la Vierge Marie et son obédience ainsi que sa réaction envers la grâce que dieu lui a offerte. Sa modestie et simplicité sont prêchées par les deux religions ainsi que sa vie qui était consacrée à Dieu et à la prière. Sur ce, tous les libanais se sont mis d’accord à faire de la fête de l’annonciation une fête nationale. Cela est en effet un modèle du dialogue de la vie qui est supérieur à tout autre dialogue.

La dimension pratique de cette vision est très riche et utile pour notre recherche. En effet, comme la Vierge Marie jouait un rôle clé, la femme aujourd’hui doit suivre ce modèle. Comme la Vierge Marie a été en mesure de compléter la volonté de Dieu dans sa vie, la femme aujourd’hui doit être mise à la disposition de réaliser la volonté de Dieu en toute liberté. Ceci dit qu’elle doit jouer un rôle dans la société, dans la religion et surement prenant l’exemple de la Vierge Marie.

Par ailleurs, parvenir à l’égalité entre la femme et l’homme ne signifie pas l’annulation des différences et des distinctions entre les deux mais pourtant une réconciliation, intégration et récompense, chacun selon les talents offerts a lui.


B) La femme et la maternité

La femme contribue amplement au processus de création ainsi qu’au soutien de la famille. Elle reflète l’essence de consacrer sa vie à autrui ainsi qu’au don de soi. L’on revient à la lettre « la dignité de la femme » qui montre que le don de soi par le mariage se culmine par le don d’une nouvelle vie. Cette dignité divine consacrée exclusivement à la femme consiste une source de joie pour elle car elle participe à la tâche unique de création avec le Dieu Eternel. La lettre affirme notablement que la maternité se lie essentiellement à la nature féminine car elle reflète la dimension personnelle du don (La dignité de la femme 6.18).

Le respect de la vie qui se forme dans les entrailles de la mère est un devoir, un devoir d’interdire l’avortement et l’abstention de donner la vie. Nul ne sait combien la femme souffre plus que quiconque suite à la perte du fruit de ses entrailles. Certes, l’on ne doit pas considérer que la maternité soit le rôle ultime de la femme ainsi que la responsabilité de l’éducation ne se limite point à elle seule. En effet, le couple étant basé sur le partenariat, chacun joue et partage son rôle sur la lumière du partenariat et de l’entente.

Finalement, nous tenons à souligner l’importance du rôle de la famille où la mère réunie chacun de ses membres. Dieu donna à la famille une vocation distincte, celle d’être des premières cellules vivantes de la société. Elle accomplit sa mission si elle réussi à rendre la maison un temple pour Dieu par la piété et les prières de ses membres.

Je vous remercie mes chers amis et que Dieu tout puissant vous bénisse.


Recommandations

1. Renforcer le principe de non-discrimination contre la femme en se fondant sur la vision de la foi qui place la femme, comme l’homme, au centre de l’œuvre de Dieu tout en respectant la complémentarité de son rôle avec celui de l’homme.

2. Demander aux nouveaux régimes de confirmer leur engagement à respecter le rôle de la femme en consacrant la vision de la foi au sein de la société par la législation nécessaire pour conserver le rôle de la femme aujourd’hui.

3. Sensibiliser la société sur le rôle unique de la femme au sein de sa famille autant que dans la société à travers l’étude du modèle de la Vierge Marie ou d’autres.

4. Mettre l’accent sur l’importance de la maternité en tant que participation à la création. Par conséquent, insister sur la prohibition de l’avortement.

5. Elargir la vision de la foi pour y inclure les changements contemporains dans le contexte du travail de la femme et son comportement afin que cette foi ne soit pas une prison pour elle.


 

Sa Béatitude Gregorios Laham III

Patriarche grec melkite catholique d'Antioche et de tout l'Orient, d'Alexandrie et de Jérusalem