Patriarche Youssef
Célébrer Pâques ensemble - Lettre des Pâques 2010
Lettre de Sa Béatitude Gregorios III,
Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem,
pour la fête de Pâques 2010
Célébrer Pâques ensemble
Le Christ est ressuscité! Il est vraiment ressuscité!
De Gregorios III, serviteur de Jésus-Christ,
par la grâce de Dieu Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem,
à Leurs Excellences Révérendissimes les Hiérarques,
membres de notre Saint Synode vénérable,
et à tous les fils et toutes les filles de l'Eglise Grecque-Melkite Catholique dans le Christ, clergé et peuple, qui sont
"appelés à être saints, avec tous ceux qui,
en quelque lieu que ce soit, invoquent le Nom de Jésus-Christ,
notre Seigneur (…), à vous grâce et paix de par Dieu,
notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ"
(I Corinthiens 1, 2-3).
Quelle joie, dans le monde chrétien, en Orient et en Occident! Oui, nous nous réjouissons de célébrer tous ensemble la glorieuse fête de Pâques, la sainte fête de la Résurrection de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Tous les chrétiens, en Orient et en Occident, célèbrent ensemble, cette année, la Fête des Fêtes, tant ceux qui suivent le calendrier julien que ceux qui observent le calendrier grégorien. De plus, nous célébrerons la fête aussi tous ensemble en 2011. Nous remercions le Seigneur pour ce don.
Ce fait est le résultat du calendrier ecclésiastique qui régit la célébration de Pâques chaque année. Nous avons publié une brève synthèse sur ce sujet dans le volume pour le temps pascal des livres liturgiques que nous avons compilés, révisés et publiés entre 1992 et 2000, à la demande de notre prédécesseur de sainte mémoire, le Patriarche Maximos V, aprés avoir été élu par le Saint-Synode président de la Commission Liturgique Patriarcale et Synodale en 1986.
A cette occasion, nous voudrions rappeler que cette Commission Liturgique, composée de quinze membres qui représentent les Eparchies ainsi que les Ordres religieux masculins et féminins, eut à faire face à un travail gigantesque. L'ensemble des livres des offices liturgiques put être publié en quatre tomes (six volumes), grâce à une nouvelle méthode, jusqu'alors jamais utilisée dans aucune autre Eglise de tradition byzantine. En effet, normalement, les moines et les moniales, aussi bien dans les monastères que dans les paroisses, avaient jusqu'à maintenant besoin, pour la célébration des offices quotidiens, des livres suivants: l'Horologion (pour le commun de l'office divin), le Menaion (pour les offices des fêtes fixes, mois par mois), le Paraklitiki (pour les sections correspondant aux huit tons), le Triodion (pour le Carême), le Pentekostarion (pour le temps pascal) et le Prophetologion (pour les lectures).
D'autre part, à l'exception de l'Horologion, il y avait peu d'exemplaires de ces livres, même dans les monastères et les grandes églises où l'on ne trouvait que deux ou trois exemplaires de chaque.
La nouvelle méthode, adoptée et appliquée sur notre proposition et sous notre direction, permit à la Commission Liturgique de publier les volumes suivants:
Volume 1.1 – Offices complets pour les mois de septembre à novembre;
Volume 1.2 – Offices des mois de décembre à février jusqu'au début du Carême;
Volume 2.1 – Offices du Carême et des mois de janvier à avril;
Volume 2.2 – Offices de la Grande et Sainte Semaine;
Volume 3 – Offices du temps pascal et des mois de mars à juin;
Volume 4 – Offices des mois de juin à août.
Ainsi, les livres liturgiques de tous les offices sont à la disposition de tous: Hiérarques, prêtres, moines, moniales et laïcs. Ces livres ont été imprimés en deux formats: le grand format pour les églises, et le petit pour l'usage personnel.
Dans le décret ordonnant d'utiliser et de suivre les nouveaux livres liturgiques, le Patriarche Maximos V écrivait: "Nous avons grand espoir que ces livres, dans leur nouvelle forme, pourront être une contribution substantielle au renouveau de notre tradition liturgique originelle, ainsi qu'à une meilleure compréhension et à une plus profonde estime de la spiritualité orientale".
Explication du comput dans les calendriers julien et grégorien
Nous avons jugé utile pour nos fidèles de présenter l'exposé qui suit sur le comput (calcul des fêtes mobiles) dans les deux calendriers julien et grégorien.
L'année solaire ou astronomique est la durée de la marche apparente du soleil depuis l'équinoxe de printemps jusqu'au même moment de l'année suivante. Ce tour a une durée exacte de 365 jours, cinq heures, 48 minutes et environ 46 secondes.
Les anciens Egyptiens n'avaient d'abord qu'une année de 360 jours (plus tard, ils y ajoutèrentr un mois supplémentaire de cinq jours). Du fait de cette année de 360 jours, l'équinoxe de printemps était en retard de cinq jours et quart par rapport à son moment astronomique, de sorte que le "printemps" officiel coïncidait successivement avec toutes les saisons astronomiques de l'année, comme cela se passe dans le comput de l'année musulmane de l'Hégire pour le jeûne de Ramadan et les fêtes religieuses islamiques.
Sous le règne de l'Empereur Jules César (mort en 44 avant Jésus-Christ), à sa demande, l'astronome alexandrin Sosigène corrigea le calendrier égyptien et augmenta chaque année de six heures. Au bout de quatre ans, cela faisait un jour entier, qui était ajouté à la fin du mois de février. L'année dont le mois de février avait 29 jours était appelée "bissextile" (parce que comptant 366 jours: avec deux fois le chiffre 6).
Ce système est appelé calendrier julien (d'après Jules César) et est encore suivi par plusieurs Eglises orientales; il est connu populairement sous le nom de calendrier "oriental", ou "vieux calendrier", selon les pays.
D'après le comput du calendrier julien, l'année comprend 365 jours et quart, soit onze minutes et quatorze secondes de plus que l'année astronomique solaire exacte. En un siècle, cela fait une augmentation de 18 heures et 35 minutes, et en mille ans de sept jours, 17 heures et 50 minutes.
En 1582, la différence entre le calendrier julien et l'année solaire exacte était de dix jours. Le Pape Grégoire XIII corrigea cette erreur, en ordonnant, sur la base des calculs astronomiques, que le lendemain du 4 octobre de cette année-là serait le 15 octobre.
Ainsi, le 15 octobre 1582, dans les pays catholiques, correspondit au 5 octobre dans les autres pays qui observaient encore le calendrier julien.
Grégoire XIII confirma d'autre part la règle d'ajouter un jour tous les quatre ans (année bissextile), sauf pour les années centenaires (1700, 1800, 1900, 2100) à l'exception de celles dont les deux premiers chiffres sont divisibles par quatre et qui sont elles aussi bissextiles (1600, 2000).
Malgré cette correction, il y a encore actuellement une différence d'environ 26 secondes entre l'année officielle selon le calendrier grégorien et l'année astronomique exacte.
La différence actuelle entre le calendrier julien et le calendrier grégorien est de treize jours: les dix jours de 1582 sont devenus onze en 1701, douze en 1801 et treize en 1901. Ce sera une différence de quatorze jours en 2101, le comput des années bissextiles étant différent selon l'usage "julien" et selon l'usage "grégorien".
Progressivement, plusieurs Eglises orthodoxes ont adopté le calendrier grégorien pour les fêtes fixes, mais en conservant (sauf l'Eglise orthodoxe de Finlande) le calendrier julien pour le comput de Pâques et des fêtes mobiles.
Pour sa part, l'Eglise Grecque-Melkite Catholique adopta le calendrier et le comput grégoriens en 1857, au temps de notre prédécesseur d'heureuse mémoire le Patriarche Clément Ier (Bahouth).
Cause de la différence de la date de Pâques selon les computs des calendriers julien et grégorien
On peut se demander quelle est la cause de la différence de la date de Pâques entre les deux computs des calendrier julien et grégorien.
A ce sujet, un ingénieur orthodoxe, M. Pierre Sollogoub, membre et trésorier de la Fraternité Orthodoxe de France, a rappelé que, en l'an 325, le Cinquième Concile Œcuménique, également connu sous le nom de Premier Concile de Nicée, du nom de la ville où il s'était réuni, s'occupa de définir la foi chrétienne orthodoxe, en opposition à l'arianisme. Les Pères du Concile traitèrent également de la question de la date de Pâques, qui était un sujet de disputes. Le Concile décida que Pâques, fête de la Résurrection de Notre Seigneur, devait être toujours célébrée à la même date, c'est-à-dire le premier dimanche après la première pleine lune suivant l'équinoxe de printemps, qui tombait le 21 mars. Cette décision eut de profondes conséquences, en raison de son rapport avec la Pâque juive et avec la Résurrection de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
Les Pères du Concile de Nicée fixèrent les listes ou tabelles pascales sur la base du comput julien et des données astronomiques connues à cette époque, spécialement le cycle métonite, ainsi appelé du nom de l'astronome athénien Méton (Vème siècle avant Jésus-Christ). Cet astronome établit que, dans une période de 19 ans, il y a 253 cycles lunaires, et que la lune, après cette période, apparaît de nouveau aux mêmes dates.
C'est sur la base de ces calculs astronomiques et en application de la décision du Concile de Nicée que l'Eglise Orthodoxe fixe la date de la fête de Pâques.
Néanmoins, pour deux raison, ce calcul est incorrect.
1. – Le comput julien, qui est à la base du calcul de la date de la fête de Pâques, est en retard d'un jour sur l'année solaire tous les 128 ans. Il en résulte que ce calcul, depuis la décision du Concile de Nicée en 325, a pris un retard de treize jours (ce sera quatorze en 2101) sur l'année astronomique. De sorte que l'équinoxe de printemps ne tombe plus le 21 mars mais, selon ce comput, le 8 mars.
2. – Dans le calcul du cycle lunaire par Méton, il y a une erreur (corrigée par le calendrier grégorien) d'un jour tous les 219 ans, de sorte que les tabelles pascales du comput julien ont maintenant un retard de quatre ou cinq jours sur celles qui sont fondées sur le comput astronomique.
En 1582, le nouveau comput grégorien (appelé aussi "occidental" dans nos pays du Proche-Orient) corrigea ces erreurs, afin de rester fidèle à la décision du Concile de Nicée. Les deux computs julien et grégorien ont tous deux grandement le souci de maintenir la décision du Concile de Nicée, mais la différence entre les deux provient d'un établissement distinct de la date de la première pleine lune après l'équinoxe de printemps.
C'est pour cela que les dates occidentale et orientale de la fête de Pâques ne coïncident pas souvent. Selon les normes actuellement appliquées, la différence entre les deux dates peut varier d'une à cinq semaines, chacune d'elles pouvant être dans une lunaison différente, si les computs ecclésiastiques respectifs situent la date de Pâques dans un mois lunaire différent, c'est-à-dire dans les années troisième, huitième, onzième, quatorzième et dix-neuvième du cycle de 19 ans, ou bien différer d'une seule semaine dans la même lunaison les autres années.
C'est ainsi que, par exemple, en 1983, les chrétiens qui suivent le comput grégorien pour le calcul de la première pleine lune suivant l'équinoxe de printemps célébrèrent Pâques le 3 avril, alors que ceux qui suivent le comput julien, identifiant cette première pleine lune dans une lunaison postérieure à celle indiquée par le comput grégorien, célébrèrent Pâques le 25 avril du calendrier julien, correspondant au 8 mai du calendrier grégorien.
Des recherches et études supplémentaires ont été effectuées à l'occasion des deux réunions tenues à Chambésy (Suisse) en 1977 et en 1982 pour préparer le Grand Concile Général Pan-Orthodoxe. Le résultat d'ensemble en fut la confirmation de l'inexactitude du comput julien et de la nécessité de rectifier ce comput en concordance avec le comput grégorien.
Cependant, aucune décision ne fut prise, pour diverses raisons pastorales, dont la principale est que les fidèles orthodoxes ne sont pas préparés pour faire ce pas. D'autre part, il est admis que tout changement aux décisions des Conciles Œcuméniques doit émaner d'un autre Concile Œcuménique.
Une telle situation est cause d'inconvénients dans la vie pratique: année scolaire, vacances, fêtes chômées officielles, commerce, voyages, tourisme, etc. C'est surtout la cause d'une profonde douleur dans les cœurs des fidèles, qui souhaitent pouvoir exprimer leur grand désir de l'unité des chrétiens en célébrant ensemble, tous les ans, la plus grande des fêtes chrétiennes, la fête pascale de la Résurrection.
La date de Pâques dans les documents de l'Eglise Catholique
Le Concile Vatican II a traité le problème de la date de Pâques dans deux documents. En appendice à la Constitution sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, du 4 décembre 1963, on trouve une "Déclaration sur la révision du calendrier"; en voici le texte:
"Le saint Concile Œcuménique, deuxième du Vatican, estimant d'une grande importance les désirs de beaucoup en faveur de la fixation de la fête de Pâques à un dimanche déterminé et de la stabilisation du calendrier, après avoir attentivement pesé les conséquences possibles de l'introduction d'un nouveau calendrier, déclare ce qui suit:
1. Le saint Concile ne s'oppose pas à ce que la fête de Pâques soit fixée à un dimanche déterminé dans le calendrier grégorien, avec l'assentiment de ceux à qui importe cette question, surtout des frères séparés de la communion avec le Siège Apostolique.
2. En outre, le saint Concile déclare qu'il ne s'oppose pas aux projets qui visent à introduire dans la société civile un calendrier perpétuel.
"Mais parmi les divers systèmes qui sont imaginés pour établir un calendrier perpétuel et l'introduire dans la société civile, l'Eglise ne s'oppose pas à ceux-là seulement qui observent et sauvegardent la semaine de sept jours avec le dimanche, sans intercaler aucun jour hors de la semaine, de telle sorte que la succession soit laissée intacte, à moins que n'interviennent des motifs très graves dont le Siège Apostolique aurait à juger."
Dans le Décret sur les Eglises Orientales Catholiques Orientalium Ecclesiarum, du 21 novembre 1964, le Concile recommande la célébration commune de la fête de Pâques afin de favoriser l'unité entre les chrétiens:
"Un accord entre tous les chrétiens sur une date commune pour célébrer la fête de Pâques est souhaité. En attendant, pour favoriser l'unité entre les chrétiens qui habitent une même région ou un même pays, on demande aux Patriarches ou aux suprêmes autorités ecclésiastiques locales de se mettre d'accord pour célébrer la fête de Pâques le même dimanche, et cela avec le consentement unanime et après s'être concertés avec tous ceux qui sont intéressés à la chose".
Un troisième document est celui émané par la Congrégation pour les Eglises Orientales le 6 janvier 1996, intitulé Instruction pour l'application des prescriptions liturgiques du Code des Canons des Eglises Orientales (Chapitre VI, n? 36), dans lequel on lit:
"Tant qu'on ne sera pas encore parvenu, entre tous les chrétiens, à l'accord souhaité sur la détermination d'un jour identique pour la commune célébration de la fête de Pâques, il faut encourager la praxis, déjà en usage chez certaines communautés catholiques vivant dans des pays majoritairement orthodoxes, de célébrer la Pâque le même jour que les Orthodoxes, conformément aux indications formulées par le Concile Vatican II, dans l'appendice de Sacrosanctum Concilium et dans Orientalium Ecclesiarum n? 20.
"Cela permet aux fidèles catholiques, non seulement de constituer un signe de fraternité œcuménique, mais aussi de s'insérer harmoniusement dans la vie civile, en évitant un décalage de temps, dépourvu de sens".
Ce texte est une invitation adressée, au nom de la plus haute autorité de l'Eglise, à tous – Patriarches, Evêques, prêtres (pasteurs et vicaires) et fidèles – à intensifier les efforts pour exaucer ce désir populaire de célébrer ensemble cette grande fête. Il invite les catholiques à la célébrer selon le calendrier julien dans les régions où la majorité est orthodoxe. C'est le cas pour les chrétiens de Syrie et en général dans le monde arabe, où les quelque 15 millions de chrétiens arabes sont majoritairement, par ordre décroissant, Coptes orthodoxes, Grecs orthodoxes, suivis par les Grecs-Melkites catholiques et d'autres Eglises catholiques (Maronite, Arménienne, Syrienne, Chaldéenne, Latine). Ce texte va au-delà de la logique de préférence entre les deux calendriers julien et grégorien, sur la base d'un comput "religieux", "théologique" ou "scientifique". En fait, les calendriers n'on pas de contenu dogmatique: ce sont les résultats de calculs astronomiques, dont l'un est d'origine romaine et païenne, institué par Jules César, qui a vécu de l'an 100 à l'an 44 avant l'ère chrétienne. La date de la fête de Pâques a été fixée sur la base de cette méthode païenne de calcul par le Concile Œcumémique de Nicée en l'an 325. L'autre calendrier est encore fondamentalement julien, mais rectifié sous le pontificat et par ordre du Pape Grégoire XIII (1572-1585).
Efforts pour célébrer Pâques ensemble
L'unité chrétienne est une valeur qui dépasse tous les calculs astronomiques. La célébration commune de la fête de Pâques a été l'un des éléments les plus importants de l'unité chrétienne au cours des siècles.
Le Bienheureux Pape Jean XXIII a dit que "ce qui nous unit [ nous les chrétiens ] est bien plus que ce qui nous sépare". Ce qui nous unit, en effet, c'est le symbole de la foi (ou Credo) que tous les chrétiens d'Orient et d'Occident récitent chaque jour, malgré la diversité de leurs Eglises. C'est pourquoi nous nous réjouissons de tout ce qui nous unit dans cette même foi; c'est pourquoi nous aspirons à plus d'unité, nous œuvrons pour plus d'unité. En effet, depuis Vatican II, les efforts œcuméniques se sont développés parmi les chrétiens afin d'aplanir les difficultés qui entravent encore l'unité presque complète des chrétiens. Nous savons tous que l'obstacle fondamental est le concept d'unité en ce qui concerne la pratique de l'autorité dans l'Eglise, spécialement l'autorité du Pape de Rome dans l'histoire et aujourd'hui, dans la théorie dogmatique et pratiquement. Mais ce n'est pas ici le lieu de développer ce point.
Notre Eglise Grecque-Melkite Catholique a toujours été très souple à ce sujet. C'est ce qu'a exprimé le Patriarche Maximos IV, d'heureuse mémoire, dans son "Mandement patriarcal sur l'unification de la date de Pâques en Egypte", du 1er janvier 1967 (Le Lien, vol. XXXII, n? 1, janvier-mai 1967, p. 4):
"L'intérêt général des chrétiens et le désir de favoriser l'union des Eglises exigent que les chrétiens catholiques et évangéliques renoncent à célébrer la fête de Pâques selon leur calendrier réformé et adoptent provisoirement pour la célébration de cette fête le vieux calendrier, encore suivi par la majorité chrétienne dans ce pays" [ c'est-à-dire les Coptes orthodoxes ] (…).
"C'est pourquoi, (…) nous avons disposé, après avoir consulté les personnes qu'il nous a paru opportun de consulter, que notre communauté en Egypte, relevant de notre patriarcat d'Alexandrie, célèbre la fête de Pâques selon l'ancien calendrier julien non-réformé, et cela à partir de cette année 1967".
En Jordanie, le calendrier julien fut adopté pour Pâques à partir de 1972.
Mû par le même esprit d'ouverture œcuménique, nous avons accepté, en 1995, dans le cadre de notre ministère de Vicaire Patriarcal à Jérusalem (1974-2000), qu'une partie de nos fidèles, l'ayant demandé, célèbre la fête de Pâques selon le calendrier julien, à Ramallah, à Naplouse et dans le nord de la Cisjordanie, tandis que les autres fidèles, à Jérusalem, à Bethléem et à Beit-Sahour, continuaient à célébrer la fête selon le calendrier grégorien.
Cette décision n'a causé aucun schisme dans notre Eglise. Une décision analogue fut prise par le Patriarche latin, Sa Béatitude Michel Sabbah, ainsi que par les anglicans et les protestants, sans provoquer aucun schisme dans ces diverses communautés.
J'ai voulu faire le même pas après mon élection patriarcale et à l'occasion de la visite apostolique du Vénérable Pape Jean Paul II en Syrie, au mois de mai 2001. Dans les archives du Patriarcat à Damas, j'ai trouvé un grand nombre de demandes, formulées depuis plus de vingt ans, réclamant l'unification de la date de la fête. Nous avons discuté le problème polusieurs fois au sein de l'Assemblée de la Hiérarchie Catholique en Syrie; malheureusement, je n'ai pas pu convaincre mes chers confrères des autres Eglises de faire ce pas et de prendre une décision commune qui aurait grandement réjoui le cœur de nos fidèles, lesquels aspirent, avec beaucoup d'ardeur, à l'unification de la date de la fête.
De fait, ce fut une grande déception dans la plupart de nos paroisses et dans celles des autres Eglises catholiques en Syrie. Un grand nombre de fidèles, divers groupements et confréries ont fait de pressantes démarches auprès des autorités ecclésiastiques. Les jeunes, surtout, ont exprimé leur désir de l'unification de la date de Pâques. Des conférences sont souvent données sur ce sujet, exposant le désir et la volonté populaires. Nous ne perdons pas l'espoir…
Appel
A l'occasion de la semaine de prières pour l'unité des chrétiens, en 2005, j'ai écrit une longue lettre à mes frères Leurs Béatitudes les Patriarches. En voici un extrait:
"Dans tous les efforts pour l'unification de la célébration de Pâques, en Egypte, en Jordanie et en Palestine, la souplesse fut la règle d'or. Le but était de célébrer la fête ensemble.
"Partant de cela, je relance mon appel à mes frères les Patriarches et les Evêques au Liban et en Syrie, les suppliant d'écouter l'appel pressant et répété des fidèles. Dans leur majorité, ils demandent l'unification de la date de la fête. Car la fête commune est pour eux le symbole et l'expression de leur unité et de leur présence chrétiennes, de leur témoignage chrétien dans leur société. Nous avons tous entendu ces appels. Nous savons tous que le très grand désir de nos fidèles est de voir se réaliser leur souhait le plus fervent: célébrer ensemble, devant leurs concitoyens non chrétiens, la Grande Fête Unique (comme l'appelle le langage populaire).
"Est-il permis de faire la sourde oreille à la voix de nos fils et de nos filles? Ecoutons-nous vraiment les appels de Vatican II et de la Congrégation pour les Eglises Orientales, dans les documents cités plus haut? Son Eminence le Cardinal Walter Kasper, Président du Conseil Pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, en a souvent parlé. Poouvons-nous oublier la voix de Jean Paul II, qui a évoqué plusieurs fois l'importance de célébrer Pâques ensemble?
"Je suis convaincu de ceci: la décision de célébrer Pâques ensemble, en Syrie et au Liban, servirait la cause de notre présence et de notre témoignage chrétien, surtout après les événements du 11 septembre 2001 et la tendance qui suivit de provoquer un affrontement entre le christianisme et l'Islam.
"Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin des signes des temps, d'initiatives exceptionnelles auxquelles aspire notre peuple pour répondre, par des mesures petites ou grandes, à sa soif de réalisation de l'unité des chrétiens.
"Au nom du Christ, je supplie mes frères de respecter la liberté des uns et des autres. Et si une Eglise veut faire ce pas seule, il ne faut pas considérer cela comme un schisme dans les rangs des catholiques ou au niveau mondial.
"La logique de nos fidèles est la suivante: je préfère célébrer la fête avec mon voisin, qui est proche de moi, même si je suis en désaccord avec les fidèles de ma propre Eglise ailleurs. [ C'est ce qu'a fait notre Eglise Grecque-Melkite Catholique en Egypte, en Jordanie et en Palestine, comme nous l'avons rappelé plus haut. C'est là la vraie ouverture, la souplesse nécessaire ].
"Un proverbe arabe dit: Ton voisin proche plutôt que ton frère lointain. C'est là la logique du peuple. Et la voix du peuple, c'est la voix de Dieu (Vox populi, vox Dei!)".
Efforts communs en vue d'une fête de Pâques unique, fixe et commune
La question de la date commune pour la fête de Pâques, qui a une grande importance dans l'histoire de l'Eglise, peut se résumer comme suit:
1. La date de Pâques fut déterminée par le Concile Œcuménique de Nicée en 325 sur la base du calendrier julien, que nous appelons "oriental" dans nos pays, et qui dans d'autres pays est appelé le "vieux" calendrier.
2. C'est le Pape Grégoire XIII qui révisa le calendrier julien, d'où le nom de calendrier "grégorien" (appelé calendrier "occidentl": dans nos pays).
3. Le calendrier grégorien est en vigueur dans l'Eglise Latine depuis 1582 et fut adopté ensuite par l'Eglise Anglicane et les diverses communautés protestantes, puis par les Eglises Orientales Catholiques du Proche-Orient.
4. Le calendrier grégorien est actuellement observé aussi (sauf pour Pâques et les fêtes mobiles qui en dépendent) par plusieurs Eglises Orthodoxes.
5. Les Eglises Orthodoxes du Proche-Orient, à l'exception du Patriarcat Grec Orthodoxe de Jérusalem (Palestine et Jordanie), font partie de celles qui observent le calendrier grégorien, sauf pour le cycle de Pàques, qui est fixé selon le calendrier julien.
6. Le Concile Vatican II a formulé deux propositions:
A – Œuvrer ensemble, au niveau des Eglises et au niveau mondial, pour fixer la date de la fête de Pâques au dimanche tombant entre le 9 et le 15 avril, sans discuter la question des calendriers julien ou grégorien;
B – Invitation (reprise ensuite par la Congrégation pour les Eglises Orientales), adressée aux Eglises Orientales Catholiques, à adopter le calendrier julien, pour le cycle de Pâques, dans les régions où la majorité des chrétiens est orthodoxe, s'agissant d'une mesure temporaire, mais belle, utile et importante pour favoriser l'unité des chrétiens. Cela fut fait en Egypte (1967), en Jordanie (1972), dans quelques régions de la Palestine (à partir de 1995) et dans quelques villages du Liban et de la Syrie.
7. Cependant, la solution idéale est l'adoption d'une date fixe et commune, qui serait le dimanche tombant entre le 9 et le 15 avril. Cette solution devrait être élaborée en collaboration entre l'Orient et l'Occident, surtout entre l'Eglise Castholique Romaine et les Eglises Orthodoxes, grecques et slaves. Malheureusement, les efforts en ce sens sont actuellement gelés.
8. Pour ma part, je souhaite être un apôtre de l'unité de la fête de Pâques. Je présenterai cette étude et la présente lettre, à Rome, en octobre prochain, à l'Assemblée Spéciale du Synode des Evêques sur le Proche-Orient, en proposant au Pape et aux Pères du Synode, tant orientaux qu'occidentaux, d'adopter une résolution visant à reprendre les efforts en vue de la célébration de Pâques à une date commune et fixe.
9. Je voudrais aussi proposer aux Pères de ce même Synode l'adoption d'une résolution exhortant les chrétiens, pasteurs et fidèles, surtout en Syrie et au Liban, à adopter le calendrier julien, comme solution pastorale temporaire, en attendant la solution définitive. Cela, en vue de démontrer concrètement le but de cette Assemblée Spéciale du Synode des Evêques, dont le thème est: "Communion et témoignage".
10. Je voudrais contacter plusieurs Eglises orthodoxes et catholiques, dans le monde entier, pour leur demander instamment, avec humilité et confiance, d'œuvrer avec nous pour la réalisation de cette cause sainte.
Enfin, je fais appel à tous les fidèles, à tous ceux et toutes celles qui aiment l'unité des chrétiens, en leur demandant d'accompagner ces efforts avec leur prière et leurs propres efforts. Marie, la Mère de Dieu et notre Mère, Notre Dame de l'Unité, bénira les efforts de tous ses fils et de toutes ses filles, de toutes les Eglises, afin que nous puissions tous et toutes réaliser la prière de Jésus: "Que tous soient un!".
Appel à l'unité
Quoi qu'il en soit de la question de l'unification de la date pour la fête de Pâques, ce qui est important c'est l'unité des chrétiens. C'est pour cela que je formule un appel pressant à tous les fidèles, aux fils et aux filles de nos Eparchies, surtout aux jeunes qui sont l'avenir de nos patries et de l'Eglise, à tous les chrétiens qui, cette année, célèbrent ensemble la fête de la Résurrection de Notre Dieu, Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
Je les appelle à l'unité, à la solidarité, à l'amour, aux bonnes relations entre les familles et entre les habitants du même quartier, du même village, de la même paroisse. Je les appelle tous, grands et petits, hommes et femmes, pauvres et riches, surtout les jeunes, à être fermes dans leur sainte foi et à en être fiers, à la professer ouvertement, avec humilité et noblesse, à préserver leur identité chrétienne.
Je les appelle à marcher ensemble (et pas seulement à célébrer Pâques ensemble) sur le chemin de leur foi, malgré les défis, les difficultés, les souffrances, les obstacles et les vexations. Qu'ils soient capables de donner ensemble un vrai témoignage de leur belle foi, des valeurs de l'Evangile et de leur amour pour Jésus-Christ, vivant dans leurs cœurs, dans leurs consciences et dans leurs vies, en secret et en public! Ainsi ils pourront, dans leurs patries, dans leurs sociétés arabes et partout dans le monde, dans tous les domaines de la vie sociale, culturelle et politique, dans les structures de santé, être, comme le Christ nous l'a recommandé, sel, lumière et levain qui puisse fermenter toute la pâte, toute la société.
C'est à cela que nous appelle l'Assemblée Spéciale du Synode des Evêques pour le Proche-Orient qui sera célébrée à Rome entre le 10 et le 24 octobre prochain. Je crois que, si cette Assemblée du Synode des Evêques pouvait prendre une décision en vue de l'unification de la date de célébration de Pâques, ce serait le résultat et la décision les plus importants qu'en attendent nos fidèles.
Saint Paul nous appelle à l'unité
A cette unité, qui se manifeste dans la célébration commune de Pâques et dans les valeurs de notre sainte foi, nous convie le grand Apôtre Paul, qui nous explique la signification la plus sublime de l'unité avec Dieu et les hommes, et nous expose les manifestations de l'unité des hommes entre eux et avec Dieu. C'est l'unité à la fois humaine et divine, cosmique. Cette unité est garante de la marche spirituelle commune de toute l'humanité, des Etats, des peuples et des nations.
Cette marche commune est capable d'unifier tous les croyants chrétiens entre eux, ainsi que les chrétiens et les musulmans qui vivent dans les terres arabes, pour qu'ils puissent réaliser ensemble, dans la solidarité et l'amour, les desseins de Dieu envers eux, pour plus de développement, de prospérité, de bien-être, de sécurité et de tranquillité. Ensemble, ils peuvent édifier, sur cette terre des hommes, dans leurs patries, la civilisation de Dieu, la civilisation de l'amour et de la paix.
Ecoutons Saint Paul, qui nous invite à l'unité, cette expression la plus haute de la vie et de la résurrection (Ephésiens 4, 1-6 et 13; 5, 2):
"Je vous exhorte donc, moi le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l'appel que vous avez reçu, en toute humilité, mansuétude et patience. Supportez-vous avec charité les uns les autres; appliquez-vous à conserver l'unité d'esprit par le lien de la paix. Il n'y a qu'un corps et qu'un Esprit, puisque aussi bien vous avez été appelés par votre vocation à une seule espérance. Il n'y a qu'un Seigneur, une foi, un baptême; il n'y a qu'un Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, agit en tous, est en tous. (…) jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble à l'unité dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme parfait, à la taille même qui convient à la plénitude du Christ.(…)
"Vivez dans l'amour, à l'exemple du Christ qui vous a aimés et s'est livré pour vous, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur".
Cette dernière recommandation a été la devise de notre ordination sacerdotale en 1959, de notre chirotonie épiscopale en 1981 et de notre ministère patriarcal à partir de 2000.
On peut voir aussi les chapitres 12 et 13 de la Première Epître de Saint Paul aux Corinthiens, au sujet de l'unité et de la diversité des charismes, de l'unité du corps et de l'Eglise, et des attributs de l'amour/charité, qui est le sommet de l'unité.
Souhaits de bonne fête
Avec ces méditations spirituelles, ces espoirs de la résurrection, ces aspirations à l'unité, cette ardeur de la charité, cette joie de la glorieuse fête de Pâques commune à tous les chrétiens, nous nous adressons à nos chers frères les Hiérarques membres de notre Saint-Synode, à nos chers prêtres à qui est confié le dépôt de "l'unité dans la foi" chez leurs paroissiens, surtout en cette Année Sacerdotale. Nous nous adressons aussi aux fils et aux filles de nos Eparchies et de nos paroisses, dans nos chers pays arabes et dans le monde entier, surtout au Brésil, au Vénézuéla et en Argentine, que je visiterai en août et septembre prochains.
Nous nous adressons à nos chères familles, aux jeunes qui sont l'objet privilégié de notre amour.
Nous nous adressons à tous les chrétiens qui célèbrent ensemble la grande fête de Pâques, à tous nos chers concitoyens, à nos frères musulmans qui sont témoins de l'unité de notre fête.
A eux tous, à vous tous et toutes, lecteurs et lectrices de cette lettre, nous adressons les souhaits les plus fervents et nos sentiments d'amour et d'amitié: nos vœux de bonne fête!
Puissent tous nos peuples, dans notre Orient arabe, chrétiens des différentes Eglises et musulmans, faire une marche ensemble, la marche de la foi, de l'espérance et de la charité, la marche de la solidarité, de la miséricorde, de l'unité, la marche de la prospérité et de la paix, ce grand bien si précieux, surtout en Palestine et en Irak, spécialement pour les jeunes générations!
D'un seul cœur, avec une belle et enthousiaste mélodie festive, avec une foi héroïque, avec un sens profond de solide appartenance ecclésiale, avec toute la joie de nos âmes et de nos sens, ensemble nous chantons:
Le Christ est ressuscité! Il est vraiment ressuscité!
Bonne fête!
Avec mon amour et ma Bénédiction Apostolique.
+ Gregorios III
Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem