Patriarche Youssef

Lettre de Noël 2008

25 12 2008




Lettre de Noël 2008
de Sa Béatitude Gregorios III, serviteur de Jésus-Christ,
par la grâce de Dieu Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem,
adressée aux Hiérarques, membres de notre Saint Synode,
et à nos enfants les prêtres, les moines, les moniales
et tous les fidèles,

"appelés à être saints avec tous ceux qui, en quelque lieu
que ce soit, invoquent le nom de Jésus-Christ,
notre Seigneur (…), à vous grâce et paix
de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ"
(I Corinthiens 1, 2-3)


"La vie, pour moi, c'est le Christ" (Saint Paul)

 

 "La vie, pour moi, c'est le Christ" (Philippiens 1, 21). Puisse ce verset être un cri de nos cœurs et de nos âmes et une déclaration de notre foi, en ce jubilé du deuxième millénaire de la naissance de Saint Paul et en ce jubilé annuel, toujours renouvelé, de la fête de la Nativité de notre Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Vie, l'Enfant nouveau-né et Dieu pour l'éternité.


Paul l'amant

"La vie, pour moi, c'est le Christ": c'est là une des plus belles expressions qu'ait jamais écrites Saint Paul. Elle est sortie de son coeur, elle est l'aspiration d'un amant fou d'amour, qui ne se lasse jamais d'en exprimer d'intarissables variations, sans trace de tiédeur, de superficialité ou de superfluité. L'expression "Tu es ma vie" peut sembler banale, mais quelle différence entre l'amour de Paul et l'amour d'autres amants, entre l'objet de l'amour de Paul et l'objet de l'amour des autres amants!
L'aimé de Saint Paul, c'est Celui qui est "le plus beau parmi les enfants des hommes, sur les lèvres de qui la grâce a été répandue" (Psaume 45, 3).
C'est Celui duquel il est dit: "Tes vêtements embaument la myrrhe, l'aloès et les aromates" (Psaume 45, 9).
"Car Dieu t'a béni à tout jamais, sacré avec l'huile de l'allégresse entre les rois tes frères. Tu aimes la justice et tu détestes le mal" (Psaume 45, 8).
"Pousse avec succès ton char pour la cause de la vérité, de la piété et de la justice; ta droite t'apprendra à faire des prodiges" (Psaume 45, 5).
L'aimé de Saint Paul, c'est le Verbe qui était au commencement, c'est "la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde" (Jean 1, 9), c'est la justice, la vie, la joie, l'espérance, l'espoir. En Lui était la vie, et "c'est en Lui que nous vivons, nous nous mouvons et nous existons" (Actes 17, 28).
C'est Lui, la béatitude, que jamais un œil n'a vu, que jamais une oreille n'a entendu, et qui n'a jamais pu être un objet de rêve dans le cœur de l'homme. C'est "ce que Dieu a préparé en Jésus-Christ pour tous ceux qui L'aiment" (I Corinthiens 2, 9).

C'est Dieu – l'ami des hommes, comme notre liturgie aime à l'appeler – qui donne sa vie pour ses brebis, qui va à leur recherche, qui veille sur son troupeau. Il a tellement aimé le monde, jusqu'à la mort, la mort de la croix. Il a voulu faire, de son âme, une propitiation pour nos péchés. C'est Lui qui, "pour nous et pour notre salut, est descendu du ciel et s'est incarné de l'Esprit Saint et de la Vierge Marie et s'est fait homme" (Symbole de Nicée-Constantinople). Il a souffert, Il a été mis au tombeau et Il est ressuscité le troisième jour afin de sauver ce qui était perdu et de "ramener à l'unité les enfants de Dieu dispersés" (Jean 11, 52), afin que tous, tous les hommes, toute créature "aient la vie et l'aient en abondance" (Jean 10, 10).
C'est Celui-là l'objet d'amour, l'aimé de Saint Paul. C'est Celui qui est la vie de Saint Paul.C'est l'objet d'amour, l'amant et l'aimé des siècles, l'aimé de millions et de milliards d'hommes, l'aimé des milliers et des milliers de martyrs qui ont sacrifié leur vie et répandu leur sang avec générosité, avec fierté, pour son amour. Ce sont encore les milliers et les milliers d'ascètes, de moines et de moniales qui ont quitté le monde, qui ont consacré leur vie à sa gloire, au service du pauvre, du malade, de celui qui est dans le besoin, de l'handicapé, de celui qui n'a plus de visage, qui est expulsé de la société. Ils ont donné leur vie pour le service et le développement de leur société, pour sa prospérité et son avancement sur les plans spirituel, culturel et économique, et dans le secteur de la santé.
"Ils ont été lapidés, torturés, sciés, passés au fil de l'épée; ils ont mené une vie vagabonde, vêtus de peaux de brebis ou de toisons de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités; errant dans les solitudes, les montagnes, les cavernes, et les antres de la terre" (Hébreux 11, 37-38).

Et tout cela pour leur bien-aimé et le bien-aimé de Saint Paul. Ils n'ont pas eu peur des rois, des gouvernants. Ils ont "mis en déroute les bataillons de l'étranger" (Hébreux 11, 34). Et cela "pour obtenir un bien meilleur, la résurrection" (Hébreux 11, 35), une vie éternelle avec leur bien-aimé et le bien-aimé de Saint Paul, Jésus-Christ, qui, Lui, à son tour, "ne se prévalut pas d'être l'égal de Dieu, mais Il s'anéantit Lui-même [ ??????? ], prenant la condition d'esclave, et se faisant semblable aux hommes", et "Il s'abaissa lui-même", Il a lavé les pieds de ses disciples, Il est devenu "obéissant jusqu'à la mort, la mort de la croix. Aussi Dieu l'a-t-Il exalté et Lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus, le bien-aimé de Saint Paul et des saints, des ascètes, des hommes et des femmes, "tout genou fléchisse, aux cieux, sur terre et aux enfers, et que toute langue professe que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père" (Philippiens 2, 6-11).
En cette année consacrée au deuxième millénaire de la naissance de Saint Paul, nous avons voulu que notre message de Noël soit dédié à Saint Paul. Nous allons essayer de découvrir quelques aspects de ce visage qui vraiment reflette le visage de Jésus, de qui nous fêtons maintenant la Nativité glorieuse et divine.
A vrai dire, c'est un devoir et une dette de notre part envers Saint Paul, que nous considérons comme un fils spirituel de cette ville, Damas, notre résidence, car c'est en y entrant qu'il a trouvé la lumière. Il a été baptisé dans la rivière Barada de Damas, de la main du premier Evêque de la ville, Saint Ananie, notre prédécesseur, et nos ancêtres les damascènes chrétiens furent les parrains de baptême de Saint Paul.
C'est ainsi que s'exprime une de nos hymnes dédiées aux Saints Apôtres Pierre et Paul à l'occasion de la fête du 29 juin:

"Quelle prison ne t'a pas vu passer en captif, ô Paul? Quelle église n'a pas entendu ta prédication? Damas s'enorgueillit de toi, Saint Paul, car elle t'a vu terrassé par la clarté; Rome se glorifie d'avoir reçu ton sang, et Tarse joyeusement vénère ton berceau. Avec Pierre, cette pierre de la foi, et toi, Paul, gloire de l'univers, venez de Rome nous confirmer" (Hypakoi de l'Orthros de la fête des Saints Pierre et Paul, ton 8).


Saint Paul, maître de la vie en Christ

Nous avons voulu choisir, pour notre méditation de cette année, l'expression "La vie, pour moi, c'est le Christ", car elle est pour ainsi dire le centre de la mission de Saint Paul, le pivôt autour duquel tournent tous ses enseignements; de plus, c'est le but vrai de Saint Paul et de tout homme qui croit en Jésus-Christ.
Nous allons essayer de passer en revue les lettres de Saint Paul, pour voir, à travers elles, le sens de ce verset que j'ai choisi, et comment Saint Paul l'a compris, comment il l'a enseigné, comment il l'a vécu, comment il l'a expérimenté dans toutes les circonstances de sa vie. Ce verset est vraiment le tissu mystique, le lien de toutes ses lettres. Il explique toutes les prises de position de Saint Paul vis-à-vis des différents thèmes très divers qu'il a traités dans ses lettres.
Nous allons essayer, pour ainsi dire, de nous cacher derrière Paul, pour écouter sa parole, forte comme un tonnerre, à travers sa voix, comme à travers notre faible voix; de plus, nous considérons que les paroles de Saint Paul sont des paroles pour aujourd'hui, adressées à nous et à tous les chrétiens d'aujourd'hui.

C'est ce que nous avons fait dans notre bulletin mensuel publié à Damas pour l'Année de Saint Paul, dans lequel nous avons présenté les Epîtres de Saint Paul avec ce titre: "La voix de Paul, la voix du Pasteur". Nous y avons aussi exposé différents thèmes que Saint Paul a examinés et traités, sous ce titre: "La lettre de Saint Paul aux Damascènes".
Oui, les lettres de Saint Paul nous sont toujours adressées et nous interpellent par les paroles de vie. Ce sont des paroles éternelles qui nous parlent de Jésus, lequel, Lui, est toujours le même, hier, aujourd'hui et pour l'éternité. Les paroles de Saint Paul sont aussi adressées à nous, les enfants de ce troisième millénaire de la chrétienté, comme elles étaient adressées aux premiers chrétiens, dans notre monde arabe chrétien, berceau du christianisme, et dans le monde entier. Dans la présente lettre, les paroles de Saint Paul sont adressées surtout aux fils et aux filles de notre Eglise Grecque-Melkite Catholique au Proche-Orient et dans le monde entier.
J'ai écrit une bonne partie de cette lettre à Rome, durant la tenue du douzième Synode des Evêques, presidé par Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, avec la participation de 250 Patriarches, Cardinaux et Evêques du monde entier (112 pays, dont 36 de l'Afrique, 24 des deux Amériques, 17 de l'Asie, 31 de l'Europe et quatre de l'Océanie); en plus, il faut citer les théologiens, les experts, les supérieurs généraux et supérieures générales, les traducteurs et tous les autres assistants de ce Synode.
Le travail était dur au Synode; outre les sessions, qui duraient six heures en tout, il y avait en plus les temps de prière, le temps où il fallait étudier les documents très nombreux, les papiers, les bulletins que les membres du Synode recevaient tous les jours dans un casier special; et il fallait aussi préparer les interventions écrites ou orales.

Ainsi, j'ai voulu utiliser le temps libre, surtout pendant les premières heures matinales, pour preparer cette lettre. J'ai passé des heures, longues, entières et belles, pour lire toutes les Epîtres de Saint Paul, les méditer et noter les versets et les positions afin de m'aider à comprendre et à developper le verset que j'ai choisi comme titre de ma lettre de Noël pour cette année. J'ai lu et relu aussi les Actes des Apôtres dans le même but.


Paul dans les Actes des Apôtres

Les Actes des Apôtres mentionnent Saint Paul pour la première fois dans le chapitre 7. Il s'agit du jeune Saül de Tarse, un des Juifs qui ont entendu le sermon du protodiacre Etienne, ce chrétien plein de l'Esprit Saint qui faisait des miracles et parlait avec éloquence, conviction et courage de Jésus de Nazareth, en commençant par le cheminement d'Abraham de l'Irak (Mésopotamie) à Haran et de là en Palestine. Il expliquait aux Juifs leur histoire en liant tous les événements de l'Ancien Testament autour de Jésus-Christ, qu'Etienne voyait assis à la droite du Père (Actes 7, 55-56).
A cause de la foi d'Etienne en Jésus, les Juifs l'ont entraîné hors de la Ville Sainte de Jérusalem et l'ont lapidé à mort. Les témoins de cette tragédie sanglante avaient mis leurs vêtements aux pieds et à la garde du jeune Saül, qui n'était pas seulement présent à ce spectacle criminel, mais il était encore d'accord pour tuer Etienne, et il l'entendait qui demandait pardon pour ses bourreaux, s'adressant à Jésus-Christ avec ces paroles: "Seigneur Jésus-Christ, reçois mon âme. Seigneur, ne leur impute pas ce péché!" (Actes 7, 58-60).

Ce sont là les premières paroles, les premières nouvelles et les premiers commentaires que Saül ait entendus de Jésus. Saül connaissait la Thora des Livres Saints, et il en savait tous les événements par cœur, mais il les entendait dans un autre cadre, dans une relation à un homme de qui il ignorait tout.
Mais ce spectacle n'a fait qu'augmenter chez Saül la haine; "il ravageait l'Eglise; allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison" (Actes 8, 3); "Saül, ne respirant toujours que menaces et carnage à l'égard des disciples du Seigneur, alla trouver le Grand Prêtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s'il y trouvait des adeptes de la Voie chrétienne, hommes ou femmes, il les amenât enchaînés à Jérusalem" (Actes 9, 1-2).
Le fait de mentionner Damas, dans ce chapitre 9 des Actes des Apôtres, montre combien était importante la première communauté chrétienne de Damas, à laquelle la foi en Jésus-Christ était arrivée juste après la Pentecôte, à travers les Juifs et autres qui avaient assisté à l'événement de la descente de l'Esprit Saint sur les Apôtres le jour de la Pentecôte; ils avaient formé le premier noyau de la primitive Eglise en dehors de la Palestine, après que la foi en Jésus-Christ se fût répandue en Samarie, en Judée, à Lydda, à Joppé et à Césarée de Palestine. Damas a donc précédé Antioche, où les disciples ont été pour la première fois appelés "chrétiens" (Actes 11, 26). La foi est arrivée plus tard à Antioche par le moyen notamment de l'Apôtre Paul, récemment entré dans la voie chrétienne. Cela prouve que la Syrie est bien le berceau du christianisme, comme l'a dit le Président Bachar al-Assad à l'occasion de la visite en Syrie, en mai 2001, du Serviteur de Dieu le Pape Jean Paul II.
Cela veut dire que les nouvelles de la foi des premiers chrétiens damascènes étaient arrivées à Jérusalem. Cela montre aussi que la foi des Damascènes était tellement forte que cela suscita la haine de Saül, lequel défendait avec force et conviction les traditions juives et la loi de Moïse.

Ainsi, la foi des chrétiens de Damas est ce qui suscita le zèle de Saül, lequel voulut détruire cette première chrétienté damascène. La force de leur foi fut ainsi le moteur de la persécution de la part de Saül.

D'autre part, nous voyons encore que l'ardeur de la foi damascène, d'un côté, et de l'autre l'ardeur de la haine de Saül ont été transformées par Jésus en une force divine nouvelle qui a envahi le monde à partir de Damas, par le moyen de Paul, celui-là même qui avait voulu détruire cette foi arfente par sa haine et sa jalousie.


Jésus et Saül aux portes de Damas

C'est ainsi qu'un rendez-vous inattendu a eu lieu. C'est comme un coup de tonnerre, aux portes de Damas. Une lumière du ciel couvre Saül. Le géant tombe par terre, et commence alors le premier dialogue entre deux amants; Saül entend une voix inconnue qui lui dit: "Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu?" Et Saül répond: "Qui es-tu, Seigneur?"; la voix reprend: "Je suis Jésus que tu persécutes" (Actes 9, 3-5). C'est le premier toi et moi entre Jésus et Saül. Combien de fois ce dialogue va se repéter entre Jésus et Saül, devenu Paul!
Nous savons tous les détails de cette histoire merveilleuse. Saül est guidé par ses compagnons, qui ont vu la lumière mais n'ont entendu aucune voix, jusqu'à Damas; une rencontre eut lieu avec Ananie dans la maison d'un des premiers chrétiens, dans un des quartiers qui sont autour de la Via Recta de Damas.
Le Disciple Ananie, le premier évêque de Damas, baptise Saül dans la rivière Barada, et ainsi Saül est transformé d'un persécuteur haineux en un vase d'élection qui portera le nom de Jésus-Christ "devant les païens, les rois et les enfants d'Israël", et sera "rempli de l'Esprit Saint" (Actes 9, 15 et 17).


Du Messie au Christ

Paul passe de l'amour du Messie de la Thora juive à l'amour du bien-aimé Jésus de Nazareth. Il parle de cet événement plusieurs fois dans sa vie et presque dans chacune de ses lettres. Ecoutons Paul qui se défend et qui explique ce passage de la Loi qu'il aimait tant à la grâce qui a été surabondante dans sa vie. C'est ce qui est écrit aux chapitres 21 et 22 des Actes des Apôtres.
J'aimerais rapporter ici, bien que ce soit un peu long, l'événement qui explique ce passage miraculeux et merveilleux dans la vie de Saint Paul et qu'il raconte lui-même quand il était dans les chaînes, en prison, à Jérusalem; voici ce qu'on lit dans les Actes des Apôtres (21, 39-40 et 22, 1-21):
"Je suis Juif, dit Paul, de Tarse en Cilicie, citoyen d'ine ville qui n'est pas sans renom. Permets-moi, je te prie, de parler au peuple". Le tribun l'ayant permis, Paul, debout, sur les degrés, fit un signe de la main au peuple. Un grand silence s'établit, et Paul s'adressa à eux en langue hébraïque:
"Mes frères et mes pères, écoutez ce que présentement j'ai à vous dire pour ma défense". L'entendant qui leur parlait en langue hébraïque, ils redoublèrent de silence. Paul dit alors: "Je suis Juif, né [ probablement en l'an 8 ou 9 de notre ère ] à Tarse en Cilicie; mais j'ai été élevé dans cette ville, et c'est aux pieds de Gamaliel que j'ai été instruit de la Loi de nos pères dans toute son exactitude. J'étais rempli de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui. J'ai persecuté à mort cette Voie, chargeant de chaînes et jetant en prison hommes et femmes; le Grand Prêtre et tout le collège des anciens m'en sont témoins. Ayant même reçu d'eux des lettres pour les frères de Damas, je m'y rendais, dans le dessein d'amener enchaînés à Jérusalem, pour les y faire punir, ceux de la secte qui se trouvaient là.

 "Or, chemin faisant, j'approchais de Damas, quand tout à coup, vers midi, une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi. Je tombai sur le sol et j'entendis une voix me dire: Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu? Je répondis: Qui es-tu, Seigneur? Et lui me dit: Je suis Jésus le Nazaréen, que tu persécutes. Mes compagnons virent bien la lumière, mais n'entendirent pas la voix de celui qui me parlait. Je repris: Que dois-je faire, Seigneur? Le Seigneur me répondit: Relève-toi, va à Damas; là on te dira ce que tu dois faire. Comme je n'y voyais plus à cause de l'éclat de cette lumière, mes compagnons me conduisirent par la main et j'arrivai à Damas.
"Un certain Ananie, homme pieux selon la Loi et de qui tous les Juifs de la ville rendaient bon témoignage, vint me trouver, s'approcha et me dit: Saül, mon frère, recouvre la vue. Et moi, au même instant, je le regardai. Il reprit: le Dieu de nos pères t'a prédestiné à connaître sa volonté, à voir le Juste, et à entendre les paroles de sa bouche; car tu dois être son témoin devant tous les hommes pour ce que tu as vu et entendu. Que tardes-tu donc? Lève-toi, fais-toi baptiser, et purifie-toi de tes péchés en invoquant son Nom.
"Or, de retour à Jérusalem, comme je priais dans le Temple, je tombai en extase et vis le Seigneur qui me disait: Hâte-toi, sors vite de Jérusalem; car ils n'accueilleront pas ton témoignage à mon sujet. Et moi de répondre: Ils savent bien, Seigneur, que je faisais mettre en prison et battre de verges dans toutes les synagogues ceux qui croient en Toi; et quand on répandait le sang d'Etienne, ton témoin, j'étais présent moi aussi, j'approuvais ses meurtriers et gardais leurs vêtements. Mais il me dit: Va; c'est au loin chez les païens que je veux t'envoyer".
Saint Paul reprend encore une fois, avec grand amour, avec grande reconnaissance, l'événement de Damas, lorsqu'il se défend à Césarée de Palestine devant le roi Agrippa, au chapitre 26 (1-23) des Actes des Apôtres:

"Agrippa dit à Paul: 'Tu as la parole pour plaider ta cause'. Paul, alors, étendant la main, présenta sa défense. 'De tout ce dont me chargent les Juifs, je m'estime heureux, roi Agrippa, d'avoir aujourd'hui à me disculper devant toi, d'autant plus que tu connais toutes les coutumes des Juifs et leurs controverses. Je te prie donc de m'écouter patiemment.
"Ce qu'a été ma vie dès les premiers temps de ma jeunesse au sein de ma nation et à Jérusalem, tous les Juifs le savent. Ils me connaissent de longue date et peuvent, s'ils le veulent, témoigner que j'ai vécu suivant la secte la plus rigide de notre religion, en Pharisien.
"Et maintenant, c'est pour avoir espéré en la promesse faite par Dieu à nos pères que je suis mis en jugement, cette promesse dont nos douze tribus, en servant Dieu avec ardeur jour et nuit, espèrent voir l'accomplissement. C'est cette espérance, ô roi, qui me vaut l'accusation des Juifs. Qu'y a-t-il pour vous d'incroyable à ce que Dieu ressuscite les morts?
 "Pour moi, donc, j'ai cru d'abord que je devais combattre par tous les moyens le nom de Jésus le Nazaréen, et c'est ce que j'ai fait à Jérusalem. J'ai moi-même jeté en prison un grand nombre de saints; après en avoir reçu le pouvoir des grands prêtres, et quand on les mettait à mort, j'apportais mon suffrage. Souvent même, allant de synagogue en synagogue, je les forçais par mes sévices à blasphémer, et dans l'excès de ma fureur contre eux, je les poursuivais jusque dans les villes étrangères.
"C'est ainsi que je me rendais à Damas avec mission et pleins pouvoirs des grands prêtres, lorsque, chemin faisant, vers le milieu du jour, je vis, ô roi, venant du ciel et plus éclatante que le soleil, une lumière resplendir autour de moi et de mes compagnons de route. Nous tombâmes tous à terre, et j'entendis une voix me dire en langue hébraïque: Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu? Il t'en coûterait de regimber contre l'aiguillon. Je répondis: Qui es-tu, Seigneur?

"Et le Seigneur dit: Je suis Jésus, que tu persécutes. Mais relève-toi et tiens-toi sur tes pieds; car je te suis apparu  pour t'établir serviteur et témoin des choses que tu as vues et de celles pour lesquelles je t'apparaîtrai. Je t'ai tiré du milieu du peuple  et des païens vers lesquels je t'envoie, pour leur ouvrir les yeux et les ramener des ténèbres à la lumière et de l'empire de Satan à Dieu, afin que par la foi en moi ils obtiennent la rémission des péchés et une part d'héritage avec les sanctifiés.
"Dès lors, roi Agrippa, je ne me suis pas montré indocile à la vision céleste. Au contraire, aux habitants de Damas d'abord, puis à ceux de Jérusalem et de tout le pays de Judée, puis aux païens, j'ai prêché le repentir et le retour à Dieu par une conduite digne de ce repentir.
"Voilà pourquoi les Juifs se sont saisis de moi dans le Temple et ont essayé de me tuer. Mais la protection divine ne m'a pas manqué jusqu'à ce jour, et je continue de rendre mon témoignage devant petits et grands, ne disant rien d'autre que ce que les Prophètes et Moïse ont annoncé devoir arriver, à savoir: que le Christ aurait à souffrir et que, ressuscité le premier d'entre les morts, il annoncerait la lumière au peuple et aux païens".


L'expérience de Damas dans les Epîtres de Saint Paul

Saint Paul raconte les details de sa vision sur la route de Damas dans ses Epîtres. Il faut dire qu'il a changé son nom de Saül en celui de Paul, qui est un nom grec (Actes 13, 9).
Dans la première Epître aux Corinthiens (écrite vers 56-58), Saint Paul rappelle le début de son annonce de l'Evangile; ce début est fondé sur sa relation avec le Christ ressuscité d'entre les morts et sur les apparitions de Jésus aux Apôtres et à lui aussi (I Corinthiens 15, 1-10):

"Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes, par lequel aussi vous serez sauvés, si vous le gardez tel que je vous l'ai annoncé. Autrement, vous auriez cru en vain.
 "Je vous ai donc transmis tout d'abord ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu'Il a été mis au tombeau, qu'Il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, qu'Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, Il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois (la plupart d'entre eux vivent encore et quelques-uns sont morts); ensuite Il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, Il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton.
 "Oui, je suis le moindre des Apôtres; je ne mérite pas le nom d'apôtre, parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu. C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n'a pas été sterile. Loin de là, j'ai besogné plus qu'eux tous: oh, non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est en moi".
Il est bien de mentionner que le seul lieu où Jésus est apparu après sa Résurrection et son Ascension, et après la Pentecôte, en dehors de la Terre Sainte, est en Syrie, sur la route de Damas. Ainsi, quand nous vénérons le sanctuaire de Saint Paul, nous vénérons un lieu où Jésus-Christ est apparu; nous vénérons ainsi, en même temps, Jésus et Saint Paul.
Dans sa deuxième Epître aux Corinthiens (11, 31-33), Saint Paul (vers 56-58) rappelle:
"Le Dieu et Père du Seigneur Jésus – béni soit-Il à jamais! – sait que je ne mens pas. A Damas, l'ethnarque du roi Arétas faisait garder la ville des Damascènes pour s'emparer de moi, et c'est par une fenêtre dans une corbeille qu'on me descendit le long du rempart, et ainsi j'échappai à ses mains".

Au début de l'Epître aux Galates (1, 11-24), écrite vers 53-57, Saint Paul fait de nouveau mention de son expérience de Damas, lorsqu'il se défend pour prouver l'originalité de sa mission, qui est fondée sur sa rencontre personnelle et unique avec le Christ:
"Car je vous le déclare, frères, l'Evangile que je vous ai prêché n'a rien de l'homme et ce n'est pas non plus d'un homme que je l'ai reçu ou appris; non, c'est par une révélation de Jésus-Christ.
 "Vous avez, certes, entendu parler de ma conduite de jadis dans le judaïsme; comment je persécutais à outrance et ravageais l'Eglise de Dieu, et comment par un attachement extrême aux traditions de mes pères je surpassais en judaïsme bien des compatriotes de mon âge. Mais quand il plut à Celui qui m'avait mis à part dès le sein de ma mère et appelé par sa grâce, de révéler son Fils en moi pour que je l'annonce parmi les païens, aussitôt, sans consulter la chair et le sang, sans monter à Jérusalem vers ceux qui avaient été Apôtres avant moi, je partis pour l'Arabie, puis je revins encore à Damas.
 "Ensuite, au bout de trois ans, je montai à Jérusalem pour faire la connaissance de Céphas, et je passai quinze jours avec lui. Je ne vis toutefois aucun autre Apôtre, si ce n'est Jacques, le frère du Seigneur. Ce que je vous écris là, Dieu m'en est témoin, n'est pas un mensonge.
"Ensuite je ne rendis dans les régions de Syrie et de Cilicie. J'étais d'ailleurs personnellement inconnu des Eglises du Christ qui sont en Judée. Elles avaient seulement entendu dire que leur ancien persécuteur prêchait maintenant la foi que naguère il voulait détruire, et elles glorifiaient Dieu à mon sujet".
Dans l'Epître aux Ephésiens (3, 2-9), écrite vers 61-62, il rappelle encore cette modalité unique, à travers laquelle il est devenu Apôtre, bien qu'il n'ait pas été un des Douze disciples directs de Jésus, qu'il n'ait pas vécu avec Lui, dans sa vie terrestre en Palestine:

"Vous avez sans doute appris comment m'a été dispensée la grâce de Dieu qui m'a été faite en votre faveur, comment c'est par révélation que m'a été montré ce mystère, tel que je viens de l'esquisser.
 "Vous pouvez, en me lisant, vous rendre compte de l'intelligence que j'ai du mystère du Christ, mystère qui, dans les générations passées, n'a pas été montré aux enfants des hommes comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et Prophètes en l'Esprit, à savoir que les païens sont admis au même héritage, membres du même corps, bénéficiaires de la même promesse dans le Christ Jésus par le moyen de l'Evangile, dont je suis devenu ministre par le don de la grâce de Dieu, qui m'a été départie selon son opération toute-puissante.
 "A moi, le plus infime de tous les saints, a été donnée cette grâce d'annoncer aux païens l'insondable richesse du Christ, et de mettre en lumière le plan de ce mystère, tenu caché depuis l'origine des siècles en Dieu le créateur de toutes choses".
Dans l' Epître aux Philippiens (3, 5-12), écrite vers 56-58, Saint Paul parle encore de son passage de la Loi et de la circoncision juives à la vie en Jésus-Christ:
"Circoncis dès le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d'Hébreux; pour la Loi, Pharisien; pour le zèle, persécuteur de l'Eglise; pour la justice de la Loi, d'une conduite irréprochable.
"Mais toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je n'y ai vu que préjudice au regard du Christ. Oui, bien sûr, je ne vois en tout que préjudice au regard du bien suprême qu'est la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. Pour lui, j'ai tout sacrifié et ne vois en tout qu'immondices, afin de gagner le Christ et de me trouver en Lui, non pas avec ma justice à moi, celle que donne la Loi, mais la justice par la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi. Ainsi Le connaîtrai-je, Lui et la puissance de sa Résurrection, ainsi communierai-je à ses souffrances en Lui ressemblant en sa mort, dans l'espoir de parvenir, si possible, à la résurrection d'entre les morts.

"Non pas que déjà j'aie atteint le but ou que je sois devenu parfait; je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, ayant été moi-même saisi par le Christ Jésus".
Dans son Epître aux Colossiens (1, 24-29), écrite vers 61-62, Saint Paul fait allusion à son expérience de Damas avec des expressions semblables à celles des lettres aux Ephésiens et aux Galates. Il dit aux fidèles de Colosses:
"Je me réjouis à cette heure des souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ, en faveur de son corps, qui est l'Eglise. Car j'en suis devenu le ministre en vertu de la mission que Dieu m'a confiée envers vous, et qui est d'annoncer en sa plénitude la parole de Dieu, ce mystère tenu caché aux siècles et aux générations, et qui maintenant a été montré à ses saints. A eux Dieu a daigné montrer quel trésor de gloire est ce mystère chez les païens: vous avez parmi vous le Christ, l'espérance de la gloire!
"C'est ce Christ que nous annonçons, avertissant tout homme, instruisant tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait dans le Christ. Et c'est à quoi je peine, luttant avec sa force qui agit en moi puissamment".
Dans la première Epître à Timothée (1,1 et 11-17), son "vrai fils en la foi", Saint Paul (qui écrit cette lettre en l'an 64), rappelle les étapes de sa vie antérieures à son expérience de Damas et remercie Dieu de lui avoir confié sa mission:
"Je rends grâces à Celui qui m'a rendu fort, au Christ Jésus notre Seigneur, de m'avoir jugé digne de confiance en m'appelant à son service, moi naguère un blasphémateur, un persécuteur, un insolent.
 "Mais j'ai obtenu miséricorde, parce que j'agissais par ignorance, n'ayant pas la foi; et la grâce de notre Seigneur a surabondé, ainsi que la foi et la charité qui est dans le Christ Jésus.

"Elle est sûre, cette parole, et digne d'une entière créance: le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver des pécheurs, dont je suis, moi, le premier; et s'il m'a été fait miséricorde, c'est pour qu'en moi, le premier, Jésus-Christ manifestât toute sa patience: exemple pour ceux qui croiront en lui en vue d'obtenir la vie éternelle.
"Au Roi des siècles, au Dieu impérissable, invisible, unique, honneur et gloire dans les siècles des siècles! Amin".
Dans l'Epître aux Romains (11, 13-15), écrite vers 53-57, il y a une mention lointaine de ce changement que Saint Paul a expérimenté sur la route de Damas, à propos du fait que le peuple juif a refusé de reconnaître Jésus:
"Je vous le dis donc à vous, les païens: en ma qualité d'apôtre des païens, je fais honneur à mon ministère, dans l'espoir d'exciter la jalousie de mes frères de race et d'en sauver quelques-uns. Car si leur rejet a été réconcilitation pour le monde, que sera leur réintégration sinon un retour des morts à la vie?"


Le séjour de Saint Paul en Syrie
(années 35-38)


Ce grand trajet spirituel paulinien que nous avons parcouru à travers les Actes des Apôtres et les Epîtres nous montre combien a été importante l'expérience de Damas dans la vie de Saint Paul et dans son ministère évangélique.
Avant d'entreprendre le deuxième parcours et de découvrir les dimensions de ce verset – "La vie, pour moi, c'est le Christ" – à travers ses lettres, nous voudrions jeter une lumière plus claire sur le séjour de Saint Paul dans notre pays, la Syrie, à Damas et dans le Hauran (pays natal de ma mère), que les Romains appelaient "Arabia": région romaine arabe).

Dans son Epître aux Galates (1, 17), Saint Paul écrit: "Je suis parti pour l'Arabie". Cette expression correspond aujourd'hui, géographiquement, à la région qui commence au sud de Damas et va jusqu'à la frontière actuelle avec la Jordanie (ou un peu au-delà); cette region était alors habitée par les Nabatéens, qui étaient des tribus araméennes nomades et arabes.
Saint Paul a séjourné, après sa conversion, à Damas et dans cette Arabie pendant trois ans, comme il l'affirme dans cette même Epître aux Galates (1, 17-18): "Je partis pour l'Arabie, puis je revins encore à Damas. Ensuite, au bout de trois ans, je montai à Jérusalem". Cela veut dire que Saint Paul a été baptisé par Ananie vers les années 36-37; c'est ce que raconte Saint Luc dans les Actes des Apôtres (9, 19-25), au sujet de l'activité missionnaire de Saint Paul à Damas:
"Saül passa quelques jours avec les disciples de Damas, et aussitôt il se mit à proclamer dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu. Tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits. N'est-ce pas lui – disaient-ils – qui maltraitait à Jérusalem ceux qui invoquent ce Nom, et n'est-il pas venu ici tout exprès pour les emmener enchaînés aux grands-prêtres?
 "Quant à Saül, il se fortifiait de plus en plus, et il confondait les Juifs de Damas en démontrant que Jésus est le Christ. Après un certain temps, les Juifs se concertèrent pour le faire périr. Mais leur complot vint à la connaissance de Saül. On gardait même les portes jour et nuit, afin de le faire périr. Alors ses disciples le prirent de nuit et le descendirent dans une corbeille le long du rempart".
Nous ne savons pas exactement les details du séjour de Saint Paul, pendant ces trois ans, dans la région. Quand a-t-il commencé à prêcher dans les synagogues, proclamant "avec courage le nom de Jésus" (Actes 9, 22 et 27)? Quand les disciples l'ont-ils fait fuir la nuit? Où est-il parti alors? Où a-t-il séjourné? Quand est-il retourné à Damas? Combien de temps a-t-il passé à Damas pendant ces trois ans?

Il est sûr que Saint Paul, d'un côté, était en relation avec la première communauté chrétienne de Damas, dont les membres étaient d'origine juive, mais aussi qu'il a vécu parmi les Nabatéens nomades, qui ne sont pas des Juifs, et cela probablement dans les environs de la ville actuelle de Mismiyeh, dans le Hauran. Il a sûrement partagé leur vie, et exercé son métier qui consistait à tisser des toiles de tentes, un métier très important, car ces gens-là et beaucoup d'autres habitaient autrefois sous les tentes. Mais, certainement aussi, il passait un long temps – et c'était le but de son séjour – à méditer et approfondir sa vision des livres de la Thora, qu'il connaissait probablement par cœur (je ne crois pas qu'il possédât des livres), mais il découvrait ces livres avec une nouvelle vision.
Ainsi, Paul a vécu dans cette région du désert arabe, comme les Prophètes, et comme eux il a été à l'école du silence, de la solitude, de l'écoute, de la "shekina" et du calme. Il écoutait ce que Dieu disait en lui.
Il faisait une révision générale de l'Ancien Testament, une révision de sa culture universelle, juive (pharisienne), sémitique (hébraïque et araméenne),  latine (romaine), grecque et peut-être aussi arabe. Il faisait une récapitulation de toutes les civilisations et les cultures mentionnées dans les Saintes Ecritures avec de nouveaux yeux. Il avait perdu la vue aux portes de Damas, mais, après le baptême, il avait retrouvé sa vraie vision.
En effet, Saint Ananie, avant de le baptiser, lui fait un petit sermon préparatoire, qui est mentionné dans les Actes des Apôtres (9, 17-19), où Saint Luc relate que Saint Ananie est allé dans la maison d'un certain Judas, sur la Via Recta, une des plus importantes rues de l'ancienne Damas, d'une largeur de 26 mètres et d'une longueur d'un kilomètre et demi, semblable aux grandes artères des villes romaines de l'époque:

"Ananie partit donc, entra dans la maison et imposa les mains à Saül. Saül, mon frère – lui dit-il –, c'est le Seigneur qui m'envoie, ce Jésus qui t'est apparu sur le chemin par où tu venais, pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli de l'Esprit Saint. Aussitôt il lui tomba des yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Il se leva et fut baptisé; et quand il eut pris de la nourriture, les forces lui revinrent".


Parcours des Prophètes et parcours de Saint Paul

Ce parcours de Paul est semblable au parcours des Prophètes de l'Ancien Testament. La révélation leur vient dans la paix du désert, au sommet des montagnes, sous la "shekina", et, ainsi, les paroles de la révélation sont inscrites dans les tables de leur cœur, ils les mangent dans leurs bouches, et cette nourriture devient plus douce que le miel, et entre dans leur cœur et dans leur conscience; eux deviennent la révélation et la révélation devient eux (cf. Ezéchiel 3, 1-3 et 10).
Ainsi nous comprenons comment Saint Paul a découvert le Christ, ses enseignements, sans Evangile, sans livres, sans papier, car aucun Evangile n'avait encore été écrit en ce temps-là, sans rencontre ou relation avec les Apôtres qui ont précédé Paul (Galates 1, 16-17), lesquels, lorsqu'il arrive à Jérusalem, "le redoutent, ne le croyant pas devenu disciple" (Actes 9, 26).
C'est lui-même, Paul, qui nous a montré (Galates 1, 12) comment il a découvert les enseignements du saint Evangile, comme nous l'avons dit plus haut:
"Ce n'est pas non plus d'un homme que je l'ai reçu ou appris; non, c'est par une révélation de Jésus-Christ".
Saint Paul n'était pas un apostat, sans foi ni loi; il ne méprisait pas la Loi mosaïque; au contraire, lui-même nous donne un récit (Actes 22, 3-4) de sa vie culturelle et religieuse:

 "Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie; mais j'ai été élevé dans cette ville, et c'est aux pieds de Gamaliel que j'ai été instruit de la Loi de nos pères dans toute son exactitude. J'étais rempli de zèle pour Dieu, come vous l'êtes tous aujourd'hui. J'ai persécuté à mort cette Voie, chargeant de chaînes et jetant en prison hommes et femmes".
Ce Gamaliel était un grand érudit, jouissant d'une profonde estime dans le peuple juif (cf. Actes 5, 34).
Un peu plus tard, Saint Paul dit encore (Actes 26, 4-5):
"Ce qu'a été ma vie dès les premiers temps de ma jeunesse au sein de ma nation et à Jérusalem, tous les Juifs le savent. Ils me connaissent de longue date et peuvent, s'ils le veulent, témoigner que j'ai vécu suivant la secte la plus rigide de notre religion, en Pharisien".
Donc Paul était un croyant très convaincu, d'une conviction extraordinaire; il est resté fidèle à cette conviction juive première, sur laquelle Jésus a répandu une nouvelle lumière qui illumine tout homme venant en ce monde, lumière qui est apparue aux nations et qui est la gloire du peuple d'Israël (cf. Jean 1, 9 et Luc 2, 30-32).
Ainsi se sont embrassés en Paul les livres de l'Ancien Testament et, avec leur perfection en Jésus-Christ, ceux de l'Evangile et les autres du Nouveau Testament. Ainsi se sont reencontrées et embrassées les visions des Prophètes et la vision par Paul de Jésus sur la route de Damas. De plus, se sont rencontrées et embrassées toutes les visions, toutes les révélations et toutes les paroles, car Celui qui a révélé tout cela, c'est le Dieu unique, comme a dit Saint Paul dans son Epître aux Hébreux (1, 1-3):

"Après avoir à maintes reprises et de bien des manières parlé jadis à nos pères par les Prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé à nous par le Fils, qu'Il a établi héritier de toutes choses et par qui Il a créé le monde. Rayonnement de sa gloire et empreinte de sa substance, ce Fils, qui soutient l'univers de sa parole puissante, s'en est allé siéger après avoir accompli la purification des péchés, à droite de la Majesté au plus haut des cieux".
C'est là l'ancien toujours nouveau, toujours renouvelé, toujours jeune, toujours vivant. C'est Jésus, nouveau-né, le Dieu d'avant les siècles. Il est de la maison de David selon la chair et Il est le Verbe qui était au commencement (Jean 1, 1-4):
"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par Lui tout a existé, et sans Lui rien n'a existé de ce qui existe. En Lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes".
Oui, Jésus-Christ est Dieu et homme. Il a détruit toutes les barrières de l'histoire, du temps, du lieu, de la géographie, de la race, du passé, du présent, de l'avenir. Il a détruit les barrières entre les hommes, entre les Juifs et les païens, entre hommes et femmes, entre esclaves et libres, grands et petits, pour faire de toute l'humanité un nouvel homme, comme Lui-même est un avec le Père et l'Esprit Saint. En Lui se réconcilient toutes les nations, tous les peuples, tous les partis, toutes les mentalités, tous les courants. Tous sont unifiés en Lui (Ephésiens 2, 13-17):
"Mais voici qu'à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, avez été rendus proches par le sang du Christ. Car c'est Lui qui est notre paix, Lui qui des deux mondes en a fait un seul, renversant le mur qui les séparait – la haine –, abolissant dans sa chair la Loi avec ses décrets et ordonnances. Il a voulu ainsi, établissant la paix, créer en Lui de ces deux hommes un seul homme nouveau, et par la croix, tuant en lui la haine, les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul corps. Et Il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, la paix aussi à ceux qui étaient proches".

Autour de Jésus se sont unifiés en Paul sa pensée, sa vision, ses sentiments, son message, son Evangile, toutes les cultures, toutes les langues qu'il connaissait, toutes les civilisations qui étaient siennes: romaine, grecque, hébraïque et araméenne.
Paul est amant de Jésus; il l'a été deux fois. Il l'a aimé sans le connaître dans la Thora, chez les Prophètes; il l'a aimé une seconde fois sur la route de Damas après l'expérience de la vision de Jésus ressuscité d'entre les morts, qui l'a "mis à part dès le sein de sa mère" et l'a "appelé par sa grâce" (Galates 1, 15).
Ainsi Paul réunit en lui-même, dans sa vie, dans ses enseignements et dans son expérience spirituelle, ce qui était justement dit par Saint Jean dans son Evangile (Jean 1, 16-17):
 "De sa plénitude en effet nous avons tous reçu, et grâce sur grâce; car la Loi a été donnée par Moïse, mais la Grâce et la Vérité sont venues par Jésus-Christ".


Paul unifie les deux Testaments

Le verset que nous avons choisi – "La vie, pour moi, c'est le Christ" – veut dire que Jésus est devenu tout en tout pour Saint Paul et que la personnalité de Jésus est centrale pour toute la révélation de Dieu à l'humanité dans l'Ancien et le Nouveau Testaments. Nous découvrons ainsi ce que Saint Paul a dit (II Corinthiens 1, 19):
"Le Christ Jésus n'a pas été oui et non, il n'y a eu que oui en Lui".
Il a dit encore (Hébreux 13, 8):
"Jésus-Christ est le même hier et aujourd'hui; Il le sera à jamais".

Cela veut dire que l'Alliance de Dieu avec les hommes et sa révélation à eux sont une seule chose, car l'origine de l'Alliance et de la révélation est une: c'est Lui, le Dieu unique. Ce que nous appelons Ancien Testament et Nouveau Testament, c'est une seule et même chose, qui vient d'une seule origine: Dieu, qui a révélé Lui-même sa parole divine et qui l'a confirmée par l'alliance de son amour et sa fidélité envers l'humanité.
Ainsi, les deux Testaments sont un, de sorte que ce qui a été relaté dans ce que nous appelons l'Ancien Testament, les événements, les actes et les enseignements se réalisent dans une nouvelle réalité, un nouveau sens, une nouvelle vision entière dans la personne de Jésus-Christ, car l'Alliance c'est Jésus-Christ Lui-même; la révélation, c'est encore Jésus Lui-même. Dieu dit, dans l'Apocalypse (21, 5): "Voici que je rénove toute chose" (cf. Ezéchiel 36, 26).
L'Ancien Testament devient ainsi la parole de Jésus, dans l'institution du mystère (sacrement) de l'Eucharistie, lors de la dernière Cène, lorsqu'Il dit: "Cette coupe est la nouvelle Alliance, en mon sang versé pour vous" (Luc 22, 20).
C'est ce que nous comprenons dans la lecture et l'analyse des premiers discours et sermons dans les Actes des Apôtres: discours de Pierre, d'Etienne, de Philippe et de Paul, et même du dialogue de Jésus, le jour de la Résurrection, avec les deux disciples d'Emmaüs; nous ne voyons dans ces discours rien des enseignements de Jésus directement, ni ses paraboles, ni ses miracles, comme dans l'Evangile, mais nous voyons que ces Apôtres passent en revue l'histoire et les événements de l'Ancien Testament, de la Thora, et, à partir de cela, ils arrivent au salut qui a été réalisé par Jésus-Christ, de sorte qu'ainsi ils prouvent ce que Saint Paul a dit (I Corinthiens 2, 2):
"Je n'ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié".

Ainsi, les Apôtres lisent l'Ancien Testament comme des Juifs croyants et pieux, n'y voyant que Jésus seul, comme cela est arrivé aux trois Apôtres présents le jour de la Transfiguration sur le mont Tabor, où cette vision se termine par cette expression très belle: "Levant alors les yeux, ils ne virent plus que Lui, Jésus, seul" (Matthieu 17, 8). Sont en effet disparus Moïse et Elie, qui étaient sur la montagne avec Jésus, ou plutôt les Apôtres ont commencé à comprendre que tout ce qui a été dit au sujet de Moïse, d'Elie et des autres Prophètes ne peut être compris qu'à travers la personne de Jésus-Christ. C'est justement le sens du verset de Saint Paul ("La vie, pour moi, c'est le Christ"), et c'est ainsi que Jésus est devenu le centre de la vie de Saint Paul.
De même, c'est ainsi que nous comprenons le sens du premier dialogue entre Jésus et Saul: "Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu?" Saul répond: "Qui es-tu, Seigneur?" Et Jésus lui réplique: "C'est moi, Jésus, que tu persécutes". Cependant, Saul ne persécutait directement que des hommes, des Juifs, ses compatriotes de la première communauté chrétienne de Damas, d'origine juive.
A partir de cela, on peut comprendre encore la réponse de Jésus, dans son dialogue avec la femme samaritaine, qui commençait à discuter avec Lui au sujet des prophéties, de la prière sur la montagne ou à Jérusalem, et du Messie qui doit venir. Et Jésus de l'interrompre et de terminer le dialogue par cette réponse: "Je le suis [le Messie], moi qui te parle" (Jean 4, 26).

Jésus est donc Lui-même la révélation divine, c'est Lui-même qui vient à la place du Livre. Jésus est la Parole elle-même, Jésus est la Personne, Jésus est tout, et c'est pour cela que le fait de nous appeler les "gens de la religion du Livre" est une appellation qui n'est pas entièrement vraie et ne correspond pas à toute la vérité de notre foi chrétienne, de notre foi en l'existence de Jésus comme centre de toute l'expression de notre foi, de nos dogmes, de nos prières, de notre culte, de notre éthique et de tous les aspects de notre vie, spirituels, religieux, sociaux, politiques, professionnels. Nous sommes plus que cela: l'expresion "les gens du Livre" ne peut pas contenir toute l'expression de la réalité chrétienne, car "le Livre" c'est Jésus Lui-même, et c'est ce que nous allons voir dans les Epîtres de Saint Paul.
De même, il faut noter que l'expression coranique "les gens du Livre" vise les Juifs et les Nazaréens (ou chrétiens), considérés comme ayant des livres inspirés, dans lesquels il y a tout ce qui peut être utile pour leur vie, et cela étant suffisant aussi pour qu'ils jugent eux-mêmes dans toutes leurs affaires selon leurs livres, et qu'ils puissent décider de tous les aspects de leur vie selon leur propre Livre. C'est là le sens de la sourate du Coran 42, 15 qui indique que les "gens du Livre" jugent selon ce qui a été révélé dans leur Livre. Il s'en suit clairement, selon la logique du Coran, que la Chari'a (la loi musulmane) ne peut pas être imposée aux chrétiens.

Celui qui croit en Jésus et qui est baptisé dans la foi chrétienne trouve donc son point de départ en Jésus, qui est l'objet de tous les Livres Saints; dans ces livres il découvre la personne de Jésus, ses enseignements qui sont vraiment la voie, la vérité et la vie, et c'est la voie vers la vraie vie en Jésus-Christ, avec et pour Jésus-Christ, dans et pour la société, et dans toutes les obligations et les devoirs qui justement trouvent leur source dans la foi en Jésus-Christ. La vie chrétienne est donc centrée non pas sur le Livre, mais sur Jésus-Christ qui est Lui-même le Livre.


L'expérience de Saint Paul à travers ses lettres

Après cette marche avec Paul, sur la route de Damas, dans les rues du quartier de la Via Recta, sur les routes du Hauran et de la Syrie, nous voulons nous mettre maintenant à l'école de Saint Paul, après qu'il ait été lui-même à l'école des premiers chrétiens de Damas. Nous allons ouvrir ses lettres, l'une après l'autre, pour y voir, nous convaincre et nous rendre compte, à travers elles, de la réalité, l'exactitude et la véracité de ce qu'il a dit, ce qui est l'objet de notre lettre et qui est, pour ainsi dire, la devise de Saint Paul: "La vie, pour moi, c'est le Christ". Ainsi nous pouvons, à travers Paul, apprendre comment vivre le mystère du Christ, de sorte que le Christ soit notre vie, comme Il l'a été pour Paul, que nous ayons la pensé du Christ comme Saint Paul l'avait, et que nous comprenions, avec Saint Paul, le mystère du Christ, l'économie du salut pour nous, à travers les événements de la vie de Saint Paul, ses expériences spirituelles qui sont mentionnées dans ses lettres et ses enseignements aux premiers chrétiens, à qui il a adressé ses lettres magnifiques.
Nous allons suivre, dans l'explication des Epîtres de Saint Paul, l'ordre de leur insertion dans le Nouveau Testament, et non pas selon la distribution chronologique que suggèrent les recherches bibliques.


L'Epître aux Romains

Dans l'Epître aux Romains, nous voyons une des plus belles expressions, et des plus éloquentes, qui explique le verset de Saint Paul, "La vie, pour moi, c'est le Christ". Nous laissons Saint Paul parler lui-même, et ce sera notre manière de traiter toutes les Epîtres de l'Apôtre. La présente lettre de Noël est, pour ainsi dire, une lecture christique ou messianique chrétienne de ses Epîtres.

En effet, dans ces Epîtres nous voyons, avec splendeur et beauté, la figure centrale de Jésus-Christ dans la vie de Saint Paul, dans ses écrits, dans sa prédication de l'Evangile et dans sa manière de traiter tous les problèmes de la première communauté chrétienne. Car toute personne, toute chose, tout thème, toute problématique, tout enseignement, toute opinion, tout jugement, toute manière de penser, toute conduite, tout sentiment du cœur, toute impression, tout cela pour lui est lié à Jésus.
Paul est le "serviteur du Christ Jésus, mis à part pour l'Evangile de Dieu" (1, 1). Le nom de Paul est lié au nom de Jésus dans toutes ses Epîtres, où le nom du Messie Jésus est répété 396 fois. Paul est un spécialiste de Jésus, un diplômé de l'université de Jésus, de l'Evangile de Jésus, et il s'adresse en tant que tel à tous ceux à qui il prêche dans ses lettres:
"Vous en êtes, vous aussi, les appelés de Jésus-Christ, (...) les bien-aimés de Dieu" (1, 6-7).
"De là mon vif désir de vous annoncer l'Evangile, à vous aussi qui êtes à Rome. Car je ne rougis pas de l'Evangile" (1, 15-16).
"Selon mon Evangile, Dieu jugera par le Christ Jésus" (2, 16).
"Nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ" (5, 1).
"Nous nous glorifions encore en Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui nous avons maintenant obtenu la réconciliation" (5, 11).
"La grâce de Dieu et le don que confère la grâce d'un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils en abondance répandus sur la multitude" (5, 15).
"Ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice règneront dans la vie de par le seul Jésus-Christ" (5, 17).
"La grâce règne de même par la justice pour la vie éternelle par Jésus-Christ notre Seigneur" (5, 21).

"Nous tous, qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c'est en sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été mis au tombeau avec Lui par le baptême qui nous plonge en la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions semblablement, nous aussi, une vie nouvelle" (6, 3-4).
"Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui" (6, 8).
"Regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu dans le Christ Jésus" (6, 11).
"Vous  avez été mis à mort à l'égard de la Loi par le corps du Christ" (7, 4).
"La loi de l'Esprit de vie t'a libéré dans le Christ Jésus de la loi du péché et de la mort" (8, 2).
"Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne Lui appartient pas. Si au contraire le Christ est en vous, votre corps est mort en raison du péché, mais votre esprit vit en raison de  la justice. Et si  l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité des morts le Christ Jésus donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous" (8, 9-11).
(Nous sommes) "enfants, donc héritiers; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ" (8, 17).
(C'est) "le Christ Jésus, qui est mort  et ressuscité, qui est à droite de Dieu, qui intercède pour nous" (8, 34).
On a alors l'expression extraordinaire, si belle, de Saint Paul dans ces versets connus par tous les fidèles (8, 35-39):
"Qui nous séparera de l'amour du Christ? La tribulation? La détresse? La persécution? La faim? La nudité? Le péril? Le glaive? Car il est écrit: A cause de Toi on nous met à mort à longueur de journée; on nous regarde comme brebis d'abattoir. Mais en tout cela nous triomphons par Celui qui nous a aimés.

"Oui, j'en ai l'assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni quoi que ce soit de créé ne pourra nous séparer de l'amour que Dieu nous témoigne dans le Christ Jésus notre Seigneur".
C'est là une expérience personnelle de Jésus-Christ. Saint Paul ici ne parle pas de n'importe quelle personne, d'une autre personne, car il a rencontré le Christ, il a expérimenté le Christ, il est resté en relation avec le Christ, fidèle à Lui, malgré toutes les persécutions et les souffrances qui ont marqué sa vie, comme on le voit dans ces versets.
Il écrit encore, dans cette Epître aux Romains:
"Le  terme de la Loi, c'est le Christ" (10, 4).
"Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ" (13, 14).
Puis vient cette expression qui termine tout un ensemble de conseils (15, 5-7):
"Que le Dieu de la constance et de la consolation vous donne d'avoir les mêmes sentiments les uns pour les autres dans l'esprit du Christ Jésus, afin que d'un même cœur et d'une même voix vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a Lui-même accueillis, à la gloire de Dieu".
Et enfin nous lisons cette invocation finale (16, 25-27):
"A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon mon Evangile et le message de Jésus-Christ, selon la révélation d'un mystère qui, enveloppé de silence durant une éternité de siècles, a été maintenant manifesté et qui, par le moyen des écrits prophétiques, sur l'ordre du Dieu eternel, a été porté à la connaissance de tous les païens pour les amener à obéir à la foi, à Dieu, seul sage, gloire par Jésus-Christ dans les siècles des siècles! Amin".


Première Epître aux Corinthiens

Dans cette Epître, qui est  une des plus grandes de Saint Paul, nous voyons comment la vie de l'Apôtre est liée au Christ; il affirme, d'une manière incessante, qu'il est Apôtre comme tous les autres Apôtres, à cause de sa relation avec Jésus; il ne fait aucun pas qui ne soit pas en relation avec Jésus, il ne connaît personne, si ce n'est en Jésus-Christ; il ne connaît rien, il ne sait rien, si ce n'est en Jésus-Christ.
Dans les dix premiers versets, nous voyons le nom de Jésus répété dix fois, et on sait que le nom veut dire la personne, car tout se réalise et s'accomplit en Jésus: la grâce, la paix, le témoignage, l'action de grâce, la fermeté dans la foi, la communion, le kérygme, la sagesse, la justice, la sainteté, la relation avec l'autre, avec les fidèles, avec les infidèles, avec les philosophes et la philosophie, avec la pensée, les événements de l'Ancien Testament, la tradition chrétienne, la relation entre l'homme et la femme, la relation entre les fidèles en Jésus-Christ dans l'Eglise, la foi, l'espérance, la charité, le Jihad, la lutte, les passions, les souffrances, la croix, la mort, la résurrection, la victoire, ... tout cela est en Jésus.
Paul est "appelé à être Apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu" (1, 1), pour s'adresser "à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus" (1, 2)."Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils Jésus-Christ, notre Seigneur" (1, 9).
L'objet de la prédication de Saint Paul est le "Christ crucifié" (1, 23), alors que d'autres ne prêchent que qui ils veulent. Pour lui, Paul, l'objet de sa fierté c'est le Christ avec sa croix, car "le Christ Jésus, de par Dieu, est devenu pour nous sagesse, justice, sanctification et rédemption" (1, 30).
Il ne connaît personne des gens de Corinthe: "Je n'ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié" (1, 30). De même, le vrai lien entre le prêtre et les fidèles est Jésus, en Jésus et par Jésus.

Paul accueille tout et chacun, parmi les gens de Corinthe, l'homme crucifié, souffrant, qui est dans le doute, et toute personne, en Jésus-Christ; il connaît cette personne, il l'accueille malgré sa pauvreté, sa douleur, sa maladie, sa faiblesse, ses erreurs et sa détresse, car, pour lui, cet autre est devenu Jésus-Christ Lui-même.
Paul n'a pas confiance en sa vaste culture, en la pensée grecque, ou bien en ses connaissances bibliques qu'il a reçues de la bouche des grands maîtres de la Loi. Paul a, lui, "la pensée du Christ" (2, 16); il est le "serviteur du Christ", il est "l'intendant des mystères de Jésus" (4, 1); il construit, il sème, il irrigue, mais sur la base de sa relation avec Jésus (3, 11); "tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu" (3, 22-23).
Ce principe explique la complémentarité des choses, l'ordre à suivre et à instituer entre les choses, leur valeur, leur importance dans la vie des fidèles. Il n'y a aucune fondation,   aucune valeur, aucune construction, en dehors du Christ et sans le Christ.
C'est ce que Saint Paul a expérimenté dans sa vie apostolique, avec tout ce qui l'a accompagnée: les souffrances, le mépris, les insultes, les persécutions, qu'il décrit ainsi (4, 9-13):
"Car Dieu, ce me semble, nous a, nous les Apôtres, exhibés au dernier rang, tels des condamnés à mort; oui, nous avons été livrés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous, nous, à cause du Christ, et vous, vous êtes sensés dans le Christ; nous sommes faibles, et vous, vous êtes forts; vous êtes à l'honneur, et nous dans le mépris.
"A cette heure encore, nous souffrons la faim, la soif, la nudité; nous sommes maltraités et errants; nous nous épuisons à travailler de nos mains. On nous insulte et nous bénissons; on nous persécute et nous l'endurons; on nous calomnie et nous consolons. Nous sommes devenus comme l'ordure du monde et sommes jusqu'à présent l'universel rebut".

C'est une description de la vie de Saint Paul, difficile et douloureuse, mais dans le Christ et pour le Christ. Ce sont des souffrances qui ressemblent à celles du Christ; ce sont des signes d'une nouvelle naissance. Paul donne naissance aux fidèles de Corinthe; il est pour eux le père, la mère, le maître, le serviteur, et celui qui leur donne naissance dans le Christ.
Saint Paul demande aux fidèles de Corinthe de l'imiter, comme lui imite le Christ (11, 1), et qu'ainsi ils deviennent "temple du Saint Esprit", car leurs corps sont des "membres du Christ" (6, 15 et 19); ils doivent respecter ces membres, comme ils respectent le Christ Lui-même en eux, et ainsi ils glorifient Dieu dans leur corps, dans leurs membres.
L'objet de la prédication de Saint Paul est, en premier et en dernier lieu, le Christ. Il annonce l'Evangile du Christ sans vouloir demander de récompense, gratuitement: "Malheur à moi si je ne prêchais pas l'Evangile!" (9, 16 et 18). Il supporte tout, et il est prêt à perdre toutes ses prérogatives, "pour ne créer nul obstacle à l'Evangile du Christ" (9, 12). Il fait tout pour faire avancer sa cause, il combat pour l'Evangile. Il s'est fait "l'esclave de tous", "Juif avec les Juifs", "sujet de la Loi avec les sujets de la Loi", "un sans-loi avec les sans-loi", "tout à tous"; "et tout cela, je le fais pour l'Evangile" (9, 19-23).
Le Christ est pour lui le "rocher" (10, 4); de plus, Jésus est la lecture que fait Paul dans tout ce qu'il connaît, dans la culture juive, dans la Thora, dans tous les symboles de l'Ancien Testament, qui sont tous liés au Christ; il explique, à travers l'Evangile du Christ, tous les événements qui se sont passés dans l'histoire des Juifs; il les comprend tous à travers le Christ, car tout "a été écrit pour notre instruction" (10, 11).
De plus, la relation des êtres humains entre eux est centrée et fondée sur le Christ; cela s'applique aux relations de l'homme avec la femme, de la femme avec l'homme: " Le chef de l'homme, c'est le Christ; le chef de la femme, c'est l'homme; et le chef du Christ, c'est Dieu" (11, 3).

Voilà la vraie vision pyramidale de la réalité des relations entre les hommes, entre leurs différentes catégories et situations. C'est cela qui conserve à tout homme sa dignité, ses droits, son identité et son unicité. Il ne peut y avoir d'esclavage, ni de vision hautaine, ni d'orgueil, ni de violence, ni de dictature… Chacun assume sa dignité et prend sa place à travers sa relation avec le Christ et en Dieu qui a créé tous les hommes égaux à son image et à sa ressemblance.
Saint Paul passe à l'Eucharistie, qui est le vrai lien avec le Christ, lien fondamental, car l'Eucharistie, c'est le Christ. En effet, "la coupe de bénédiction que nous bénissons est communion au sang du Christ, et le pain que nous rompons est communion au corps du Christ" (10, 16). Les fidèles qui célèbrent la Cène mystique et le sacrement de l'Eucharistie (11, 23-28) annoncent "la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'Il vienne" (11, 26). De plus, ils deviennent eux-mêmes le corps du Christ; ils sont tranformés en Christ: "Vous êtes le corps du Christ et membres chacun pour sa part" (12, 27). Tous les membres du corps sont unis entre eux, tous les dons que les membres ont dans ce corps qu'est l'Eglise sont liés à ce corps; ils sont au  service de tous les membres (12, 12-26).
A partir de là, on comprend de nouveau toute cette relation pyramidale dans l'Eglise, dans la relation du supérieur avec le subordonné, de l'Evêque avec ses prêtres, du supérieur religieux avec ses moines ou moniales, la relation du Patriarche avec les Evêques, des Evêques avec le Patriarche, la relation du Pape – qui est la plus haute autorité dans l'Eglise – avec l'Eglise et avec les fidèles. Là encore, on peut voir le vrai lien entre la primauté pétrine et la collégialité épiscopale.
Ces enseignements de Paul au sujet du corps et des membres sont à la base du vrai sens de l'unité chrétienne dans l'Eglise et de la recherche de l'unité entre les chrétiens. C'est une relation des membres entre eux, des dons, des charismes, des services, des ministères dans l'Eglise qui est le corps du Christ.

A partir de cela et dans cette logique, on peut comprendre l'hymne à la charité du chapitre 13; c'est la charité qui est le lien premier, le plus important, le plus grand, entre Dieu et les hommes, car Dieu est amour, et entre les hommes eux-mêmes, car ils sont les enfants de Dieu qui est amour.
Ces deux chapitres 12 et 13 sont le fondement de toute la recherche de l'unité entre les chrétiens, car nous sommes en effet, malheureusement, très humains, charnels, car nous ne comprenons pas le sens vrai de cette charité; tous les efforts dans l'engagement œcuménique se heurtent à des obstacles et à l'incertitude; on se noie dans les papiers, dans les réunions, les documents, les visites, les politesses, les protocoles, et même les dialogues théologiques, les embrassades, les photographies, les interviews à la presse, les déclarations, … C'est ce qu'a très bien exprimé l'Archevêque Elias Zoghby, d'heureuse mémoire, dans son livre Tous schismatiques? (avec un point d'interrogation qui est aussi un point d'exclamation).
Nous n'avons pas la pensée du Christ, nous n'avons pas la pensée de Paul, l'Apôtre de Jésus-Christ. Puissions-nous, dans cette année jubilaire, comprendre les enseignements de Saint Paul! Puissions-nous, nous aussi, avoir comme lui la pensée du Christ! C'est ainsi qu'on pourra réaliser l'unité à laquelle aspirent tous les chrétiens. Je n'exagèrerais pas si je disais que ceux qui aspirent le moins à cette unité sont malheureusement les chefs et les pasteurs, tandis que les fidèles aspirent avec une grande faim et une grande soif à cette unité telle que l'a voulue Jésus, afin que le monde croie, ce monde qui a toujours besoin de Jésus.
Le résumé de ce que Saint Paul appelle souvent son "Evangile" est ce qu'il a reçu de Jésus Lui-même: "A savoir qie le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu'Il a été mis au tombeau, qu'Il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures" (15, 3-4). Encore une fois, il fait mention de son expérience dans sa rencontre personnelle avec le Christ ressuscité d'entre les morts, sur le chemin de Damas.

La Résurrection de Jésus est centrale dans l'Evangile de Saint Paul et de tous les Apôtres, et c'est pour cela que les premiers chrétiens, dans notre cher Orient, ont été appelés les fils de la Résurrection; en effet, "si le Christ n'est pas ressuscité, alors notre prédication est vide et vide aussi votre foi, et vous êtes encore dans vos péchés" (15, 14 et 17). Saint Paul ajoute: "Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes" (15, 19).
Cet espoir, c'est cela qui fortifie Saint Paul dans sa lutte, et c'est pour cela qu'il peut dire qu'il meurt tous les jours pour Jésus (15, 31). C'est pour cela que Saint Paul a bien le droit  d'écrire, à la fin de cette Epître, ce chant de victoire qu'il reprend d'Isaïe (25, 8) et d'Osée (13, 14): "La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire? Où est-il, ô mort, ton aiguillon?" (15, 54-55).
La première phrase de cette lettre contient le nom de Jésus, et la dernière parole est encore une aspiration d'amour envers le Christ: "Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur, qu'il soit anathème! Maran atha. La grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Je vous aime tous dans le Christ Jésus. Amin" (16, 22-24).


La deuxième Epître aux Corinthiens

Le Christ, dans la vision de Paul, est le commencement et la fin, l'alpha et l'omega. C'est pour cela que toutes ses lettres commencent avec Jésus: "Paul, apôtre du Christ Jésus … Grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ" (1, 1-2).

Cette lettre est caractérisée par la description de la participation de Paul à la Passion du Christ: "De même, en effet, que les souffrances du Christ abondent pour nous, de même, par le Christ, abonde aussi notre consolation" (1, 5). Saint Paul est ferme, malgré les souffrances, jusqu'à la mort (1, 9-10). Il est ferme dans sa position: "Notre langage avec vous n'est pas oui et non, car le Fils de Dieu, que nous avons prêché parmi vous, n'a pas été oui et non; il n'y a eu que oui en Lui" (1, 18-19).
Paul pardonne pour Jésus (2, 10); il voyage, il va ça et là (2, 12); il va d'une victoire à l'autre en Jésus (2, 14); il est "la bonne odeur du Christ" (2, 15). Son assurance dans les difficultés n'a pas de limites (3, 4), et toute sa force et toutes ses capacités sont en Jésus (4, 5-6).
Dans cette lettre (surtout les chapitres 3, 4 et 5), Saint Paul exprime son amour passionné pour le Christ, son expérience de la vie en Jésus, malgré les souffrances, les perplexités, les oppositions, les maladies corporelles et spirituelles, les trahisons: "Quoique vivants, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle" (4, 11-12). Mais il n'est pas limité, il ne tombe pas dans le désespoir, il n'est jamais déçu, malgré les obstacles et les persécutions (4, 8-9). Il écrit: "Encore que l'homme extérieur en nous s'en aille en ruines, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour" (4, 16).
Et cela car "l'amour du Christ nous presse" (5, 14), et nous sommes dans le Christ "une création nouvelle" (5, 17); nous sommes "en ambassade pour le Christ" (5, 20). Il écrit (6, 4-10):

"Nous nous affirmons en tout comme des ministres de Dieu: par une grande constance dans les tribulations, dans les détresses, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les émeutes, dans les fatigues, dans les veilles, dans les jeûnes; par la pureté, par la science, par la longanimité, par la bénignité, par l'Esprit-Saint, par une charité sans feinte, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu; par les armes offensives et défensives de la justice; dans l'honneur et l'humiliation, dans la mauvaise et la bonne réputation; tenus pour imposteurs et pourtant vérifiques; pour gens obscurs, nous pourtant si connus; pour gens qui vont mourir, et nous voilà vivants; pour gens qu'on châtie, mais sans les mettre à mort; pour affligés, nous qui sommes toujours joyeux; pour pauvres, nous qui faisons tant de riches; pour gens qui n'ont rien, nous qui possédons tout".
Voilà un exemple de l'expérience de Paul dans sa vie en Jésus-Christ. Rien ne détruit sa volonté, son enthousiasme (10, 4-6):
"Les armes de notre combat ne soint point charnelles, mais elles ont, pour la cause de Dieu, le pouvoir de renverser les forteresses. Nous détruisons les sophismes et toute puissance altière qui se dresse contre la connaissance de Dieu, et nous faisons toute pensée captive pour l'amener à obéir au Christ. Et nous sommes prêts à punir toute désobéissance, dès que votre obéissance à vous sera parfaite".
De nouveau, Saint Paul décrit toutes ses fatigues en vue de la vie dans le Christ: les prisons, les coups, les flagellations, les lapidations, les naufrages, divers dangers mortels, les voyages périlleux, les inondations, les brigands, les dangers des frères mensongers, les grandes peines, les veilles, la faim, la soif, les jeûnes, le froid, la nudité, la fuite par une fenêtre des murailles de Damas dans le désert (11, 23-33).
Mais Jésus renforce Paul et lui dit dans les tentations: "Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse" (12, 9).

Et Paul d'en déduire: "C'est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. Oui, je me complais dans mes faiblesses, dans les outrages, les détresses, les persécutions, les angoisses endurés pour le Christ; car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" (12, 9-10).
Ce sont là les grands défis, les grandes expériences de la foi, que Saint Paul a vécus, dans ses Epîtres, afin qu'il vive dans le Christ et que le Christ vive en lui.


L'Epître aux Galates

L'Epître commence par cette affirmation que Saint Paul ne cesse de répéter: "Paul, apôtre, non de par les hommes ni par intermédiaire d'homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père qui l'a ressuscité des morts" (1, 1); en plus, il est "le serviteur du Christ" (1, 10). Le contenu de l'Evangile qu'il porte aux Galates est le Christ, et le Christ ressuscité d'entre les morts (1, 1); il n'y a pas d'autre évangile, car l'Evangile est celui du Christ (1, 6-9).  "L'Evangile que je vous ai prêché – dit-il – n'a rien de l'homme, et ce n'est pas non plus d'un homme que je l'ai reçu ou appris; non, c'est par une révélation de Jésus-Christ" (1, 11-12), qui lui est apparu sur la route de Damas, et c'est Lui qui l'a justifié dans la foi en Lui (2, 16-17).
Et ici Saint Paul proclame hautement sa devise centrale, vitale: "Je suis pour jamais crucifié avec le Christ; je vis, mais non pas moi, c'est le Christ qui vit en moi" (2, 19-20).
Paul veut que soit peinte cette belle image chez les Galates: "Qui vous a ensorcelés, pauvres fous de Galates, vous qui avez eu sous les yeux le tableau de Jésus-Christ crucifié?" (3, 1). De plus, Saint Paul lui-même éprouve les souffrances de l'enfantement comme une mère qui donne naissance à son enfant, afin que le Christ soit formé en eux (4, 19).

Chaque homme qui reconnaît le Christ doit être crucifié avec Lui, car "ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises" (5, 24). La fierté de Paul, c'est le Christ, le Christ crucifié. De plus, il veut être lui-même crucifié avec Jésus et comme Jésus: "Puissé-je ne me glorifier que dans la croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, par laquelle le monde est à jamais crucifié pour moi et moi pour le monde. Car la circoncision n'est rien, rien non plus l'incirconcision; ce qui compte, c'est d'être une création nouvelle. Et à tous ceux qui suivront cette règle, paix et miséricorde, ainsi qu'à l'Israël de Dieu. Que désormais nul ne me cause d'ennuis; car je porte en mon corps les marques de Jésus" (6, 14-17).
Le Christ est vraiment tout pour Saint Paul; en Lui il a tout obtenu, et en Jésus chaque homme peut atteindre le salut, car la promesse fut donnée aux croyants, par la foi en Jésus-Christ (3, 22). Il y a un seul médiateur, qui est Jésus-Christ (3, 20). La Loi nous guide vers le Christ (3, 24); "Vous êtes tous les fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ; vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme: vous n'êtes tous qu'un dans le Christ Jésus. Mais si vous appartenez au Christ, vous êtes la Descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse" (3, 26-29).
Paul veut que tous soient comme lui: une créature nouvelle dans le Christ, car dans le Christ nous naissons de nouveau, d'en haut (cf. Jean 3, 5-8), et c'est ce qui est exprimé par les Pères de l'Eglise dans l'expression fameuse de la theosis (divinisation), qui affirme que le Fils de Dieu est devenu Fils de l'homme afin que l'homme devienne Dieu (cf. nos lettres de Noël 2004 et 2005).
Ainsi, l'unité dans le Christ devient le but de la vie humaine; plus encore, l'union dans le Christ devient la base de l'union entre les hommes, de leur solidarité, de leur dignité, de leur relation les uns avec les autres.

Nous savons de l'histoire que Saint Paul a été martyrisé à Rome et qu'il a été décapité; mais, avant ce martyre, il a vécu stigmatisé par les souffrances du Christ; ainsi, Saint Paul est un des premiers que nous connaissions qui ont porté les stigmates de la Passion du Christ, comme saint François d'Assise, Sainte Rita de Cascia , Sainte Marguerite-Marie Alacoque, la Bienheureuse Marie de Jésus Crucifié et bien d'autres.
C'est l'amour de Paul envers Jésus qui l'a mené jusqu'à être vraiment crucifié avec Jésus.


L'Epître aux Ephésiens

Cette lettre a été écrite en prison, à Rome; Paul est "l'ambassadeur" de Jésus dans les chaînes (6, 20). C'est une lettre vraiment christocentrique. Son début est extraordinaire; Saint Paul y affirme la centralité de Jésus-Christ: "Paul, apôtre du Christ Jésus de par la volonté de Dieu"; il cite le nom de Jésus huit fois dans les douze premiers versets de la lettre, dans laquelle il explique l'économie divine du salut qui a été réalisé dans le Christ. Le Christ est à la base de notre salut. Il est le début de l'économie divine, son instrument et son but. Jésus est la tête de l'Eglise (1, 3-12 et 22), et Dieu nous a "fait revivre avec le Christ" (2, 5) et "siéger aux cieux dans le Christ Jésus" (2, 6). Nous avons vécu anciennement sans Christ, maintenant nous vivons dans le Christ; nous étions loin, et maintenant nous sommes proches par le sang du Christ (2, 12-13); le monde entier est devenu un dans le Christ, les peuples se sont réconciliés et unifiés dans le Christ. Le Christ "est notre paix, Lui qui des deux mondes en a fait un seul, renversant le mur qui les séparait, la haine", et il a annoncé la paix à tous (2, 12-18).
Saint Paul élève une très belle prière pour les Ephésiens, afin qu'ils découvrent le mystère du Christ (3, 14-19):

"Je fléchis les genoux devant le Père, de qui tire son nom toute paternité aux cieux et sur la terre. Qu'Il vous accorde, selon la richesse de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son Esprit, pour que grandisse en vous l'homme intérieur; que le Christ habite en vos cœurs par la foi; soyez enracinés dans l'amour et fondés sur lui, afin de pouvoir comprendre avec tous les saints ce qu'est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître l'amour du Christ, qui surpasse toute connaissance. Ainsi serez-vous remplis de toute la plénitude de Dieu".
Saint Paul nous invite à l'unité, car tout est unifié dans le Christ: le corps est un, l'esprit un, le Seigneur est un, la foi est une, le baptême est un, il n'y a qu'un Dieu et Père de tous (4, 1-6).
 Le Christ un fait jaillir toutes sortes de dons et de charismes dans l'Eglise, pour le service de la société et pour la construction du corps du Christ, afin que les êtres humains puissent arriver à la connaissance du Christ, Fils de Dieu, à l'état d'homme parfait et à la taille même qui convient à la plénitude du Christ (4, 7-13).
La croissance est dans le Christ (4, 15); tout ce que nous avons appris est du Christ et dans le Christ: "Ce n'est pas ainsi qu'on vous a appris le Christ" (4, 20), mais "la vérité est dans le Christ" (4, 21).
L'Epître aux Ephésiens est vraiment une école expérimentale de la vie dans le Christ; l'exemple de Paul est une description de la vie nouvelle dans le Christ (4, 17-32 et chapitres 5 et 6). La règle d'or est de "marcher dans l'amour" (5, 2), qui est notre devise sacerdotale (1959), épiscopale (1981) et patriarcale (2000).
L'amour du Christ règle les relations dans l'Eglise, dans la société, entre l'homme et la femme, dans la vie religieuse, et c'est ici un chapitre que nous lisons dans les célébrations du sacrement de mariage (5, 21-25):

"Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est chef de l'Eglise, Lui, le Sauveur du corps. De même donc que l'Eglise est soumise au Christ, les femmes aussi doivent l'être pareillement en tout à leur mari. Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle".
Cette règle d'or trouve son expression la plus haute dans la centralité du Christ, sa primauté dans la vie des hommes, dans les relations mutuelles. C'est ce qui a inspiré Paul à adresser aux Ephésiens un ensemble d'orientations qui règlent leurs relations dans la famille, entre les enfants et les parents, entre les esclaves et leurs maîtres, et entre tous les hommes (6, 1-9).
L'Epître se termine comme elle a commencé, par Jésus: "La grâce soit avec tous ceux qui aiment Notre Seigneur Jésus-Christ d'un amour inaltérable" (6, 24).


L'Epître aux Philippiens

Encore une lettre de la captivité (1, 7 et 13-14). De sa prison, peu avant le temps de son martyre, Saint Paul rappelle de nouveau l'événement de la route de Damas (3, 6 et 12). Il attend le jour du Christ Jésus (1, 6 et 10). Il est joyeux, car il dit que sa situation "a plutôt favorisé les progrès de l'Evangile" (1, 12), car ce qui est le plus important dans la vie de Saint Paul, c'est de proclamer l'Evangile de Jésus. Il veut que tous proclament l'Evangile; il ajoute qu'il lui suffit que le Christ soit annoncé (1, 15-18), pour que Jésus, dit-il, "soit glorifié dans mon corps", dans la vie ou dans la mort, "car la vie, pour moi, c'est le Christ, et ce m'est un gain de mourir" (1, 20-21).

Saint Paul demande aux Philippiens, comme dans toutes ses lettres, de vivre dans le Christ: "Conduisez-vous d'une manière digne de l'Evangile du Christ, (…) en luttant de concert et d'un cœur unanime pour la foi de l'Evangile" (1, 27); "ayez entre vous les sentiments qui furent ceux du Christ Jésus" (2, 5).
Puis Paul développe avec de nouveaux éléments la vie dans le Christ, avec des conseils et des orientations générales où l'on voit encore une fois une description de la vie de Saint Paul dans le Christ, et ce qui était pour lui un gain, par rapport à sa science, à sa culture, à ses origines juives et romaines; tout cela, il le considère comme une perte (3, 7-14):
"Mais toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je n'y ai vu que préjudice, au regard du Christ. Oui, bien sûr, je ne vois en tout que préjudice au regard du bien suprême qu'est la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. Pour Lui, j'ai tout sacrifié et ne vois en tout qu'immondices, afin de gagner le Christ et de me trouver en Lui, non pas avec ma justice à moi, celle que donne la Loi, mais la justice par la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi. Ainsi Le connaîtrai-je, Lui et la puissance de sa Résurrection, ainsi communierai-je à ses souffrances en lui ressemblant en sa mort, dans l'espoir de parvenir, si possible, à la résurrection d'entre les morts. Non que déjà j'aie atteint le but ou que je sois devenu parfait: je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, ayant été moi-même saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne me flatte pas encore de l'avoir saisi. Je n'ai qu'une pensée: oubliant le chemin parcouru, tendu de tout mon être en avant, je cours droit vers le but pour remporter le prix attaché au céleste appel de Dieu dans le Christ Jésus".
Paul a vécu dans le Christ, et il court à Rome pour le Christ, car c'est dans le ciel qu'est notre patrie, de laquelle nous attendons "comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ" (3, 20).


L'Epître aux Colossiens

Saint Paul affirme encore et encore sa relation intime avec le Christ, en saluant les fidèles de Colosses de la manière que nous avons vue dans toutes ses lettres: "Paul, apôtre du Christ Jésus de par la volonté de Dieu, aux frères fidèles dans le Christ" (1, 1-2); lui, qui est dans le Christ, écrit à ceux qui sont aussi dans le Christ.
Dans cette lettre, Saint Paul utilise la philosophie grecque et ses expressions pour faire connaître le mystère du Christ. Auparavant, il s'était servi de la Thora entière, qu'il considérait comme une orientation vers le Christ, et maintenant il utilise toute la science, toute la connaissance au service de Jésus-Christ, son bien-aimé et son Dieu. De sa prison romaine (les années 61-63), il veut gagner toute pensée au Christ.
La lettre commence avec un chant sur le mystère du Christ (1, 15-20):
"Il est l'image du Dieu invisible. Premier-né de toute la création, car c'est en Lui que tout a été créé aux cieux et sur la terre, le monde visible et l'invisible, Trônes, Seigneuries, Principautés, Dominations. Tout a été créé par Lui et pour Lui; et Lui est antérieur à tout et tout subsiste en Lui. C'est Lui encore qui est la tête du corps: de l'Eglise. Il est en effet Principe, Premier-né d'entre les morts, afin d'exercer en tout la primauté; car il a plu à Dieu de faire habiter en Lui toute la plénitude, et par Lui de réconcilier pour Lui tous les êtres et sur la terre et dans les cieux, établissant la paix par le sang de sa croix".
On pense, en lisant ce texte, au prologue de l'Evangile de Saint Jean: "Au commencement était le Verbe, …".

Encore une fois apparaît la primauté de Jésus, sa centralité, et ceci nous explique, d'une manière à la fois philosophique, gnostique et chrétienne, la devise de Saint Paul: "La vie, pour moi, c'est le Christ"; car le Christ est le contenu de l'Evangile, c'est le mystère qui est caché avant tous les siècles, et qui est apparu en Jésus, "et qui maintenant a été manifesté à ses saints" (1, 26).
Paul est prêt à accomplir tout ce qui manque aux peines de Jésus pour le service de l'Evangile, car le Christ est pour lui l'absolu en tout, c'est le mystère qui remplit notre vie par le baptême et qui fait de nous une nouvelle créature (2, 12).
A partir de cela, on voit que le chrétien baptisé au nom de Jésus doit se conduire dans le Christ (2, 6-9):
"Vivez donc dans le Christ Jésus, le Seigneur, tel qu'on vous l'a fait connaître. Soyez enracinés en Lui, fondés sur Lui, vous appuyant sur la foi telle qu'on vous l'a enseignée, débordants de gratitude. Veillez à ce que nul ne fasse de vous sa proie au moyen de la philosophie, duperie creuse qui s'inspire d'une tradition tout humaine, des éléments du monde, et non du Christ. Car c'est en Lui qu'habite corporellement toute la plénitude de la divinité".
Saint Paul ajoute (3, 3-4):
"Votre vie demeure cachée en Dieu avec le Christ. Quand le Christ, votre vie, se manifestera au grand jour, alors vous aussi vous serez manifestés avec Lui dans la gloire".
Ici nous pouvons dire que la théologie, dans la vision de Paul, est le Christ Lui-même; la matière de l'enseignement de base, c'est le Christ; les matières et les programmes de catéchisme sont le Christ; les programmes de philosophie et de théologie, d'études dans les séminaires doivent être le Christ. Il faut que ces études se fondent sur la personne de Jésus, de sorte que Jésus soit la matière de base et le lien qui unit toutes les matières et tous les programmes dans la personne de Jésus.

Cela s'applique aussi bien à la théologie dogmatique qu'à la théologie morale, car la vérité, dans ces enseignements, c'est le Christ (2, 16-22). Ceci peut s'appliquer encore au sujet principal des documents et des législations sociales qui régissent les relations de l'homme avec son corps et avec l'autre, les relations de l'homme et de la femme, des employeurs et des travailleurs.


Les deux Epîtres à Timothée

Ici encore se répète le salut que nous avons lu dans toutes les Epîtres (I Timothée 1, 1-2):
"Paul, apôtre du Christ Jésus selon l'ordre de Dieu notre Sauveur et du Christ Jésus notre espérance, (…) grâce, miséricorde et paix de par Dieu le Père et le Christ Jésus, notre Seigneur".
Paul remercie Dieu pour la grâce de sa conversion sur la route de Damas, dans la première lettre à Timothée (1, 11-12), et au début de la deuxième pour "la promesse de vie qui est dans le Christ Jésus" (1, 1). Dans cette deuxième lettre,  Saint Paul rappelle à son disciple Timothée qu'il doit être témoin de Jésus-Christ, car la vie et la mort sont en Jésus, et avec Jésus (2, 8 et 11), et il l'exhorte à rester fidèle à la Parole de Jésus, Lui qui est l'objet fondamental de notre prédication (4, 1-2).


L'Epître aux Hébreux

Le début de cette lettre résume et montre la centralité de Jésus dans l'histoire, dans la vie de Saint Paul et dans la vie de chaque fidèle (1, 1-3):

"Après avoir à maintes reprises et de bien des manières parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'Il a établi héritier de toutes choses et par qui Il a créé le monde. Rayonnement de sa gloire et empreinte de sa substance, ce Fils, qui soutient l'univers de sa parole puissante, s'en est allé siéger, après avoir accompli la purification des péchés, à droite de la Majesté au plus haut des cieux".
Nous pouvons trouver, avec facilité et clarté, la relation et la similitude profonde entre le début de cette Epître et le prologue de Saint Jean l'Evangéliste: "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par Lui tout a existé, et sans Lui rien n'a existé de ce qui existe. En Lui était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes" (Jean 1, 1-4).
Le Christ – et le Christ seul – a donné un sens à l'histoire, à la géographie et aux symboles; à cause de la place dans l'histoire de la naissance de Jésus, on peut indiquer les dates par l'expression "avant la Nativité" (avant le Christ) ou "après la Nativité" (après le Christ). Car tout est dans le Christ.
Tout l'Ancien Testament, qui est l'objet de cette lettre, est centralisé sur le Christ: c'est Lui qui est le salut que nous attendons (2, 3); à Lui tout a été soumis (2, 8); c'est Lui, Jésus, qui est couronné d'épines, mais aussi "couronné de gloire et d'honneur" (2, 9); ceux qui sont sanctifiés ont tous le même auteur (2, 11), et le Christ les appelle ses frères (2, 12) et ses enfants – "nous voici, moi et les enfants que Dieu m'a donnés" (2, 13) ?; Il est "semblable à ses frères" (2, 17),  Il est un avec eux et pour eux (1, 18), et ils sont "sa maison" (3, 6).

Moïse est le symbole de la personne de Jésus, mais Jésus est plus important que Moïse (le chapitre 3 tout entier est une comparaison entre Moïse et Jésus). Le Christ est le pontife miséricordieux. Il est la terre promise. Il est l'objet de toutes les promesses faites par Dieu à l'homme, dans l'histoire de l'homme, et surtout dans l'histoire du peuple de l'Ancien Testament (chapitre 4): "Nous avons en Jésus le Fils de Dieu, un grand-prêtre insigne qui a traversé les cieux" (4, 14).
De plus, la Loi entière aboutit à Jésus-Christ, qui est "le médiateur d'une meilleure Alliance (8, 6), éternelle, car c'est Lui le prêtre selon l'ordre de Melchisédech, un ordre qui n'est pas lié à la Loi et à sa légalité (chapitre 7).
La vie de Paul en Jésus, et tout ce que nous avons découvert auparavant dans les Epîtres de Saint Paul sur le sens de la vie en Jésus, sont le résultat de la connaissance très profonde par Paul de la Thora. L'Epître aux Hébreux est la base de toutes les expressions messianiques que nous trouvons dans les Epîtres de Saint Paul. De plus, nous pouvons comprendre, par cette lettre aux Hébreux, la profondeur de la fidélité de Paul à Jésus, et nous pouvons conclure que la vie typiquement juive de Paul a été transfigurée pr sa foi messianique.
Ainsi, tout ce que Paul a appris dans la Thora, dans les livres de l'Ancien Testament, il le met dans cette lettre, et de là il va à Jésus qui est le "grand-prêtre des biens à venir" (9, 11), "le médiateur d'une nouvelle Alliance" (9, 15), tandis que la Loi est "l'ombre des biens à venir" (10, 1). De plus, le Christ par son Incarnation a aboli la première Loi pour fonder la nouvelle (10, 9).
Et ainsi nous avons un "accès assuré au sanctuaire par le sang du Christ, par cette voie nouvelle et vivante qu'Il nous a ouverte à travers le voile, celle-là mêmne qu'a suivie sa chair" (10, 19-20). Cette voie, c'est le Christ, qui a dit: "Je suis la voie, la vérité et la vie" (Jean 14, 6).

Les Pères de l'Ancien Testament ont tous marché sur ce chemin, par la force de la foi, que Saint Paul décrit dans cette expression merveilleuse: "La foi est la garantie de ce qu'on espère et la preuve de ce qu'on ne voit pas" (11, 1). Dans la foi, les anciens ont témoigné de leur vie. C'est cette foi qui a donné naissance à des héros, des géants; ils sont un exemple pour nous, et leur foi s'est réalisée dans le Christ.
Saint Paul considère que toute la vie est en Jésus-Christ, cachée en Lui, comme l'a été la vie des Patriarches et des Prophètes de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament tout entier est la vie dans le Christ. C'est dans le Christ que l'Ancien Testament prend son vrai sens, et Saint Paul, le grand expert de la Thora, est parti de l'expérience des Pères de l'Ancien Testament pour arriver à l'expérience de la vie en Christ dans le Nouveau Testament. Il a toujours insisté sur le fait que l'Ancien Testament nous a "servi de pédagogue chargé de mous mener au Christ" (Galates 3, 24).
L'Ancien Testament a orienté Paul sur la route de Damas, à Damas même et dans le désert du Hauran; mais il l'a changé et lui a fait faire un pas unique et fondamental, d'une Alliance à l'autre, de l'Ancien Testament au Nouveau Testament, de l'ombre à la réalité.
Paul n'a pas rejeté ni répudié l'Ancien Testament, il ne l'a pas répudié, mais il l'a compris dans sa vraie lumière, nouvelle et définitive. C'est pour cela que, de la même manière, avec la même force avec lesquelles il a cru en l'Ancien Testament, il croit maintenant au Nouveau, et il passe au Nouveau à travers l'Ancien.
C'est ce que Saint Paul a développé dans le chapitre 11 de l'Epître aux Hébreux, où il décrit les aspects de la vie de la foi chez les anciens: Abel, Hénoch, Noë, Abraham, Sara, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Rahab, Gédéon, Samson, David, Samuel et les Prophètes.
Il finit ce chapitre 11 par ces mots (11, 39-40):

"Cependant, malgré le témoignage rendu à leur foi, aucun d'eux n'est entré en possession de la promesse; car Dieu, qui nous réservait un sort meilleur, n'a pas permis qu'ils atteignent sans nous à la perfection finale".
Du chapitre 11 au chapitre 12, Saint Paul passe de l'Ancien au Nouveau Testament, en disant (12, 1-2):
"Ainsi donc, environnés que nous sommes d'une telle nuée de témoins, rejetons, nous aussi, tout ce qui alourdit et le péché qui nous entrave, et courons avec constance dans la carrière qui s'ouvre devant nous, les yeux fixés sur l'initiateur et le consommateur de la foi, sur Jésus qui, dédaignant le bonheur qui s'offrait à Lui, a souffert la croix sans regarder à la honte, et siège désormais à droite du trône de Dieu".
Saint Paul exprime l'importance du passage de l'Ancien au Nouveau Testament et au Christ en disant (12, 18-24):
"Vous ne vous êtes pas approchés en effet d'une réalité qui se puisse toucher, ni d'un feu ardent, ni de sombres nuées, ni de ténèbres, ni de la tempête, ni de la trompette retentissante, ni de cette voix, si puissante que ceux qui l'entendaient suppliaient qu'on ne leur parlât pas davantage. Ils ne pouvaient en effet supporter cet ordre: Quiconque touchera la montagne, fût-ce un animal, sera lapidé. Et si terrifiant était le spectacle que Moïse dit: Je suis terrifié et tout tremblant! Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, de myriades d'anges, de la réunion solennelle et de l'assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, du Dieu le juge universel, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus médiateur de la nouvelle Alliance, et du sang purificateur, qui parle plus éloquemment que celui d'Abel".

Par conséquent, tout a un sens dans la mesure de son lien avec Jésus, dans l'Ancien et le Nouveau Tstaments et dans la vie de tout être humain. De fait, dans la vie de tout homme et de toute femme, il y a toujours deux testaments, l'ancien et le nouveau. La force de la foi chrétienne, c'est qu'elle a deux testaments, qui sont en réalité l'unique alliance du Dieu unique, alliance qui est en même temps ancienne et nouvelle. La force du christianisme réside dans son aptitude permanente à passer de l'Ancien au Nouveau Testament.. Notre foi chrétienne personnelle reste vivante tant que nous sommes capables de passer, chaque jour, de notre ancien testament, du vieil homme, au Nouveau Testament, de l'ombre à la réalité, de la mort à la vie et du péché à la grâce. Ce passage est possible seulement si nous lions notre vie à Jésus-Christ, car "hier et aujourd'hui, Jésus-Christ est le même; Il le sera à jamais" (13, 8).

Nous avons besoin de l'ardeur de Saint Paul, de son amour, de son enthousiasme, de sa foi, de son esprit de lutte, de son dévouement, de son zèle, de sa générosité, de son ouverture, des horizons de sa vision vaste, cosmique, unifiante et œcuménique. Nous avons besoin de son amour pour tous les hommes, de sa disponibilité au don de soi et au dévouement jusqu'à la mort, jusqu'à être condamné pour l'amour de Jésus-Christ, pour l'amour des frères de Jésus, de ceux qui sont aimés par Jésus.


Exhortation finale

Je prie afin que nous puissions arriver, à travers nos chemins, nos routes, nos sentiers, à la Via Recta, au chemin de Damas.

Tous, nous avons besoin de marcher sur le chemin de Damas, non pas de la ville terrestre de Damas, de Damas politique, de la ville circonscrite dans l'histoire et la géographie, mais de Damas ville de la rencontre avec le Christ vivant, ressuscité d'entre les morts, qui nous appelle au salut, à la rédemption, à l'amour, à l'espérance et à la paix.
Nous avons besoin du chemin de Damas. Puissent tous les hommes dans le monde marcher sur le chemin de Damas, afin que le monde change et que les hommes puissent passer des ténèbres à la lumière, de la nuit au jour, du péché à la justice, de la persécution à l'amour, de la violence à la bonté, de l'égoïsme à l'altruisme, du terrorisme à la solidarité, du fondamentalisme à l'ouverture, et de l'esprit de vengeance à des sentiments que Saint Paul exprime en exhortant les fidèles à avoir en eux les pensées et les mœurs qui sont en Jésus-Christ, et en rappelant que les fruits de l'Esprit sont: "charité, … douceur, tempérance" (Galates 5, 22-23).
Et, avec Saint Paul, nous disons à tous ceux qui liront cette lettre paulinienne de Noël: "L'heure est venue désormais de sortir de votre sommeil. (...) La nuit est avancée, le jour est tout proche. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de lumière. Conduisons-nous avec dignité. (...) Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne vous inquiétez pas de la chair pour en satisfaire les convoitises" (Romains 13, 11-14).
Comme est beau le monde de Paul! Puisse le monde des Epîtres de Saint Paul envahir notre monde d'aujourd'hui, ce monde qui souffre, qui est dans les ténèbres et la révolte, haineux, vindicatif, batailleur, exploiteur, matérialiste, charnel, hanté par le sexe, superficiel, égoïste, tergiversant, errant, désorienté, sans points de repère, sans but: ce monde a tellement besoin de Paul! Au-delà de Paul, il a besoin du Christ, de l'Evangile, de la Bonne Nouvelle. Il a besoin de Dieu. Il est vraiment dans la faim et la soif de Dieu.

Mais la tragédie est que ce monde n'a pas conscience de ce qu'il a faim et soif, car ses soucis, ses passions, ses dépravations, sa futilité et ses modes étouffent la Parole de Dieu qui est plantée dans le cœur des hommes et, de ce fait, ne peut pas donner de fruits. Ce monde n'entend pas la voix de Jésus vivant et ressuscité, qui attend chacun de nous sur son chemin de  Damas, sur la Via Recta, et qui l'appelle par son nom, le supplie, le défie, le réprimande, le réveille de son sommeil, de son ivresse, de son insensibilité, de sa dûreté de cœur, pour lui dire ceci:
"Toi, tu es à moi; je t'ai aimé; je t'aime; je te connais par ton nom; tu es pour moi un vase d'élection; je t'ai élu; je t'ai voulu; je t'ai appelé. Pourquoi me persécutes-tu? Pourquoi t'éloignes-tu de moi? Pourquoi m'ignores-tu dans ta vie? Pourquoi as-tu rayé mon nom dans ton carnet d'adresses, dans la liste de tes amis, de tes compagnons de joie et de bonheur? Remets-moi sur les adresses de ton portable, de ton courrier électronique. Remets-moi comme un anneau sur ton cœur. Ouvre-moi la porte de ton cœur: je suis à la porte, debout, et je frappe.
"Heureux celui qui m'ouvre! Heureux, si tu m'ouvres, car je viens chez toi, je veux demeurer chez toi et remplir ton cœur, ton âme, ta conscience et toute ta vie de joie, de bonheur, d'espoir, de vision ouverte et large d'amour et de foi".
Frères et sœurs, je souhaite que vous puissiez ressentir, en lisant cette lettre, la même ivresse que j'ai ressentie en lisant les Epîtres de Saint Paul et en écrivant cette lettre peu à peu, au cours de ces derniers mois, au Liban, en Syrie, à Rome, en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis d'Amérique et au Mexique.
J'ai écrit les pages de cette lettre dans tous ces pays, et c'était pour moi un objet de grande joie, de félicité, d'ivresse incroyable et d'une douceur sans pareille.

Essayez! Voyez et goûtez comme est bon et aimable le Seigneur, comme ses paroles sont douces. N'ayez pas peur d'expérimenter dans votre vie ce qu'a vécu Saint Paul. C'est la vraie expérience des Apôtres, des saints, des martyrs, des ascètes, des moines, des chrétiens à travers les siècles, de tout chrétien qui est baptisé en Jésus-Christ.
C'est ce que je vous souhaite et je prie pour que cela se réalise en vous, par l'intercession de notre Très Sainte Mère, la Theotokos, et par l'intercession de Saint Paul, et que cette lettre vous porte les meilleurs vœux à l'occasion de la Nativité de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ, et les souhaits les plus cordiaux pour le Nouvel An 2009, avec mon amitié et ma bénédiction.


 
                              + Gregorios III
Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem