Patriarche Youssef

Lettre des Pâques 2009

25 3 2009




Lettre de Sa Béatitude Gregorios III,
Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem,
pour la fête de Pâques 2009

 
Paul, Apôtre de la Résurrection
 
"Vous êtes ressuscités avec le Christ"

(Colossiens 3, 1)

 
De Gregorios III, serviteur de Jésus-Christ,
par la grâce de Dieu Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem,
à Leurs Excellences Révérendissimes les Hiérarques,
membres de notre Saint Synode vénérable,
et à tous les fils et toutes les filles de l'Eglise Grecque-Melkite Catholique dans le Christ, clergé et peuple, qui sont
"appelés à être saints, avec tous ceux qui,
en quelque lieu que ce soit, invoquent le Nom de Jésus-Christ,
notre Seigneur (…), à vous grâce et paix de par Dieu,
notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ"
(I Corinthiens 1, 2-3).

 

 
 

       "Vous êtes ressuscités avec le Christ": c'est la grande annonce du christianisme, car c'est la confirmation de la Résurrection de Jésus et de notre propre résurrection avec Lui. Le plus beau chant, la plus belle acclamation que nous puissions faire retentir de nos gorges, avec le plus grand enthousiasme et entrain, avec les voix les plus fortes, c'est vraiment l'antienne de la Résurrection glorieuse: "Le Christ est ressuscité d'entre les morts! Il a détruit la mort par sa mort! Il a donné la vie à ceux qui sont dans les tombeaux!"
C'est pour cela que nous avons voulu que notre lettre de la Sainte Résurrection de cette année soit consacrée à méditer l'enseignement de Saint Paul sur la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ et de notre propre résurrection avec Lui.
Paul est le grand prédicateur de la Résurrection de Jésus-Christ. Il est vraiment l'Apôtre de la Résurrection. Il affirme que nous ne célébrons pas seulement la Résurrection de Jésus-Christ, car nous sommes nous-mêmes ressuscités avec Lui. Nous célébrons notre propre résurrection, nous aussi, et Saint Paul nous dit (Colossiens 3, 1-4):
"Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en-haut, là où se trouve le Christ, siégeant à droite de Dieu; pensez aux choses d'en-haut, non à celles de la terre. Vous êtes morts, en effet, et votre vie demeure cachée en Dieu avec le Christ. Quand le Christ, votre vie, se manifestera au grand jour, alors vous aussi vous serez manifestés avec Lui dans la gloire".
Ces paroles ne sont pas de simples exhortations spirituelles, mais sont le résultat d'une expérience personnelle. C'est l'expérience de Paul sur le chemin de Damas. En effet, nous ne pouvons pas comprendre l'enseignement de Saint Paul dans ses Epîtres sans retourner toujours à sa vision sur la route de Damas; c'est ce que nous avons réalisé pratiquement dans notre lettre de Noël 2008.

 

       La Résurrection est l'objet de "l'Evangile de Paul"; c'est le discours qu'il a adressé aux fidèles de Corinthe en leur disant (I Corinthiens 15, 1-4):
"Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes, par lequel aussi vous serez sauvés (…).
       "Je vous ai donc transmis tout d'abord ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu'Il a été mis au tombeau, qu'Il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures.
       Nous savons en effet que la vision a eu lieu aux portes de Damas. Damas est donc non seulement le lieu de la conversion de Saint Paul, mais aussi le lieu de l'apparition de Jésus, ressuscité d'entre les morts, à Paul, puis à Saint Ananie, premier Evêque de Damas. On peut, par conséquent, dire que Damas est l'unique lieu, en dehors de la Palestine, où le Christ est apparu après sa Résurrection d'entre les morts.

 

Paul, Apôtre de la Résurrection, dans les Actes des Apôtres

 

       Ainsi, Saint Paul a vécu le mystère de la Résurrection et sa réalité; après cela, il est devenu le grand prédicateur de la Résurrection. De plus, la Résurrection est devenue son "Evangile", comme nous l'avons dit ci-dessus.
       La Résurrection est l'objet de la prédicatioon de Saint Paul à Antioche de Pisidie (Actes 13, 30).
       Dans la ville de Thessalonique, Saint Paul prêche aux Juifs, dans la synagogue, trois samedis de suite: "Il leur expliquait [les Ecritures] et établissait que le Christ devait souffrir et ressusciter des morts; et ce Christ, disait-il, c'est Jésus que je vous annonce" (Actes 17, 2-3).


       A Athènes, dans la synagogue et sur la place publique (l'agora), Saint Paul discute  avec les philosophes grecs, et "il annonçait Jésus et la Résurrection" (Actes 17, 18). "C'est en Lui – disait-il – que nous avons la vie, le mouvement et l'être" (Actes 17, 28). Il ajoute que Jésus est Celui que Dieu "a désigné et accrédité auprès de tous en Le ressuscitant des morts" (Actes 17, 31).
       C'est cela qui était aussi l'objet de la prédication de Saint Paul à Corinthe (Actes, chapitre 18 et I Corinthiens 15, 4).
Saint Paul est jugé, à Jérusalem, à cause de son enseignement au sujet de la Résurrection d'entre les morts (Actes 23, 6): "C'est à cause de notre espérance et de la Résurrection des morts que je suis mis en jugement". Plus tard, il répète, devant le gouverneur Félix, à Césarée de Palestine (Actes 24, 21): "C'est à cause de la Résurrection des morts qu'on me met aujourd'hui en jugement devant vous".
       Pour sa part, le roi Agrippa a compris le contenu des accusations portées contre Paul, que lui explique  Porcius Festus, le nouveau gouverneur: "Ils avaient avec lui je ne sais quelles discussions sur leur religion à eux, et sur un certain Jésus qui est mort et que Paul affirmait être en vie" (Actes 25, 19). Saint Paul se défend devant le roi Agrippa en concentrant son plaidoyer sur la Résurrection, qu'il considère comme la substance de la promesse de Dieu à l'humanité, à tous les Pères de l'Ancien Testament et aux douze tribus juives. De plus, il considère la Résurrection comme la grande espérance dans la vie du peuple juif. Il dit au roi Agrippa: "Qu'y a-t-il pour vous d'incroyable à ce que Dieu ressuscite les morts?" (Actes 26, 6-8).
       Ensuite, dans ce même plaidoyer, Saint Paul raconte en détail ce qui lui est arrivé sur la route de Damas, en considérant que l'apparition qu'il y a eue de Jésus et son dialogue avec Lui sont la preuve que Jésus est vivant. Saint Paul affirme que Jésus s'est adressé à lui avec des expressions claires en lui demandant d'être témoin de sa Résurrection, lorsqu'Il lui dit: "Je suis Jésus, que tu persécutes" (Actes 26, 15).

 

       La mission que Jésus confie à Saint Paul est claire: qu'il soit témoin de la Résurrection. C'est ce que Paul a proclamé dans sa défense devant le roi Agrippa et tous les Juifs en disant (Actes 26, 22-23):
       "La protection divine ne m'a pas manqué jusqu'à ce jour, et je continue de rendre mon témoignage devant petits et grands, ne disant rien d'autre que ce que les Prophètes et Moïse ont annoncé devoir arriver, à savoir que le Christ aurait à souffrir et que, ressuscité le premier d'entre les morts, Il annoncerait la lumière au peuple et aux païens".
       Ce plaidoyer résume tous les enseignements de l'Ancien Testament, qui confirment la Résurrection du Messie, le Christ Jésus, et que sa Résurrection est le salut de toute l'humanité.
Le livre des Actes des Apôtres nous raconte la vie des Apôtres et surtout de Saint Pierre et Saint Paul, et dans ce livre nous voyons clairement que la Résurrection de Jésus était le grand événement dans la vie de Saint Paul, et que Jésus, vivant, ressuscité d'entre les morts, a voulu que Paul soit l'Apôtre de la Résurrection, le témoin de cette Résurrection et le grand expert de la Résurrection du Christ.
C'est ce que nous allons démontrer dans notre itinéraire de la Résurrection à travers les Epîtres de Saint Paul, Apôtre de la Résurrection.

 

La Résurrection dans les Epîtres de Saint Paul

 

Epître aux Romains

       Au début de cette Epître, Saint Paul résume l'Ancien Testament comme étant une préparation à l'avènement du Christ et au grand événement de la Résurrection (1, 4). Saint Paul affirme qu'il est appelé à être Apôtre et qu'il est donc "mis à part pour l'Evangile de Dieu" (1, 1), qui est la grande annonce de la Résurrection joyeuse et la base de la justification des hommes par la foi: "Tous sont justifiés gratuitement par sa grâce en vertu de la Rédemption, qui est dans le Christ Jésus" (3, 24).
       Nous aussi, nous serons justifiés par "Celui qui a ressuscité des morts Jésus, notre Seigneur, Lequel a été livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification" (4, 24-25). Et encore: "Preuve insigne de l'amour de Dieu à notre égard, c'est quand nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous. A bien plus forte raison, maintenant que nous avons été justifiés par son sang, serons-nous par Lui sauvés de la colère" (5, 8-9).
       Saint Paul explique que le péché et avec lui la mort sont entrés dans le monde par une seule personne, et que "la grâce de Dieu et le don que confère la grâce d'un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils en abondance répandus sur la multitude" (5, 15).
       Plus tard, Saint Paul s'étend à expliquer la relation de la Résurrection de Jésus avec le baptême, la vie des fidèles et la libération de leur servitude du péché (6, 3-11):

 

      "Ignorez-vous que nous tous, qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c'est en sa mort que nous avons été baptisés? Nous avons donc été mis au tombeau avec Lui par le baptême qui nous plonge en la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions semblablement, nous aussi, une vie nouvelle. Car, si nous sommes devenus un même être avec Lui par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une semblable résurrection.
       "Nous le savons; notre vieil homme a été crucifié avec Lui pour que fût détruit le corps du péché et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché; car celui qui est mort est délivré du péché.
"Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui. Nous le savons en effet, le Christ ressuscité des morts ne meurt plus; la mort, sur Lui, n'a plus d'empire. Sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes; sa vie est une vie pour Dieu. Et vous, de même, regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu dans le Christ Jésus".
       Par la Résurrection, nous devenons un dans le Christ (7,4): "Mes frères, vous aussi, vous avez été mis à mort à l'égard de la Loi par le corps du Christ pour appartenir à un autre, à Celui qui est ressuscité des morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu".
       Par la Résurrection, nous obtenons la vie spirituelle et surnaturelle (8, 11): "Si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité des morts le Christ Jésus donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous".
       La Résurrection suscite dans le cœur des fidèles une espérance sûre dans le salut (8, 31-34):

 

       "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Lui, qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnerait-Il pas aussi toutes choses avec Lui? Qui accusera les élus de Dieu? Dieu, qui les justifie. Qui les condamnera? Le Christ Jésus, qui est mort – que dis-je? Ressuscité! –, qui est à droite de Dieu, qui intercède pour nous".
       Et il continue (10, 9): "Car si tu professes de ta bouche que Jésus est Seigneur, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé".
       De plus, notre vie et notre mort sont liées à la vie et à la mort de Jésus (14, 7-9):
       "Aucun de nous, en effet, ne vit pour soi-même; aucun ne meurt pour soi-même. Si nous vivons, c'est pour le Seigneur que nous vivons; si nous mourons, c'est pour le Seigneur que nous mourons. Dans la vie comme dans la mort, nous sommes donc au Seigneur. Car si le Christ est mort et a repris vie, c'est pour devenir le Seigneur des morts et des vivants".

 

Première Epître aux Corinthiens

       L'apparition de Jésus ressuscité à Paul sur le chemin de Damas est la grande preuve et la grande assurance, ainsi que la garantie préférée de ce que l'enseignement de Saint Paul est authentique et qu'il s'appuie sur un fondement sûr. Il dit (9, 1): "Ne suis-je pas apôtre? N'ai-je donc pas vu Jésus, notre Seigneur?"
L'Apôtre Paul consacre le chapitre 15 de cette Epître à la confirmation de la vérité de la Résurrection. Il conclut ce chapitre par un chant à la victoire sur la mort. Je désire citer un long passage de ce chapitre, car il est une explication belle, simple et réelle sur la manière de la Résurrection; il est très profitable aux fidèles, dissipant beaucoup de leurs doutes et répondant à beaucoup de leurs questions (15, 1-8, 12-22, 32b et 35-57):

       "Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu'Il a été mis au tombeau, qu'Il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, qu'Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, Il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois (la plupart d'entre eux vivent encore et quelques-uns sont morts); ensuite Il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, Il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton. Oui, je suis le moindre des Apôtres; je ne mérite pas le nom d'apôtre, parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu.
(…)
"Or, si l'on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu'il n'y a pas de résurrection des morts? S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Mais si le Christ n'est pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi votre foi. Et il se trouve même que nous sommes des faux témoins de Dieu, puisque nous avons attesté contre Dieu qu'Il a ressuscité le Christ, alors qu'Il ne l'a pas ressuscité, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés. Alors aussi ceux qui sont morts dans le Christ ont péri. Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.
       "Mais non; le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. De même en effet que tous meurent en Adam, tous aussi revivront dans le Christ. Mais chacun à son rang; en tête, le Christ comme prémices, ensuite ceux qui seront au Christ lors de son avènement.
(…)



"Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons.

(…)
"Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils? Avec quel corps reviennent-ils? Insensé! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s'il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n'est pas le corps à venir, mais un grain tout nu, du blé par exemple ou quelque autre semence; et Dieu lui donne un corps à son gré, à chaque semence un corps particulier.
"Toutes les chairs ne sont pas les mêmes, mais autre est la chair des hommes, autre la chair du bétail, autre la chair des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l'éclat des célestes, autre celui des terrestres. Autre l'éclat du soleil, autre l'éclat de la lune, autre l'éclat des étoiles. Une étoile même diffère en éclat d'une autre étoile. Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts: on sème de la corruption, Il ressuscite de l'incorruption; on sème de l'ignominie, Il ressuscite de la gloire; on sème de la faiblesse, Il ressuscite de la force; on sème un corps psychique, Il ressuscite un corps spirituel.
       "S'il y a un corps psychique, il y a aussi un corps spirituel. C'est ainsi qu'il est écrit: Le premier homme, Adam, fut un être psychique doué de vie; le dernier Adam est un esprit qui donne la vie. Mais ce n'est pas le spirituel qui paraît d'abord, c'est le psychique, puis le spirituel. Le premier homme, issu du sol, est terrestre; le second Homme, Lui, vient du ciel. Tel a été le terrestre, tels seront aussi les terrestres; tel le céleste, tels aussi les célestes. Et de même que nous avons revêtu l'image du terrestre, il nous faut revêtir aussi l'image du céleste.
       "Je l'affirme, frères, la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité.

 

       "Oui, je vais vous dire un mystère: nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. En un instant, en un clin d'œil, au son de la trompette finale, car elle sonnera, la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous seront transformés. Il faut en effet que cet être corruptible revête l'incorruptibilité, que cet être mortel revête l'immortalité.
"Quand donc cet être corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole de l'Ecriture [ Isaïe 25, 8; Osée 13, 14 ]: La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire? Où est-il, ô mort, ton aiguillon? L'aiguillon de la mort, c'est le péché, et la force du péché, c'est la Loi. Mais grâces soient à Dieu, qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ".

 

Deuxième Epître aux Corinthiens


        On sent, chez Saint Paul, une odeur de la Résurrection dans son itinéraire apostolique, victorieux grâce à Dieu (2, 14-16):
       "Grâces soient à Dieu qui dans le Christ nous emmène en son triomphe, et qui, par nous, répand en tous lieux le parfum de sa connaissance. Car nous sommes bien, pour Dieu, la bonne odeur du Christ parmi ceux qui se sauvent et parmi ceux qui se perdent; pour les uns une odeur qui de la mort conduit à la croix, pour les autres une odeur qui de la vie conduit à la vie. Et qui donc est à la hauteur d'une telle tâche?"
       L'Apôtre est fortifié dans ses difficultés par la foi en la Résurrection de Jésus (4, 10-12):
"Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps. Quoique vivants, en effet, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi la mort fait son œuvre en nous, et la vie en vous".

       La foi de Saint Paul en la Résurrection lui donne une garantie. Il dit: "Sachant bien que Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera nous aussi avec Jésus et nous placera près de Lui avec vous" (4, 14), et "afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie" (5, 4).
La Résurrection est liée à la charité: "L'amour du Christ nous presse à la pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts. Et Il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux" (5, 14-15). Par la Résurrection, le fidèle devient une nouvelle créature (5, 17).

 

Epître aux Galates


       Dans cette Epître, Saint Paul commence par affirmer que sa mission est fondée sur "Jésus-Christ et Dieu le Père qui l'a ressuscité d'entre les morts" (1, 1).
       La vie de Saint Paul devient la vie de Jésus (2, 19-20):
"Car par la Loi je suis mort à la Loi, afin de vivre pour Dieu. Je suis pour jamais crucifié avec le Christ; je vis, mais non pas moi, c'est le Christ qui vit en moi. Et si présentement je vis dans la chair, j'y vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et s'est livré pour moi".

 

Epître aux Ephésiens


       On constate ici l'importance, pour la vie de l'Eglise et des communautés chrétiennes de fidèles, qu'ils soient des individus ou des communautés, de l'événement de la Résurrection (1, 19-23):

 

       "C'est cette puissance souveraine [que Dieu] a déployée dans le Christ, quand Il l'a ressuscité d'entre les morts et fait siéger à sa droite dans les cieux, bien au-dessus de toute Principauté, Domination, Puissance, Seigneurie, et de quelque nom qu'on puisse nommer non seulement dans ce monde, mais encore dans le monde à venir. Il a tout mis sous ses pieds et Il l'a donné, au sommet de tout, pour tête à l'Eglise, qui est son corps, la plénitude même de Celui qui remplit absolument tout".
       La Résurrection de Jésus est le signe de l'amour de Dieu envers nous, car "Dieu, qui est riche en miséricorde, et poussé par le grand amour dont Il nous a aimés, alors même que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ, car c'est par grâce que vous êtes sauvés. Avec Lui encore Il nous a ressuscités et fait siéger aux cieux dans le Christ Jésus" (2, 4-6).

 

Epître aux Philippiens


       Jésus, ressuscité d'entre les morts, est glorifié en nous (1, 20-21): "Que je vive ou que je meure, le Christ, par ma parfaite assurance, sera glorifié dans mon corps. Car la vie, pour moi, c'est le Christ".
Les hymnes chrétiennes qui ont été répandues dans les premières générations de la chrétienté, dont quelques-unes sont citées dans les Epîtres de Saint Paul, sont centrées sur l'événement de la Résurrection. Ainsi, celle qui est référée dans cette Epître, qui décrit Jésus comme le Ressuscité, à la gloire de Dieu (2, 6 et 8-9):
"Lui, de condition divine, ne se prévalut pas d'être l'égal de Dieu, (…) s'abaissa Lui-même, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la Croix. Aussi Dieu l'a-t-Il exalté et Lui a-t-Il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom".

 


       Saint Paul considère que sa vie est une participation à la Résurrection de Jésus (3, 10-11): "Ainsi Le connaîtrai-je, Lui et la puissance de sa Résurrection, ainsi communierai-je à ses souffrances en Lui ressemblant en sa mort, dans l'espoir de parvenir, si possible, à la résurrection d'entre les morts".
C'est aussi le but de la vie de chaque fidèle (3, 20-21): "Pour nous, notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons ardemment comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps de misère en un corps semblable à son corps de gloire, par la puissance qui Le rend capable même de s'assujettir l'univers".

 

Epître aux Colossiens


       Dans cette Epître, nous trouvons de nouveau une de ces hymnes répandues dans les premières communautés chrétiennes, dans laquelle on voit la centralité du mystère de la Résurrection (1, 18-19): "C'est Lui [Jésus] encore qui est la tête du corps, l'Eglise. Il est en effet Principe, Premier-né d'entre les morts, afin d'exercer en tout la primauté, car il a plu à Dieu de faire habiter en Lui toute la plénitude".
       La Résurrection est la semence de la vie en Jésus-Christ (2, 12-13):
"Avec Lui par le baptême plongés dans le tombeau, avec Lui encore vous êtes ressuscités par la foi en la puissance de Dieu qui l'a ressuscité des morts. Vous êtes morts par suite de vos fautes et de l'incirconcision de votre chair, et Il vous a fait revivre avec Lui, vous pardonnant toutes vos fautes".
       La vie de la Résurrection sur la terre est un appel à rencontrer le Christ dans les cieux (3, 1-4):

 

       "Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en-haut, là où se trouve le Christ, siégeant à droite de Dieu; pensez aux choses d'en-haut, non à celles de la terre. Vous êtes morts, en effet, et votre vie demeure cachée en Dieu avec le Christ. Quand le Christ, votre vie, se manifestera au grand jour, alors vous aussi vous serez manifestés avec Lui dans la gloire".

 

Première Epître aux Thessaloniciens


       Cette Epître se rapporte à l'attente de la venue de Jésus vivant (1, 10) par les Thessaloniciens, lesquels attendent "des cieux [le] Fils [de Dieu], qu'Il a ressuscité des morts, qui nous délivre de la colère qui vient".
Quant à ceux qui sont décédés, "si en effet nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, il en sera de même de ceux qui sont morts en Jésus; Dieu les réunira à Lui" (4, 14).
Jésus "est mort pour nous, afin que, veillant ou dormant, nous vivions en union avec Lui" (5, 10).

 

Deuxième Epître à Timothée

       L'Evangile est celui de la Résurrection et l'annonce de la vie. La grâce de Dieu "a été manifestée maintenant par l'apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus, qui a détruit la mort et fait briller la vie et l'immortalité par l'Evangile, pour lequel j'ai été établi, moi, héraut, apôtre et docteur" (1, 10-11).
Saint Paul rafraîchit la mémoire de son disciple Timothée: "Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité des morts, né de la race de David, selon mon Evangile" (2, 8). Il continue, citant une des hymnes dont nous avons parlé plus haut: "Elle est sûre cette parole: Si nous sommes morts avec Lui, avec Lui aussi nous vivrons" (2, 11).



Résumé de l'enseignement de Saint Paul sur la Résurrection


       Nous pouvons faire ressortir les idées principales, dans la théologie de Saint Paul au sujet de la Résurrection, comme suit.
Dans les Actes des Apôtres, Saint Paul affirme que la Résurrection est l'objet de l'annonce de l'Evangile, son essence et son résumé. L'homme est appelé à participer à la vie de Jésus dans la Résurrection. Il y a un lien très profond et nécessaire entre la Croix et la Résurrection. Le résumé de l'espérance des Pères de l'Ancien Testament, c'est la Résurrection.
La vocation de Saint Paul est qu'il soit témoin de la Résurrection de Jésus-Christ, son Maître. De plus, tout croyant est appelé à donner témoignage de la Résurrection de Jésus dans sa vie.
Nous pouvons résumer l'enseignement de Saint Paul sur la Résurrection dans les Epîtres comme suit.
Saint Paul est témoin de la Résurrection de Jésus, qu'il a vu sur le chemin de Damas. Il est désigné pour porter la mission de la Résurrection. Le salut est par la Résurrection. Le baptême est une mort avec le Christ et résurrection avec Lui, union au Christ et à sa Résurrection. Par la Résurrection nous obtenons la vie spirituelle, nous devenons une odeur de vie pour notre société, que nous animons, car nous croyons en la vie et nous œuvrons pour la vie. La Résurrection nous renforce dans nos difficultés et confirme l'espérance dans nos cœurs. Il y a un lien très fort entre l'amour et la Résurrection; c'est ce que nous avons expliqué dans notre lettre de Pâques 2007. C'est pour cela que la Résurrection est centrale dans la vie de la communauté chrétienne et dans la vie de la foi. Le but de la charité chrétienne, c'est de participer à la Résurrection de Jésus. Le désir de Saint Paul est de participer à la vie de Jésus par sa Résurrection. De même, le but de la vie de chaque fidèle est de participer à la vie de Jésus par sa Résurrection, surtout par le baptême.

       Ainsi, la vie chrétienne entière est liée à la Résurrection. C'est pour cela que Saint Paul rappelle toujours la Résurrection aux fidèles dans chaque Epître. Le chrétien vit dans une attente continue de la résurrection et, comme le Christ est ressuscité, nous aussi nous serons ressuscités. De plus, le Christ est glorifié par notre résurrection.
Le contenu central de l'Evangile est la Résurrection, et l'amour de Dieu pour les hommes nous est apparu surtout à travers la Résurrection de Jésus-Christ; nous sommes appelés à participer à cette Résurrection, et nous vivons dans la Résurrection dès cette vie afin de participer dès maintenant à la vie éternelle.

 

La première communauté chrétienne, une communauté de Résurrection

 
       Cet itinéraire avec Saint Paul à travers ses Epîtres nous a démontré que cet Apôtre est vraiment le grand maître de la Résurrection. Les rites de notre Eglise distribuent les événements de la Résurrection qui sont relatés dans le Saint Evangile sur onze péricopes qui sont proclamées durant l'office des Matines (Orthros) des dimanches sur toute l'année.
       Saint Paul, en revanche, analyse l'expérience de la Résurrection à travers son expérience personnelle, d'abord sur le chemin de Damas, quand le Christ lui apparut personnellement, après qu'Il fût apparu à tous les Apôtres, comme nous l'avons relaté plus haut. Après cela, il expérimente la Résurrection dans sa vie apostolique, et traduit tout cela par des enseignements spirituels et des orientations pour confirmer la foi de la première communauté chrétienne, qui a vécu le mystère de la Résurrection.

 

       De plus, la vie des premières communautés chrétiennes que Saint Paul et les autres Apôtres ont fondées en Orient a toujours été centrée sur l'événement de la Résurrection. Saint Paul parle de ces réunions, le jour du Seigneur (dimanche), et donne des orientations nécessaires à ce sujet. Dans la Première Epître aux Corinthiens, il dit (11, 20-27):
       "Lors donc que vous vous réunissez en commun, il n'est pas question de prendre le Repas du Seigneur. Dès qu'on est à table, en effet, chacun, sans attendre, prend son propre repas, et l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. Vous n'avez donc pas de maisons pour manger et boire? Ou bien méprisez-vous l'Eglise de Dieu, et voulez-vous faire affront à ceux qui n'ont rien? Que vous dire? Vous louer? Sur ce point, je ne vous loue pas.
       "Pour moi, en effet, j'ai reçu du Seigneur ce qu'à mon tour je vous ai transmis: le Seigneur Jésus, la nuit où Il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit: Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même, après le repas, il prit la coupe en disant: Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang; toutes les fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi. Chaque fois, en effet, que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'Il vienne. C'est pourquoi, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur".
C'est aussi ce qui a été mentionné plusieurs fois dans les Actes des Apôtres (2, 42): "Ils se montraient assidus aux instructions des Apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières".
C'est ce que réfère Justin de Neapolis (Naplouse), le premier philosophe chrétien, quand il parle de la célébration du mystère de l'Eucharistie, qui est une célébration de la Résurrection de Jésus-Christ, le jour du dimanche.

 

       La première communauté chrétienne a célébré le plus grand mystère (sacrement) du christianisme, le saint baptême, dans le cadre de la célébration de la Divine Liturgie, le jour du dimanche. C'est ce qui est rapporté dans les premiers écrits chrétiens, comme le Pasteur d'Hermas, la Didachè, etc…. De plus, tous les sacrements (mystères) de l'Eglise sont centrés sur la Résurrection du Christ, notamment la Divine Liturgie de l'Eucharistie, le dimanche; c'est ainsi que le premier jour de la semaine est devenu le jour de la Résurrection. Toute la vie chrétienne est centrée sur le dimanche, le jour du Seigneur.

 

La Liturgie, célébration de la Résurrection


       L'Eglise célèbre le mystére de la Résurrection quotidiennement, à travers les fêtes du Seigneur, de la toute Sainte Theotokos et des Saints, surtout par la Divine Liturgie, dans laquelle la Résurrection est mentionnée plusieurs fois, depuis le grand encensement initial, que le diacre commence en disant cette prière: "O Christ notre Dieu, tu étais dans le tombeau corporellement, aux enfers avec ton âme, comme Dieu, au paradis avec le larron, Tu siégeais assis sur le trône avec le Père et l'Esprit, remplissant tout, ô Infini". Dans l'hymne de la petite entrée, nous chantons: "Toi, Christ Dieu, qui, mis en croix, par ta mort as écrasé la mort".
Le dimanche, nous chantons: "Sauve-nous, Fils de Dieu, qui es ressuscité d'entre les morts". Nous chantons aussi, certains jours, à la place du Trisagion: "Nous adorons, Seigneur, ta Croix; nous glorifions ta sainte Résurrection". Après la procession des dons, le prêtre dit à voix basse: "Le noble Joseph, ayant descendu de la Croix ton corps immaculé, l'enveloppa d'un linge propre avec des aromates, lui rendit les honneurs funèbres et le déposa dans un sépulcre neuf".

       De même, les textes qui sont inscrits sur l'Antimension se rapportent à la Résurrection, car la table de l'autel représente le Saint Sépulcre, le lieu de la Résurrection. En effet, nous lisons sur l'Antimension, outre le texte de la prière du début du grand encensement citée ci-dessus: "Christ, ton tombeau, source de la Résurrection, est apparu, porteur de la vie, plus beau que le paradis et que toute chambre nuptiale royale".
La proclamation de notre foi, dans le symbole de Nicée-Constantinople, est celle de la Résurrection, puisque nous disons que nous croyons "en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, (…) qui a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli; qui est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures. (…) J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amin".
Dans l'anaphore, nous remercions le Seigneur qui nous "a élevés au ciel" et nous a "fait don" de son "Royaume à venir". Dans la prière de l'anamnèse, nous rappelons les événements de l'économie du salut: "Nous souvenant (…) de la Croix, du tombeau, de la Résurrection au troisième jour". Puis, après l'épiclèse: "Souviens-Toi aussi de tous ceux qui se sont endormis dans l'espérance de la résurrection à la vie éternelle". Nous donnons la Sainte Communion à chaque fidèle "pour la rémission de ses péchés et la vie éternelle", comme un gage de la Résurrection. La Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome, le dimanche, se termine par cette invocation: "Que le Christ, notre vrai Dieu, qui est ressuscité des morts, (…) aie pitié de nous et nous sauve, Lui qui est bon et ami des hommes".
Dans les prières d'action de grâce après la Communion, se répète la mention de la Résurrection, comme fruit de la Communion au Corps et au Sang du Christ.

 

       La mention de la Résurrection se répète aussi dans les prières de la Divine Liturgie de Saint Basile. Dans l'anaphore, le célébrant rappelle que le Christ s'est incarné "pour nous rendre conformes à l'image de sa gloire", c'est-à-dire à la Résurrection, "afin que ceux qui étaient morts en Adam fussent rendus à la vie en Lui. (…) Il a dissipé les angoisses de la mort. Ressuscité le troisième jour, Il a frayé à toute chair la voie de la résurrection d'entre les morts. (…) Il est devenu prémices de ceux qui se sont endormis, premier-né d'entre les morts".
Dans la prière de l'anamnèse: "Faites ceci en mémoire de moi. Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez ma mort, vous confessez ma Résurrection. Nous souvenant donc, Maître, nous aussi, de tes souffrances salvatrices, de ta Croix vivifiante, des trois jours passés au tombeau, de ta Résurrection d'entre les morts, (…) nous Te prions, ô notre Dieu".
Après l'épiclèse, le prêtre fait mémoire des défunts: "Souviens-Toi aussi de tous ceux qui se sont endormis dans l'espérance de la résurrection à la vie éternelle". A la fin de la Divine Liturgie de Saint Basile, le prêtre dit à voix basse cette belle prière: "Voici consommé et accompli, autant qu'il est en notre pouvoir, ô Christ notre Dieu, le mystère de ton économie. Nous avons possédé le mémorial de ta Passion, nous avons vu l'image de ta Résurrection …"
De même, la mention de la Résurrection se répète dans la Liturgie des Présanctifiés, au cours de laquelle le prêtre intercède pour les fidèles: "Dieu grand et digne de louange, qui, par la mort vivifiante de ton Christ, nous as fait passer de la corruption à l'immortalité, (…) affermis tous nos membres et notre entendement par ta grâce".

 

       Dans la prière finale (derrière l'ambon) de la Liturgie des Présanctifiés, le prêtre dit: "Maître tout-puissant, qui (…) nous as amenés à ces jours très augustes, pour y purifier nos âmes et nos corps, y maîtriser nos passions et y espérer la résurrection, (…) accorde-nous aussi (…) d'apparaître victorieux du péché et de parvenir sans reproche à adorer aussi ta sainte Résurrection".
Que dire de la mention répétée et continue de la Résurrection dans nos offices des fêtes du Christ, de la Toute Sainte Theotokos et des Saints, dans la description des luttes de ceux-ci et leur louange? Il suffit de citer les livres de la Paraclitique et de l'Octoikos (des huit tons), où nous avons l'office de la Résurrection pour tous les dimanches, qui contiennent des centaines, pour ne pas dire des milliers, de chants, d'hymnes, qui tous relatent l'événement de la Résurrection et exposent sa spiritualité, son sens et ses effets, de sorte qu'il paraît clairement que, par le moyen de ces prières, tout dimanche, tout au long de l'année, est vraiment le jour de la Résurrection, ou, comme on dit, la "petite Pâque", tandis que la fête même de la Résurrection est la "grande Pâque".
La première église, dans l'histoire de la chrétienté, que Sainte Hélène, mère de l'Empereur Constantin, construisit à Jérusalem en 335 s'appelle la basilique de la Résurrection (aussi appelée Saint-Sépulcre dans la tradition occidentale). Les premiers chrétiens, surtout en Syrie, étaient appelés "Fils de la Résurrection". Comme c'est beau d'entendre les fidèles, à Jérusalem, dire: "Je vais à la Résurrection", au lieu de dire: "Je vais à l'église de la Résurrection"! Come ce serait beau, si tous étaient toujours en marche sur le chemin de la Résurrection!

 

Pas de Croix sans Résurrection, pas de Résurrection sans Croix
Pour chaque croix une résurrection, et pour chaque résurrection une croix


 
        Le fait de relier la Résurrection à la Croix et la Croix à la Résurrection, une Résurrection précédée par la Croix, n'est pas un simple rite liturgique génial; c'est l'expression la plus haute de la réalité de la vie et des aspirations de l'homme.
Nous disons à l'homme, à tout homme: découvre, dans chaque croix, les semences du début de la résurrection, comme tu découvres, dans chaque obscurité d'une nuit très noire, la première lueur de l'aurore, et, dans la profondeur de ta souffrance, aie confiance que la résurrection est pour toi, pour ta souffrance, pour ta croix.
Ainsi se réalise, encore une fois, le fait que la liturgie et les prières liturgiques expriment, à travers leurs enseignements, leur spiritualité et leurs symboles, notre réalité et illuminent notre chemin. L'adage est toujours vrai qui dit: celui qui prie est sauvé; celui qui ne prie pas n'est pas sauvé.
Cette relation profonde entre la Croix et la Résurrection dans la liturgie est l'expression de leur relation dans notre vie, de leur spiritualité, et la preuve qu'il n'y a pas d'existence de l'une sans l'autre, pas de croix sans résurrection, une résurrection qui suit la croix et qui nous sauve de la croix. Il n'y a pas de résurrection sans croix dans la réalité de notre vie, et la résurrection nous fait descendre de la croix.
Comme la Croix et la Résurrection sont intimement liées dans la vie de Jésus, dans celles de Saint Paul et des autres Saints, il en est ainsi encore dans notre réalité. C'est ce que Saint Paul nous confirme en disant (I Corinthiens 15, 17): "Si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés".

 

       De même, refuser de lier la croix à la résurrection et la résurrection à la croix est cause de beaucoup de dangers, dont le désespoir, le suicide, l'athéisme, l'obscurité, le péché et les crimes.
Lier la Croix à la Résurrection et la Résurrection à la Croix, c'est au plus profond de notre croyance, de notre dogme chrétien, ce qui est le plus important dans la vie des fidèles et dans la philosophie chrétienne; les deux résument le sens de l'Incarnation et de la Rédemption, ainsi que la relation entre l'homme et Dieu, car Il nous a créés et Il n'a pas "cessé de tout faire" pour nous "élever au ciel", c'est-à-dire pour nous ressusciter (Anaphore de la Divine Liturgie de Saint Jean Chrytsostome).
De plus, cette relation est le résumé de l'économie du salut. C'est la réponse la meilleure à notre réalité humaine et aux aspirations de notre âme à l'immortalité, car nous vivons la réalité de la croix, d'un côté,  mais nous aspirons, de l'autre, à en finir avec la croix: nous aspirons à l'immortalité et à la résurrection. C'est le sens de descendre de la croix, le sens de la résurrection. C'est là l'expérience de Paul sur la route de Damas. Et c'est là l'itinéraire des Saints et des Martyrs. C'est la mission de Jésus de nous sauver de la croix et de nous faire don de la résurrection.
Jésus a condescendu jusqu'à nous, jusqu'à la mort, la mort de la Croix. Il est descendu jusqu'à notre réalité humaine, puis Il est ressuscité pour réaliser notre aspiration à la résurrection.

 

       C'est ce que nous lisons dans l'office de la Génuflexion, aux vêpres du lundi de Pentecôte: Jésus est Celui qui fait "revivre par l'espérance de la résurrection ceux qu'a blessés l'aiguillon de la mort". C'est Lui qui "fait naître en nous l'espérance de la résurrection et de la vie sans mélange". C'est Lui qui est "l'initiateur de notre résurrection", qui a "voulu participer intimement à notre chair et à notre sang" afin d'être semblable à nous "par un effet de son extrême condescendance". C'est Lui qui, de sa propre volonté, a pris sur Lui nos souffrances, nos passions, et Il nous a entraînés vers son "impassibilité" (c'est-à-dire la résurrection).
C'est cela qui apparaît aussi, très clairement et splendidement, dans la prière de la bénédiction de la lumière le matin du Samedi Saint, où nous trouvons une description très belle de l'ensemble de l'économie du salut et l'enchainement entre l'Incarnation, le péché, la Croix, la mort, la Résurrection et l'entrée au paradis. Voici une partie de cette prière:
"Toi, Sauveur, Tu as institué une loi pour le premier homme quand il était dans l'état de la lumière pour le modérer et le guider vers le monde nouveau et pour lui donner le désir de croître dans la vie éternelle. Mais, en transgressant ton commandement, il a été déchu de cette grande gloire dans laquelle il se trouvait, il s'est tué lui-même par sa chute et il est devenu exilé loin de Toi, qui es la lumière glorifiée. Mais Toi, Seigneur, ami des hommes, par ta mort et par l'abondance de ta bonté et de ta miséricorde incomparable, Tu as condescendu à notre bassesse, à nous pécheurs dépravés, afin de nous restituer à ta gloire et à ta lumière primordiales, desquelles nous étions déchus, et Tu as voulu habiter dans le tombeau pour nous, qui avons transgressé tes divins commandements, et Tu es descendu à la géhène. Tu es arrivé au fin fond de la terre et Tu as détruit les portes éternelles. Tu as sauvé ceux qui sont dans les ténèbres de la mort et Tu les as relevés. Tu as illuminé notre genre humain par ta Résurrection au troisième jour.

 

       "Tu as donné au monde une nouvelle vie en illuminant le monde mieux que par le soleil. Par ta miséricorde, Tu as rendu à notre nature sa première dignité et la lumière glorieuse de laquelle elle avait été exilée. (…)
       "Comme Tu nous a relevés, nous as ressuscités du gouffre du péché et nous as délivrés des ténèbres des crimes, rend-nous dignes, par ton abondante miséricorde, d'allumer nos lampes à la lumière de ce jour, symbole de ta Résurrection glorieuse et resplendissante. Et donne à ton Eglise sainte, catholique et apostolique cette lumière parfaite".
Le sens de cette prière est que Jésus est condescendu à notre réalité (vérité de la Croix). Il a été crucifié pour participer à notre réalité, et Il est ressuscité afin d'être à la hauteur de nos aspirations et de nos espoirs d'immortalité. En d'autres termes, l'homme a voulu être Dieu, et il a été déchu; alors Dieu s'est fait homme afin que l'homme devienne Dieu.

 

Que les hommes ressuscitent avec le Christ!

       Dans notre lettre de Carême – "Je suis pour jamais crucifié avec le Christ" – il y a un passage intitulé "Faites descendre le pauvre de la croix". Aujourd'hui, jour de la glorieuse et lumineuse Résurrection, nous disons que le pauvre ressuscite avec le Christ et, au lieu de l'élever sur la croix, faisons-le élever à la hauteur de joie de la Résurrection, car, quand nous avons pitié du pauvre et que nous le faisons descendre de la croix, quelle que soit cette croix, il ne suffit pas d'améliorer sa situation sociale ou de santé ou de niveau de vie, il faut plutôt et surtout faire tout ce qui est possible pour rassasier sa faim et sa soif de Dieu et le faire participer à la vie de Dieu. C'est ce que Jésus a dit: "Travaillez non pour la nourriture qui périt, mais pour la nourriture qui subsiste jusque dans la vie éternelle" (Jean 6, 27).

 

       L'action et la mission du prêtre, de l'apôtre, du vrai fidèle sont de faire participer les autres à la vie de Dieu. C'est ce que nous lisons dans l'office des vêpres du mercredi de la Sainte et Grande Semaine (anticipées au mardi): "Que le fidèle partage la science avec les non initiés" (Lucernaire).
Ainsi apparaît clairement la relation entre la Résurrection du Christ et notre résurrection. Chaque fois que nous célébrons la Résurrection, le jour de la grande fête de Pâques, ou bien quand nous participons à la Divine Liturgie le dimanche en faisant mémoire de la Résurrection du Christ, nous donnons à nos âmes une nouvelle charge d'espérance et d'optimisme. On peut dire de même de l'effet de la prière personnelle, de la prière à la maison, de la lecture de l'Ecriture Sainte (notamment du Saint Evangile et des Epîtres de Saint Paul, etc.), de la lecture spirituelle, qui sont autant d'occasions et de facteurs efficaces pour charger nos âmes de la force de la Résurrection. A travers cela, la Résurrection devient notre résurrection, et pas seulement un souvenir de la Résurrection du Christ, et nous animons nos âmes avec un vrai optimisme.
La croix est une réalité de notre faiblesse et la résurrection est notre vocation divine qui réalise notre aspiration à l'immortalité. En effet, nous voulons tous être immortels, être immortalisés par nos enfants, par le succès de nos projets, par notre excellence, mais la grande immortalité et l'expression la plus haute de cela, c'est la Résurrection, l'immortalité avec Jésus et par Jésus, qui nous ressuscite par sa Résurrection.
Tout homme aspire à l'immortalité et veut participer à la vie de Dieu dans son immortalité, de sorte que la chaine de la vie, de la mort et de la résurrection est la vérité qui nous attend tous. La mort n'est pas un état définitif, mais une étape. La mort est le passage de la vie terrestre à la vie céleste, à l'autre vie. La mort est toujours une surprise, soit pour le moment de son arrivée, soit pour ce qui nous attend après elle.

 

       Comme dit Saint Paul (avec Isaïe et Jérémie), c'est "ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce à quoi le cœur de l'homme n'a pas songé, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qu'Il aime" (I Corinthiens 2, 9).
Le chrétien non seulement croit à la Résurrection de Jésus-Christ, et il en est fier, il défend sa réalité, mais c'est un homme qui croit que lui aussi est un fils de la Résurrection et un acteur pour la résurrection des autres, des membres de sa famille, de ses compagnons, de ses concitoyens, de la société en général. Il réalise ainsi la parole de Jésus-Christ (Jean 10, 10): "Je suis venu pour qu'on ait la vie, et qu'on l'ait surabondante". De plus, le dogme de la Résurrection et notre foi en la Résurrection supposent le travail de chaque jour pour la résurrection  quotidienne, pour notre vie quotidienne. C'est pour cela que les premiers chrétiens, surtout en Syrie, ont été appelés de ce nom extraordinaire: "Fils de la Résurrection". Ainsi, la Résurrection est devenue leur famille, le nom de leurs tribus chrétiennes et une partie inséparable de leur personnalité, de leur identité.
La Résurrection commence avec le Christ, ici, dans notre vie terrestre, mais elle se réalise définitivement et entièrement dans le ciel. C'est comme cela que nous construisons la civilisation de l'amour, de la vie et de la Résurrection. En effet, la Résurrection n'est pas seulement le fondement de notre foi, de notre croyance chrétienne, mais aussi le fondement de nos mœurs, de notre engagement dans l'Eglise, dans la société, dans la Patrie, dans le travail, dans le métier, de sorte que nous devenons acteurs de la résurrection et serviteurs de la vie.
Sans Résurrection, sans espoir de la résurrection, sans la vie quotidienne dans la Résurrection, c'est le désenchantement, le désespoir, la fadeur, le suicide, la violence, le terrorisme, l'effrittement de la vie conjugale et familiale et des relations sociales: un recroquevillement de mort.

 

       Au contraire, le dogme et la réalité de la Résurrection donnent un sens et un but à notre vie, le sens du don, du dévouement, du service, et soutiennent nos projets de progrès et de propspérité, notre engagement à aider les pauvres, notre recherche des inventions et du développement scientifique, afin de combattre les maladies qui s'attaquent à des millions d'êtres humains à cause du manque de médecins et de médicaments, et de lutter contre les différentes calamités.
"Que les hommes ressuscitent avec le Christ", cela veut dire que les hommes descendent de la croix et qu'ils fassent participer les pauvres, les faibles, ceux qui sont discrédités et qui souffrent, à la Résurrection du Christ. Cela veut dire que nous devons transformer la croix de cet homme qui souffre, qui est dans la privation, en résurrection. Cela veut dire aussi faire descendre le pauvre de la croix et le faire participer à la Résurrection, à la vie, au bien, aux ressources, et ainsi nous pouvons collaborer grandement au combat contre le terrorisme, la violence et le fondamentalisme.
Faites participer les hommes à la Résurrection, à la vie digne et noble, donnez-leur leurs droits; ainsi, vous pourrez éliminer une grande partie des calamités sociales qui sont la menace la plus grande contre nos sociétés. C'est là la "guerre froide", le chaos social dans lesquels personne n'est gagnant; et l'on ne sait pas d'où vient ce chaos, ni où il va, ni qui seront ses prochaines victimes. On constate souvent que l'injustice, dans toutes ses modalités, est la cause de la violence, du terrorisme et du fondamentalisme. La religion est tout à fait distante de tout cela et en est absolument innocente. Au contraire, on se sert de la religion comme d'une façade pour tout cela, on exploite la religion et les valeurs de la foi pour des buts illégaux et destructifs.

 

       C'est là la Résurrection dont parle Saint Paul dans ses Epîtres, et c'est là la vision de Jésus ressuscité et vivant qui fut à la base de sa conversion, de sa mission et de son Evangile. Il a vécu le mystère de la Résurrection dans toutes ses dimensions, à travers ses voyages apostoliques, sa lutte continue, jusqu'à la mort, pour pouvoir proclamer l'Evangile de la Résurrection. Il est vraiment l'Apôtre de la Résurrection, qu'il a expliquée d'une manière extraordinaire dans ses Epîtres, comme nous l'avons vu plus haut. Ainsi, il a réuni d'iune façon excellente, dans sa vie et dans ses enseignements, dans son Evangile, la Croix et la Résurrection.

 

Vous êtes ressuscités avec le Christ

     "Je suis pour jamais crucifié avec le Christ" (Galates 2, 19), a dit Saint Paul; il n'est pas crucifié tout seul. C'est ce que nous avons expliqué plus en détail dans notre lettre de Carême. Cette phrase est exprimée au présent, car c'est une réalité. Elle est complétée par une autre expression de Saint Paul, dans laquelle il se décrit lui-même comme étant attaché à la Croix, et il ajoute, en parlant au présent et au futur: "Avec Lui [le Christ] vous êtes ressuscités" (Colossiens 2, 12). Puis: "Vous êtes morts, en effet, et votre vie demeure cachée en Dieu avec le Christ. Quand le Christ, votre vie, se manifestera au grand jour, alors vous aussi vous serez manifestés avec Lui dans la gloire" (Colossiens 3, 3-4). Cela veut dire qu'il n'y a pas de Croix sans Jésus, et qu'il n'y a pas non plus de Résurrection sans Jésus.
C'est là la grande espérance chrétienne et la grande fête. C'est cette espérance qui termine le symbole de notre foi chrétienne, dans toutes les dimensions terrestres et divines de celle-ci: "J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amin".

 

       Pour fortifier cette espérance dans les cœurs, les âmes et les consciences de nos fils, nous voudrions mettre en vedette quelques expressions de Saint Paul, les adaptant en forme de slogans:
- Je veux être détruit, afin d'être avec le Christ.
- Si nous mourons ou nous vivons, nous sommes au Christ.
- Ainsi, nous sommes toujours avec le Christ.
- Nous attendons la vie qui a de vrais fondements.
- Le corps est planté dans le mépris et il ressuscite dans la gloire.
- Le corps est planté dans la faiblesse et il ressuscite dans la force.
- Le corps est planté comme corps animal et il ressuscite comme corps spirituel.
- Il faut que ce corps corruptible se revête de l'incorruptibilité.
- Il faut que ce corps mortel se revête d'immortalité.
- Le Christ est mort afin que les mortels ne vivent pas pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux.
- Si notre espérance dans le Seigneur est seulement en cette vie, nous sommes les plus misérables des hommes.
- Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine.
- Le Christ Jésus va transformer notre corps de misère en un corps à l'image de son corps de gloire, du corps de sa Résurrection.
- Il est mort pour nous afin que nous vivions tous en Lui.

 

La terre et le ciel

       Les espoirs de la résurrection animent notre vie sur la terre et, plus tard, dans le ciel, après la mort, car nous sommes sûrs que nous naissons pour mourir, mais aussi que nous mourrons pour vivre et ressusciter. C'est ce que le poète arabe a dit: Comme la vie est tellement étroite s'il n'y a pas l'espace de l'espoir!
       C'est à travers le dogme chrétien de la Résurrection de Jésus-Christ qu'apparaît la réalité profonde de la terre et du ciel. Saint Paul a exprimé cela en disant: "Notre cité est dans les cieux" (Philippiens 3, 20); et aussi: "Nous n'avons pas ici-bas de cité durable, nous sommes en quête de la cité future" (Hébreux 13, 14).
En effet, le chrétien, comme tout homme, est exposé à une double tentation: de ne pas lier la terre au ciel, la réalité à ses aspirations; cela veut dire qu'il se contente de la terre et qu'il travaille seulement pour sa vie terrestre, ou bien qu'il se suffit du ciel pour vivre dans un isolement béatifique, en laissant les choses de la terre à la terre, la poussière à la poussière, sans être plus acteur et constructeur, sans participer à sa société pour vivre dans un recroquevillement qui est mortel pour lui et pour les autres.
La foi chrétienne en la Résurrection de Jésus-Christ aide le fidèle à lier la terre au ciel. Un adage arabe bien connu dit: Travaille pour cette terre comme si tu vivais éternellement et travaille pour ton éternité comme si tu devais mourir demain. Ne pas unir ces deux éléments, ces deux pôles, la vie présente et la vie future, peut mener au suicide, qui signifie nier la vie ici et maintenant et ne pas comprendre le sens et le but de la vie. Ceci peut mener aussi à l'athéisme, dans lequel sont détruites toutes les convictions. Le suicide et l'athéisme ont ce même fondement faux.

 

       Dans ce sens, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, quand il était Cardinal, a écrit en 1992: "L'espérance céleste ne s'oppose pas à la fidélité terrestre, elle constitue aussi un espoir pour la terre. Tout en demeurant dans l'espoir de quelque chose de plus grand et de plus définitif, nous pouvons et nous devons en tant que chrétiens  apporter également l'espoir dans le provisoire, dans notre monde fait d'Etats" (cf. le livre du Cardinal Joseph Ratzinger, Werte in Zeiten des Umbruchs, 2005; traduction française: Valeurs pour un temps de crise, Paris, 2005, p. 49; traduction arabe, Damas-Amman, 2009, pp. 81-82).
Selon le témoignage de l'histoire de l'Eglise, les Pères de l'Eglise et les Saints n'ont pas été étrangers à la terre et aux soucis de leurs concitoyens. Nous en avons donné des preuves dans notre lettre de Noël 2003, sous le titre "Pauvreté et développement"; nous avons expliqué comment l'Eglise a œuvré, à travers ses fondations et ses institutions de bienfaisance, de culture, de santé et sociales, pour délopper la société et améliorer les conditions de vie des hommes. Le vrai chrétien, qui croit à la Résurrection et à la vie future, est celui qui est le plus engagé dans les causes de la société et qui est dévoué au service de son pays. C'est à cela que le Concile Vatican II nous a appelés au début de son document le plus important, la Constitution Pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps ("Gaudium et spes", 7 décembre 1965), dont le premier paragraphe dit:

 

       "Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s'édifie avec des hommes rassemblés dans le Christ, conduits par l'Esprit-Saint, dans leur marche vers le royaume du Père, et porteurs d'un message de salut qu'il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire".
Saint Paul se demande, dans la Première Epître aux Corinthiens (15, 35), comment se réalise la Résurrection. Nous avons tâché d'expliquer cette question à travers l'enseignement de Saint Paul. Nous voudrions maintenant répondre à cette demande, qui se pose non seulement chez l'un ou l'autre, mais chez tous, et cela au moyen de l'histoire de deux moines qui méditaient ensemble et se posaient la même question que Saint Paul: "Comment les morts ressuscitent-ils? Avec quel corps reviennent-ils?" Est-ce que notre vie et notre corps sont différents ici et là-haut? Est-ce que l'état dans le ciel est différent de ce que nous imaginons? C'est-à-dire, y a-t-il une différence de mode? Ou bien, est-ce autre chose? En latin, est-ce aliter (autrement) ou qualiter (pareillement)? Les deux moines se sont mis d'accord que celui qui mourrait le premier donnerait la réponse à son confrère quand il serait au ciel. Alors, le premier moine qui est mort a envoyé un très bref message à l'autre moine en lui disant: "Totaliter aliter" (c'est tout à fait autre chose).

 

La fête de la Résurrection dans une prison communiste

       A la fin de cette lettre pascale, je voudrais mentionner un événement que je n'oublierai jamais et qui exprime la force de la foi en la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Durant le régime communiste, quelque chose d'étrange a eu lieu dans une des grandes prisons de Moscou, la veille du jour de Pâques. Le maigre repas avait été servi aux prisonniers, comme d'ordinaire, à 5 heures de l'après-midi, puis on les fit retourner dans leur dortoir commun, grand et froid. Ils essayèrent de dormir, mais en vain. Les gardes étaient aux portes du dortoir.
Vers minuit, à l'approche de l'heure de l'annonce de la Résurrection dans les églises, comme c'est l'usage, les détenus avaient dans leurs cœurs le sentiment profond de vouloir participer à cette joie dans les églises et avec leurs familles. Au plus profond de cette nuit terrible et dans l'obscurité totale, la voix de l'un des détenus s'éleva et cria fortement, comme font et proclament le Patriarche de Moscou et tout prêtre russe, en slavon: "Christos voskriesie!" (Christ est ressuscité). Aussitôt les prisonniers, qui étaient des centaines, se levèrent et, debout sur leurs lits, chantèreent tous ensemble, à pleine gorge: "Il est est vraiment ressuscité! Christ est ressuscité des morts! Par sa mort Il a vaincu la mort. Il a donné la vie à ceux qui sont dans les tombeaux!" Les gardiens, communistes, mais orthodoxes, se joignirent à eux pour continuer à chanter l'office entier de la Résurrection. Ensemble, ils célébrèrent l'office de la Résurrection dans cette prison.
Notre monde a besoin de ce cri de la Résurrection, de cette conviction de la Résurrection, de ces aspirations à la résurrection. Nous prions le Christ afin que notre monde soit saisi par les aspirations à la résurrection, et que tout le monde puissse chanter ensemble l'espoir de la résurrection, de la vie, de la paix, de la Rédemption et du salut.


Un bouquet de bonne fête

     Nous présentons ces méditations pascales et pauliniennes comme un bouquet spirituel, le jour de la fête de la Résurrection glorieuse, à tous nos frères les Hiérarques vénérables, à tous nos bien-aimés prêtres, diacres, religieux et religieuses, à tous les consacrés et toutes les consacrées, à nos séminaristes, à ceux qui aspirent à la vie religieuse et consacrée, aux fidèles chrétiens, hommes et femmes, consacrés en dehors de la vie religieuse, à tous nos fils, à toutes nos filles, dans toutes nos éparchies et nos paroisses, nos couvents et monastères, nos œuvres religieuses, dans les pays arabes et dans le monde entier.
Nous demandons au Seigneur de faire en sorte qu'ils restent fidèles aux promesses de leur baptême, qui sont des promesses de résurrection, fidèles à leur nom historique de "Fils de la Résurrection", qu'ils vivent la Résurrection dans tous les secteurs de leur existence, et qu'ils puissent faire surgir les aspirations à la résurrection dans leur société.
Et, ensemble, nous chantons et nous chanterons, sans tiédeur, sans fatigue, proclamant dans le monde entier la Bonne Nouvelle de la Résurrection glorieuse et lumineuse: "Christ est ressuscité! Il est vraiment ressuscité!" Il a donné la vie au monde.
Avec mon amour et ma Bénédiction Apostolique.

 
                                      + Gregorios III
                                      Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
                                      d'Alexandrie et de Jérusalem
Le 25 mars 2009, fête de l'Annonciation à la Toute Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu.