Patriarche Youssef

Lettre de Noêl 2006

25 12 2006



 

Gregorios III,
par la miséricorde de Dieu
Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient,
d'Alexandrie et de Jérusalem.

La grâce divine et notre bénédiction apostolique
descendent et se répandent sur nos Frères
les Evêques, membres de notre Saint-Synode,
et sur tous les enfants de notre Eglise Grecque-Melkite Catholique,
clergé et fidèles,
dans les pays arabes et dans ceux de l'émigration.

 


La paix, la convivialité et la présence chrétienne dans le Proche-Orient arabe
 


      La paix, c'est un des noms de Dieu. C'est le nom de Notre Seigneur et Dieu Jésus Christ, Prince et Roi de la paix. La paix est mentionnée, juste au début de l'Evangile, dans le récit de l'événement de l'Annonciation, quand l'Archange Gabriel apporte le salut de la paix à la Vierge Marie pour lui annoncer qu'elle sera la Mère de Dieu; il la salue en disant: "Sur toi la paix, Marie, pleine de grâce" (Luc 1, 28).

        Après la naissance de Jean le Précurseur, son père Zacharie entonne un chant de louange pour ce fils qui précédera le Seigneur et annoncera la venue du Christ, lequel "guidera nos pas dans la voie de la paix" (Luc 1, 79). Et lors de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, six mois plus tard, dans la ville de Bethléem, les anges font entendre, à l'oreille des bergers de Beth-Sahour, le "chant des bergers", le cantique éternel de Noël: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu'Il aime"  (Luc 2, 14).


     
La paix, programme de la mission de Jésus

       Ainsi, ce cantique devient vraiment le programme de la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ. Son Evangile est l'Evangile de la paix: "C'est lui qui est notre paix (…). Il est venu vous annoncer la paix  à vous qui étiez loin,  la paix aussi à ceux qui étaient proches" (Ephésiens 2, 14 et 17). Les éléments de ce cantique sont liés ensemble comme une symphonie unique: la gloire de Dieu, la paix, la bienveillance et la joie.

       Nous commençons la Divine Liturgie par cet appel très beau et aimable: "En paix prions le Seigneur. Pour la paix d'en-haut, prions le Seigneur. Pour la paix du monde entier, prions le Seigneur". Plus loin, nous prions "afin que notre journée soit paisible", et: "Demandons au Seigneur un ange de paix, fidèle, gardien de nos âmes et de nos corps". A la fin de l'Office de Minuit, nous demandons: "Fais régner la paix dans notre vie", et nous chantons: "Sauve, ô Dieu, ton peuple, bénis ton héritage, et donne la paix à ce monde qui est tien".

       Avec le propète Isaïe, nous disons: "Seigneur, donne-nous la paix, car tu nous as tout donné" (cf. Isaïe 26, 12). Et Jésus s'adresse à ses disciples en disant: "Paix à vous" (Jean 20, 19), et: "Je vous donne ma paix" (Jean 14, 27).

       Les fruits de la paix sont la bienveillance, la joie et la sécurité parmi les hommes. Ces fruits sont liés ensemble: gloire de Dieu, paix sur la terre, bienveillance et joie pour les hommes.
       Ainsi, il n'y a pas de paix, pas de bienveillance sans la gloire de Dieu, qui est liée aussi à la gloire des hommes, car, comme dit Saint Irénée, Evêque de Lyon, "la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant" (Contre les hérésies 4, XX, 7). Dieu a respecté la dignité de l'homme en le créant à son image et à sa ressemblance, en l'ornant de tous ses bienfaits, de tous ses charismes,  et en lui donnant le pouvoir sur toute la création (cf. Genèse 1, 26-27).

 

       L'homme, à son tour, doit vénérer l'icône de Dieu dans son frére, l'homme. Ainsi, ce cantique de Noël est vraiment une symphonie spirituelle, d'une beauté éblouissante.
 

Harmonies

       Comme les accords de ce cantique de Noël sont en harmonie, dans ses trois parties, ainsi s'unissent les trois thèmes qui sont énoncés au début de ce Message de Noël: la paix, la convivialité et la présence chrétienne dans le monde arabe.

       Ces trois thèmes sont liés d'une manière existentielle et ferme. C'est ce que nous avons expliqué dans les différentes lettres que nous avons adressées, à l'occasion de la guerre destructrice et haineuse contre le Liban, en juillet-août 2006, aux dirigeants des pays arabes, à ceux des huit grands pays réunis à Saint-Pétersbourg, à ceux des pays de la Communauté Européenne réunis à Bruxelles, aux ministres des Affaires Etrangères des grands pays réunis à Rome, au Secrétaire Général de l'O.N.U.  M. Kofi Annan, au Président Jacques Chirac, à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI et aux Présidents des principales Conférences Episcopales du monde catholique. Nous avons voulu, au moyen de ces lettres, mettre l'accent sur l'importance de la paix au Proche-Orient, cette paix qui est la clef de tous les biens dont cette région, qui souffre depuis des décennies, a besoin.

       Dans ce Message de Noël, nous voulons porter le contenu de ces lettres à la connaissance de toutes les personnes de bonne volonté. Cela est en harmonie avec nos Messages de Noël antérieurs, dans lesquels nous avons toujours insisté sur l'importance de la présence chrétienne dans le monde arabe, cette présence unique, malheureusement menacée par les cycles de guerres, de crises et de calamités qui s'abbattent sur cette région, laquelle a vu la naissance de Jésus, le Messager de la Paix, et est le berceau du christianisme.

       Notre grand souci, exprimé à travers nos messages annuels, est toujours celui-ci: comment préserver la présence chrétienne, une présence de témoignage et de service dans notre société arabe à majorité musulmane?

       Nous allons exposer, dans le présent message, ces trois éléments: la paix, la convivialité et la présence chrétienne dans la région. En résumé, nous disons que cette présence chrétienne  est fondamentale pour la convivialité. Mais elle se dissout peu à peu à cause de l'émigration qui suit chaque guerre et chaque crise. Pour préserver cette convivialité, il faut faire régner une paix globale, juste et durable dans la région.

 

La cause, c'est le conflit israélo-palestinien

       Nous considérons que les crises, les guerres et les calamités du Proche-Orient sont des produits et des résultats du conflit israélo-palestinien. De même, sans aucun doute, sont des suites de ce conflit les mouvements fondamentalistes, le mouvement Hamas, le Hiszbollah et autres. Sont aussi des produits de ce conflit les discordes à l'intérieur des pays arabes, ainsi que la lenteur dans le développement et l'instauration de la prospérité, la naissance de la haine et de l'inimitié, la perte de l'espoir et la déception chez les jeunes (lesquels forment 60 pour cent de la population des pays arabes).

       Si tout cela est le résultat du conflit israélo-palestinien, l'accord tant désiré entre les Arabes est la seule garantie capable de rétablir la paix et la justice en Palestine et dans tout le Proche-Orient. Cela nécessite une position arabe unifiée, solide, effective et franche au sujet de la question palestinienne et de sa solution. Cela exige aussi une position américaine et européenne franche, solide et unifiée.

       Cependant, ce qui est le plus important aujourd'hui est que nous puissions, nous tous dans cette région, gagner à la fois le combat de la paix et celui de la guerre, une lutte sincère pour la justice, la sécurité, la stabilité et le développement. C'est ce à quoi aspirent les nouvelles générations arabes, chrétiennes et musulmanes, et de même tous les partis politiques, nos fidèles et tous les enfants de nos peuples. Oui, l'unité arabe est la seule garantie capable de proposer une solution pacifique face à Israël, aux Etats-Unis d'Amérique et même aux Nations Unies.


L'unité du monde arabe

       Détruire les ponts et construire des murs: voilà ce qui est le fait, malheureusement, dans notre Proche-Orient. Or, ce dont on a absolument besoin, c'est juste le contraire, c'est-à-dire construire des ponts, dans un monde divisé, afin que les hommes puissent se rencontrer, et détruire les murs qui les séparent les uns des autres.

       Cela est la seule garantie qui puisse assurer une vie digne des hommes sur cette terre et dans notre monde arabe, à la place de ce que nous voyons malheureusement autour de nous: le feu qui brûle partout, les armes qui sèment la peur et la mort et sont causes de malheurs et de maux infinis, comme c'est le cas en Palestine, en Irak et au Liban.


       Après la guerre contre le Liban, nous nous trouvons tous devant un tournant historique, très important et dangereux à la fois, car il peut donner lieu aussi à beaucoup de calamités. Aussi est-il absolument nécessaire que les Arabes tirent de tout cela les vraies leçons de cette guerre sanguinaire contre le Liban, qui a dépassé par sa férocité toutes les guerres de la région.

       Nous considérons que la politique qui consiste à faire pression sur tel ou tel pays arabe ou autre, comme la Syrie et l'Iran, ainsi que les jugements durs et les attaques contre le Hamas, le Hizbollah et les fondamentalistes islamiques, sont en réalité une fuite en avant, une politique soi-disant réaliste qui consiste à chercher à se dispenser de porter sa propre responsabilité. Le vrai sens des  responsabilités exige que tous se placent sur le plan de la vérité et marchent ensemble vers un accord et une unité authentiques pour faire régner la paix et la justice en Terre Sainte, qui, depuis plus de cinquante ans,  est devenue – hélas! – la terre de la guerre et la cause de tous les conflits et des guerres dans la région, et même dans le monde.

       En partant du fait que nous sommes une Eglise arabe, l'Eglise des Arabes, l'Eglise de l'Islam, nous nous adressons, avec une grande fermeté, aux Arabes, nos frères, aux pays européens et à l'Amérique, en leur disant: Gare! Et cela avec beaucoup de force, car, s'il y a un délai infini pour résoudre la question palestinienne, cela revient à perdre toute espérance de solution.


L'émigration des chrétiens

       Parmi les suites les plus dangereuses du conflit israélo-palestinien, la cause du fait que l'on ne trouve pas une solution juste et solide pour ce conflit, c'est l'émigration: l'émigration des cerveaux, des penseurs, des jeunes, des musulmans modérés, et surtout des chrétiens. Tout cela affaiblit le progrès et l'avenir de la liberté, de la démocratie et de l'ouverture du monde arabe.

       Le grand danger est surtout dans l'émigration des chrétiens, qui a des conséquences graves et douloureuses. En effet, l'émigration des chrétiens, qui atteint et frappe toutes les paroisses de toutes les communautés chrétiennes dans le monde arabe, surtout au Liban, en Syrie, en Palestine, en Jordanie, en Egypte et en Irak, aboutira à vider l'Orient des chrétiens.

        Surtout, l'émigration veut dire perdre peu à peu le pluralisme et la diversité dans le monde arabe, et la perte des grandes possibilités de dialogue islamo-chrétien, qui est un dialogue humain et religieux, en même temps qu'un dialogue de la vie sociale, des cultures et des consciences, qui se concrétise dans les différents aspects du tissu de la vie quotidienne dans les sociétés arabes.

       L'émigration des chrétiens représente une hémorragie continue. Cela veut dire que la société arabe deviendrait une société d'une seule couleur, une société uniquement musulmane, et ainsi le Proche-Orient deviendrait la région d'une société arabe et musulmane face à une société européenne dite chrétienne, bien que l'Europe et l'Amérique soient sécularisées et pas toujours croyantes. Si cela arrivait, et que l'Orient soit vidé de ses chrétiens, cela voudrait dire que toute occasion serait propice pour un nouveau choc des cultures, des civilisations et même des religions, un choc destructeur entre l'Orient arabe musulman et l'Occident chrétien, un conflit de l'Islam et du christianisme. Ce serait un grand malheur.


La confiance entre l'Orient et l'Occident

       Devant les suites de la guerre au Liban, et devant ce que nous voyons tous les jours dans les media, la croissance du fondamentalisme, la tension dans les relations humaines, tensions ethniques, religieuses et sociales, nous sentons qu'il y a là un grand manque de confiance entre l'Orient et l'Occident, entre les pays arabes à majorité musulmane et l'Occident européen et américain.

       Dans cette atmosphère, on voit monter l'idée de la naissance d'un "nouveau Proche-Orient", et cela dans le torrent et le flot des guerres et des conflits, mais nous sommes certains et convaincus qu'un nouveau Proche-Orient ne peut se réaliser qu'à travers la solution de la question palestinienne et la fin du conflit israélo-palestinien. Ce serait une grande erreur, de la part des dirigeants de l'Europe et de l'Amérique, de croire que dominer le monde arabe, c'est la bonne atmosphère pour la croissance du nouveau Proche-Orient. En partant de notre foi et de notre expérience spirituelle, sociale et nationale, nous voudrions mettre en garde ceux qui propagent ces idées de division, et nous leur demandons bien franchement: comment fonder un Proche-Orient nouveau dans un monde arabe divisé?

        Quant à ceux qui se targuent de diviser le monde arabe et d'en faire des ilôts de communautés religieuses et des cantons en vue de faire naître le nouveau Proche-Orient, c'est un défi perdant, sûrement perdant, car il n'y aurait pas de démocratie, pas de société démocratique dans un pays arabe sans les autres.

       Les tentatives de créer des pactes pour diviser le monde arabe en petits Etats sur la base des communautés religieuses reviennent à détruire l'avenir de la région. Au contraire, la force est dans l'unité. La force des pays arabes est dans leur unité et dans la confiance entre les différents groupes dans ces pays. De plus, la réussite de la naissance d'un nouveau Proche-Orient face à l'Europe et à l'Amérique ne peut venir que de la confiance entre l'Orient et l'Occident, entre l'Europe et l'Amérique d'une part et les pays arabes de l'autre, entre les chrétiens et les musulmans, et entre tous les citoyens de chaque pays.

       C'est là qu'on peut découvrir le rôle des chrétiens dans le monde arabe et pour la naissance d'un Proche-Orient nouveau. Le rôle des chrétiens est de s'atteler à créer l'atmosphère de confiance entre l'Occident d'un côté et le monde arabe et musulman de l'autre. Notre histoire arabe et le fait que nous sommes une partie prenante du monde arabe et musulman nous donnent vraiment ce rôle très important dans les relations entre l'Orient et l'Occident.

       Pour cela, nous, chrétiens orientaux et arabes, nous nous adressons au monde européen et américain en général en ces termes: donnez-nous votre confiance, et nous vous donnerons en échange la nôtre. Ayez confiance dans le monde arabe, et il aura confiance en vous. Ne travaillez pas à la division du monde arabe au moyen de pactes, mais plutôt aidez-le à réaliser son unité et sa solidarité. Ne cherchez pas à créer et à semer la zizanie dans ce monde arabe, surtout entre chrétiens et musulmans, car nous sommes tous arabes, les musulmans et les chrétiens. Nous vous disons franchement: si vous réussissez à diviser le monde arabe, à diviser les chrétiens et les musulmans entre eux, vous vivrez toujours dans la peur et la crainte du monde arabe et musulman.


L'action du Siège Apostolique de Rome

     Nous voulons faire mention ici de l'importance du rôle de l'Europe chrétienne dans le processus visant à créer la confiance entre l'Orient et l'Occident. En notre qualité de chrétiens et de catholiques, nous sommes en relation continuelle avec notre monde arabe et notre société musulmane.

       Nous nous adressons à notre sœur ainée, l'Eglise de Rome, qui "préside dans la charité" (Saint Ignace d'Antioche), au Siège Apostolique Romain, et à nos frères dans les Eglises catholiques d'Occident, en Europe et en Amérique. Nous les appelons tous à redoubler leurs efforts et à faire tout ce qui est possible, auprès de leurs gouvernements, en se solidarisant avec nous, chrétiens de l'Orient, pour réaliser le but unique et commun: faire régner la paix.

       En même temps, nous voulons dire ici notre grande et profonde gratitude aux Conférences Episcopales, surtout d'Europe, qui ont montré une grande sensibilité et solidarité à notre égard et pour nos causes dans le monde arabe. Nous mentionnons surtout les Papes qui ont fait preuve d'un souci exemplaire pour la question palestinienne depuis ses débuts, au temps de Pie XII, puis du Bienheureux Jean XXIII, de Paul VI, du Serviteur de Dieu Jean Paul II, pour arriver à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, qui suit les développements tragiques et douloureux dans cette région avec une profonde sensibilité et un sens aigu de sa responsabilité. C'est lui qui a dit qu'il est immoral de se dispenser de la responsabilité de faire régner la paix au Proche-Orient. De même, le Saint Père a accompagné les différentes étapes de la guerre meurtrière et destructrice contre le Liban avec une grande attention et un grand soin, en rappelant (Angelus du 6 août 2006) que c'est le devoir de tout homme de contribuer à faire régner la paix dans la région.


Paroles du Saint Evangile

     En partant de nos convictions chrétiennes, qui sont fondées sur l'enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l'Evangile, nous nous adressons à nos frères chrétiens, ici, en Orient, et surtout en Occident, et nous les interpellons très sérieusement, en leur disant: aimez ce monde arabe, aimez les musulmans, car nous sommes, eux et nous, vous et nous, tous créés à l'image de Dieu et à sa ressemblance (cf. Genèse 1, 26).

      C'est à cela que nous appelle notre Saint Evangile, dans lequel nous lisons: "Dieu en effet a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique" et L'a envoyé "pour que le monde soit sauvé par Lui" (Jean 3, 16 et 17). Or nous croyons fermement que l'Evangile et Jésus ont toujours raison. En effet, pour le monde, le remède unique à la violence, à la guerre, aux tueries et à l'idéologie du terrorisme est l'amour.

        C'est avec ces mots que nous nous adressons à toutes nos communautés de l'Eglise Grecque-Melkite Catholique et à nos frères en Occident, comme nous l'avons fait aux principales Conférences Episcopales européennes et à la réunion du Conseil des Conférences Episcopales d'Europe le 6 octobre 2006 à Saint-Pétersbourg (Russie). Ces mots, pensés et écrits par le Patriarche chrétien d'une Eglise arabe, dans le monde arabe, surgissent du fin fond du Saint Evangile, qui contient les paroles de vie, paroles qui dépassent toute logique politique, toute sagesse humaine, tout calcul, toute stratégie. C'est ce que nous disons dans nos prières: la force qui dépasse les armes (cf. Canon de la Résurrection, deuxième ton, première ode).


La foi, c'est l'arme de la paix

       C'est là l'expression véridique de nos convictions profondes et de notre foi orthodoxe. Nous pouvons même affirmer que notre foi – celle des chrétiens surtout, mais aussi celle des juifs et des musulmans – nous dit que l'arme la plus tranchante dans notre monde, malgré toutes les crises politiques, tous les conflits, toutes les tendances fondamentalistes et l'idéologie du terrorisme, c'est la foi même. Nous sommes profondément convaincus que ces tendances destructrices, dans toute société, n'ont rien à voir avec la religion ou les croyances de n'importe quelle communauté. Si nous laissons l'arme de la foi de côté et la méprisons pour faire valoir notre prudence, notre sagesse humaine et politique, le monde restera dans un cycle infernal, tragique et sanguinaire de guerres, de tueries, de violence, de terrorisme et de fondamentalisme.

       Avons-nous vraiment fait un examen de conscience au sujet des valeurs de notre foi? N'est-il pas vrai qu'il y a une grande faiblesse dans les réalités et les convictions de notre foi chrétienne? Il y a en outre un grand manque de solidarité chrétienne dans les relations à l'intérieur des communautés et entre elles. L'Apôtre Saint Jean a dit: "La victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi" (1 Jean 5, 4).

       Nous faisons appel ici aux gouvernants des pays arabes et à ceux du monde entier. Dans cette atmosphère de la fête de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, Prince de la paix, nous les appelons à travailler pour réaliser l'hymne des anges, que nous citons au début de ce Message de Noël. En effet, cette hymne est un programme de vie pour notre monde, lequel a besoin d'être en relation continuelle avec Dieu, pour Le glorifier, pour faire régner la paix, pour réaliser le bonheur et la prospérité des enfants des hommes.


Un nouveau Proche-Orient sans guerre

       Après l'expérience des guerres consécutives, nous considérons que les conditions et les situations actuelles du monde arabe, surtout en Palestine, en Irak et au Liban, sont une occasion propice et excellente pour que les Arabes et les Israéliens comprennent les leçons de l'histoire. Nous les appelons tous à jeter de côté leurs armes afin d'en faire des socs et des faucilles (cf. Isaïe 2, 4) pour la grande moisson du bien, de la sécurité et de la prospérité: un nouveau Proche-Orient sans guerre. C'est pour cela que nous nous adressons à eux tous afin qu'ils travaillent à faire de notre Orient arabe une région dépourvue d'armes, de guerres, de haine et d'inimitié, et que cette terre que Dieu a sanctifiée soit, comme Il l'a voulu, celle où devraient vivre ensemble, en paix et en concorde, tous les enfants des trois grandes religions monothéistes, les juifs, les chrétiens et les musulmans, cette terre qui est leur berceau spirituel commun et où nous sommes appelés à donner des fruits de paix et à les renouveler par l'Esprit de Dieu.

       Au lieu que cette région soit le cadre de chocs et de conflits sanglants, comme ceux qui s'y sont répétés consécutivement depuis plus de cinquante ans, au lieu que ces conflits soient le signe de la fin du monde, qu'ils soient le commencement d'un monde nouveau, d'une terre nouvelle et d'un ciel nouveau (cf. Apocalypse 21, 1), où, comme dit le Psalmiste, "s'embrassent la justice et la paix" (Psaume 85/84, 11).


La réconciliation dans l'enseignement de Saint Paul

       Nous écrivons ce message avec un esprit bien éloigné de toute haine ou inimitié, de vengeance, de logique du vainqueur et du vaincu. Notre logique de la foi sainte est bien loin de tous ces sentiments et de toute position négative.

       Au contraire, notre logique nous appelle à l'amitié, à l'amour, l'amour des ennemis, l'amour sans réciprocité, l'amour qui construit, l'amour qui fait confiance, l'amour qui croit tout, qui espère tout, qui est optimiste, qui ne pense jamais au mal, qui ne se glorifie pas, et est pour cela un amour qui ne passe jamais (cf. 1 Corinthiens 13, 1-13).


       A cela nous invite Saint Paul dans son Epître aux Ephésiens: à dépasser la logique de la guerre, de la violence, du terrorisme, de la vengeance, de la destruction et du bras de fer. Si nous lisons cette Epître avec des yeux nouveaux, nous y voyons une prophétie pour notre siècle et pour nos situations actuelles. Nous y voyons un appel à la réconciliation entre les pays, les peuples et les religions, cette réconciliation qui est à la base de la paix.


Voici quelques passages de cette Epître aux Ephésiens (2, 13-22):

       "Mais voici qu'à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, avez été rendus proches par le sang du Christ. Car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux mondes en a fait un seul, renversant le mur qui les séparait – la haine –, abolissant dans sa chair la Loi avec ses décrets et ordonnances. Il a voulu ainsi, établissant la paix, créer en lui, de ces deux hommes, un seul homme nouveau, et par la Croix, tuant en lui la haine, les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul corps. Et il est venu vous annoncer la paix à vous qui étiez loin, la paix aussi à ceux qui  étaient proches; car c'est par lui que les uns et les autres nous avons accès auprès du Père en un seul Esprit.

       "Ainsi donc vous n'êtes plus des étrangers ni des hôtes; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu; apôtres et prophètes sont les fondations sur lesquelles vous vous élevez, et la clef de voûte, c'est le Christ Jésus lui-même. C'est en lui que tout édifice se lie et monte pour former un temple saint dans le Seigneur; c'est en lui que vous aussi vous entrez dans la construction pour former une demeure de Dieu dans l'Esprit".

       Aujourd'hui, nous avons plus que jamais besoin de cette vision, qui dépasse les crises actuelles, la réalité de la paix et du conflit en Palestine, en Irak et au Liban. Nous dépassons la logique du fondamentalisme, de la force et des armes (comme si c'étaient les seuls moyens!). Nous dépassons la réalité des mouvements qui peuvent faire peur, comme le Hizbollah, Hamas, Jihad et les Frères Musulmans, car tous ces mouvements sont des produits de l'injustice et du despotisme, et n'auront plus de raison d'être dans un monde où règnent la paix et la justice sociale, où se réalisent la prospérité et la sécurité.

       Cette vision que trace Saint Paul est le fondement du nouveau Proche-Orient arabe, le fondement d'une terre nouvelle et d'un ciel nouveau. C'est une vision de la foi qui nous aide – nous, les chrétiens et les musulmans, et aussi les juifs – à continuer notre marche, qui a son point de départ dans la révélation de Dieu à nous tous, dans cette région du monde où Dieu a voulu que nous soyons et où Il a parlé à ses enfants.

 

       Si nous réussissons, dans cette marche commune, à nous accepter les uns les autres, chacun dans sa religion, avec un grand respect de son dogme, de ses droits et de sa dignité, ce sera là la preuve éclatante de la vérité de notre foi, attirante et accueillante pour nos jeunes, afin que ceux-ci acceptent la foi de nos pères avec un grand respect et une grande estime, et vivent les valeurs de cette foi dans leur société.


Appel à la patience et à la confiance

       Nous voudrions nous adresser ici à nos enfants, les fidèles de l'Eglise Grecque-Melkite Catholique, avec des paroles d'encouragement pour leur vie quotidfienne, leurs souffrances et leurs problèmes. Nous croyons, de plus, que ces paroles doivent s'appliquer aussi à tous les chrétiens dans notre monde arabe et dans les pays d'émigration.

       Chers frères, chers amis, votre appartenance ecclésiale, tenant à votre vraie foi, est votre force devant les difficultés, qui sont réelles dans chaque société, en Occident et en Orient, entre chrétiens et chrétiens, entre chrétiens et musulmans, entre bouddhistes, chrétiens et musulmans. Ne croyez pas que vous êtes les seuls, en Orient, qui souffrez et qui avez des problèmes. Les musulmans aussi, de même, ont des problèmes pour vivre leur foi, ici, en Orient, et en dehors des pays arabes. Les chrétiens, en Europe – ce continent appelé chrétien, mais qui est sécularisé et menacé par différents aspects d'athéisme pratique –, eux aussi ont des problèmes pour vivre leur foi dans une atmosphère sécularisée, où la foi est séquestrée et comme enfermée entre les murs des églises, ce qui représente un danger plus grave que leurs propres problèmes. Cela est pire encore en Europe orientale, où beaucoup ont souffert sous le joug du communisme et sont passés par des difficultés que n'ont connues ni les musulmans ni les chrétiens dans l'Orient arabe et en Occident. J'étais dernièrement (septembre 2006) en Slovaquie, en République Tchèque et en Russie; précédemment, j'avais visité la Roumanie et l'Ukraine. J'y ai entendu des récits de martyre, de ceux qui sont morts et de ceux qui ont survécu, qui ont donné témoignage, avec leur sang, de leur résistance et de leur persévérance dans la foi. Je vous le dis: il n'y a pas de comparaison entre nos problèmes et les difficultés pour vivre notre foi chez nous, et ce que nos frères d'Europe orientale ont enduré.

        Il n'y a pas de vie de foi sans difficultés, mais ce ne sont pas les difficultés de la foi; ce sont plutôt des difficultés sociales, politiques, économiques et culturelles, auxquelles est exposé tout homme croyant, ou même incroyant, chrétien ou musulman, indépendamment de sa foi, de sa religion, de sa philosophie, de l'histoire et de la culture de son pays.


N'aie pas peur, petit troupeau

       Nous nous adressons à nos fils, à chacun en particulier, en leur disant: "N'aie pas peur, toi, petit troupeau" (Luc 12, 32). N'aie pas peur d'être ce que Jésus a demandé que tu sois, d'être lumière, sel et levain (Matthieu 5, 13-14 et 13, 33), serviteur, témoin et imitateur du Christ, ferme dans l'application de ses enseignements, contenus dans le Saint Evangile, avec une ouverture entière envers tes frères les hommes, qui ont leur propre foi et leurs propres valeurs. Ou plutôt dis-leur:
       Je suis citoyen avec vous.
       Je suis croyant avec vous.
       Je suis serviteur avec vous.
       Je suis porteur d'un témoignage avec vous.
       Je suis un bâtisseur avec vous, dans la même et unique Patrie.
       Mon avenir est votre avenir.
       Mon progrès est votre progrès.
       Ma langue est votre langue.
       Mon appartenance arabe est comme la vôtre.
       Je suis et resterai avec vous et pour vous.
       Comme que nous avons suivi le même chemin depuis 1.400 ans, nous voulons le continuer avec vous en ce troisième millénaire.


Appel à nos frères et concitoyens musulmans

       Dans notre effort de convaincre les fidèles chrétiens de rester dans leurs patries, où Dieu les a plantés, nous pensons qu'il est absolument nécessaire de nous adresser, avec eux et en leur nom, et en partant de notre responsabilité en tant qu'Arabes et citoyens des pays arabes, à nos frères musulmans, aux gouvernants, aux responsables, aux théologiens, aux hommes de culture, aux muftis et à tous les fidèles de l'Islam, pour leur dire avec franchise quelles sont les peurs qui nous hantent, et quelles sont les réactions de crainte, chez nous, qui nous poussent à émigrer.


       Ce ne sont pas des raisons religieuses, mais plutôt sociales, ethniques, culturelles et sociologiques.

       Ainsi, quand nous parlons de la convivialité, de la citoyenneté, il est absolument nécessaire que ces conditions et ces principes soient réalisés par les musulmans aussi bien que par les chrétiens. Cela s'applique notamment quand nous parlons de la séparation de la religion et de l'Etat, de l'arabité, de la démocratie, de la nation arabe, des droits de l'homme et des lois qui proposent l'Islam comme seule ou principale source des législations, dont l'application est source de division et de discrimination raciale entre les citoyens sur la base de la religion, et sont un obstacle à l'égalité de ces mêmes citoyens devant la loi. On peut dire cela aussi au sujet des partis fondamentalistes, des courants d'intégrisme islamique, auxquels sont attribués, ici et là, avec ou sans raison, des actes de violence, de terrorisme, de meurtre, des incendies d'églises, des extorsions, des exploitations de concitoyens au nom de la religion et en s'appuyant sur le fait d'être une majorité pour humilier des voisins et des compagnons de travail.

       Ces choses-là font que les chrétiens se sentent troublés et apeurés devant un avenir inconnu, dans une société à majorité musulmane. Ils sont souvent montrés du doigt et stigmatisés par des épithètes faisant croire qu'ils seraient une "cinquième colonne", des "croisés", des "impies" (kuffar), des collaborateurs de l'Occident ou d'Israël.

       De tels faits, et bien d'autres semblables, sont la cause de la peur chez les chrétiens, et devraient être l'objet, croyons-nous,  de cercles d'études, de congrès, de conférences, de réunions dans le monde arabe musulman. Ces problèmes doivent être traités avec beaucoup d'objectivité. Il faut que les musulmans et les chrétiens, ensemble, identifient la vraie raison de l'hémorragie de l'émigration des chrétiens.


Ni protégés, ni dhimmis

       Dans ce Message de Noël, nous nous adressons à nos frères musulmans en toute confiance et charité, et c'est la raison de notre franchise. Nous leur disons sincèrement, nous et tous nos fidèles, que nous voulons vivre ensemble, que nous voulons continuer la marche des siècles passés. Mais nous voulons aussi que nos frères musulmans ne nous appellent pas dhimmis ou "protégés", qu'ils nous considèrent comme de vrais citoyens, comme eux-mêmes. Nous avons les mêmes droits et les mêmes obligations qu'eux. Nous devons édifier ensemble nos pays, nos Patries, et collaborer pour un avenir meilleur de ces pays.

 Cela fut toujours le rôle des chrétiens dans l'histoire, et il doit en être encore ainsi en ce troisième millénaire de la Nativité, en ce quinzième siècle de l'Hégire.

       Nous ne demandons pas à être protégés par nos frères et concitoyens musulmans, mais nous aspirons à une chance égale de travail et d'emploi. Nous voulons une vie commune, une convivialité, avec tout ce que ces mots impliquent de charité, de confiance, de respect, de dignité, de responsabilité partagée et de solidarité, dans une marche où nous nous donnions et nous sacrifiions ensemble pour nos Patries. Nous voulons sentir cette atmosphère dans tous les pays arabes, sans exception. Les chrétiens sont des concitoyens arabes dans tous les pays arabes, que leur nombre y soit petit ou grand, qu'ils soient pauvres ou riches; tous ont droit à une citoyenneté complète, dans chacun de leurs pays, sans exception. Ils ont droit à la liberté entière dans la pratique de leur religion, dans la construction de leurs églises, lesquelles embrassent les mosquées de leurs frères musulmans.

       Ce sont là les positions et les conduites qui donneraient vraiment aux chrétiens le sentiment d'être en sécurité et de pouvoir réduire le poids de l'émigration.

       Nous disons à nos frères musulmans: nous, les chrétiens, nous avons des forces extraordinaires. Nous avons nos couvents, nos monastères, nos écoles, nos universités, nos sociétés de bienfaisance, nos institutions sociales, culturelles et de santé, et tout cela, nous le mettons à votre service. Mais, si nous émigrons, toutes ces capacités seront dispersées et détruites, et c'est l'homme arabe, chrétien et musulman à la fois, qui sera perdant.

       Nous voulons affirmer ici, de nouveau, que notre convivialité positive et la préservation de notre foi chrétienne et musulmane sont à la base de notre véritable qualité de concitoyens. Le grand défi, pour les chrétiens et pour les musulmans, est celui de savoir comment nous pouvons vivre notre foi dans le monde de la globalisation et comment nous pouvons la transmettre comme un dépôt précieux et saint aux nouvelles générations, aux jeunes chrétiens et musulmans, qui sont tous exposés aux mêmes dangers dans le monde d'aujourd'hui.

 
L'appel de nos frères les Patriarches Catholiques d'Orient

       Les Patriarches Catholiques d'Orient ont traité, dans le seizième congrès de leur Conseil, du 16 au 20 octobre 2006, à Bzommar (Liban), le même sujet que ce Message de Noël. Ce congrès avait pour thème "L'Eglise et la Terre de la Patrie", faisant suite à celui de 2005 en Jordanie: "La paix et la justice au Proche-Orient". Nous sommes heureux de reproduire ici quelques passages des conclusions de ce congrès, afin que nos enfants entendent la voix de leurs Pères les Patriarches, qui sentent les espérances et les soufrances de leurs enfants comme les leurs propres:

       "3. Notre présence en terre d'Orient est l'expression de la volonté de Dieu et nous impose fidélité au Christ, engagement à témoigner de son amour, mise en application des enseignements du Saint Evangile et accomplissement du devoir de service envers nos sociétés. Aussi insurmontables que soient les difficultés, il n'en reste pas moins que nous décelons des signes lumineux d'espérance dans la richesse spirituelle, culturelle, sociale et nationale qui sertit, des joyaux de son patrimoine liturgique, théologique, spirituel et régulier conformément aux traditions alexandrine, antiochienne syriaque et maronite, grecque-melkite, chaldéenne, arménienne et latine, l'Eglise du Christ une et diverse que Jean le Disciple Bien-Aimé vit 'descendre du ciel, d'auprès de Dieu, prête comme une fiancée parée pour son époux'. Et il entendit une voix qui clamait: 'Voici la demeure de Dieu chez les hommes. Il demeurera avec eux, et eux seront son peuple. Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux' (Apocalypse 21, 2-4).

       "4. Le christianisme étant une composante essentielle de la culture régionale qui enrichit cette dernière de ses traditions (cf. Une espérance nouvelle pour le Liban, 1), il s'en suit que l'Eglise appelle une présence et une mission. Il devient ainsi impératif d'instaurer un échange d'idées avec les fidèles des autres religions autour des valeurs spirituelles, morales, sociales et culturelles en vue de promouvoir la justice sociale, l'égalité et la liberté et d'asseoir les fondements de la paix (Décret conciliaire Nostra Aetate sur la relation de l'Eglise avec les religions non chrétiennes, 2 et 3).

        "5. Notre foi chrétienne implique d'être incarnée et vécue dans une mission jaillissant du cœur de notre fidélité au Christ, de notre union à Lui et de notre détermination à l'imiter et à le prendre pour modèle, ce qui suppose au préalable, de notre part, de préserver notre existence et notre présence sur notre terre, dans un esprit de solidarité, d'entraide et de responsabilité partagée. La crise économique et sociale nécessite, de la part de l'Eglise et de l'Etat, de toutes les instances compétentes et de tous les hommes de bonne volonté, de prendre une initiative visant à développer la vie économique et à dynamiser des projets de développement offrant des opportunités de travail aux jeunes qui les aident à prendre racine dans leur terre et à se réaliser, et donnent aux familles une possibilité de vie digne et décente dans leur pays.

       "6. Quant à la mission, elle commence, dans le fond, par la préservation de la convivialité face au conflit grandissant des cultures et des religions. Elle est témoignage vivant d'une possibilité de coexistence dans la paix et dans la complémentarité créatrice au sein de la différence. Car les religions, en leur essence, sont facteurs de rassemblement, non de division, vu que l'essence de chacune d'entre elles consiste à adorer Dieu et à respecter ses créatures. Les chrétiens d'Orient sont orientaux dans leur appartenance et leur citoyenneté et, à cet effet, profondément engagés pour la cause de leurs pays respectifs" (Communiqué final du seizième congrès du Conseil des Patriarches Catholiques d'Orient, Bzommar, 20 octobre 2006).
 

Non à l'émigration

       En parlant de cela, je rappelle à nos frères et nos enfants bien-aimés, surtout aux jeunes, mon premier Message Patriarcal: "Pas d'émigration!". Je leur demande de prendre ce Message au sérieux. En effet, nous avons besoin de nous encourager mutuellement à rester ici, de tâcher de nous convaincre les uns les autres et de répondre aux objections de ceux qui disent: qu'avons-nous à faire dans ce pays qui n'est pas pour nous? Qu'y a-t-il à faire ici?
       Nous disons à tous: non à la fuite devant les responsabilités! Non à se soustraire au devoir et à quitter le terrain de la vie sociale, politique, nationale et ethnique! Non à l'isolement! Non à l'émigration à l'intérieur et en dehors du pays! Non aux sentiments d'infériorité!


       Non à la marginalisation! Non à ceux qui veulent nous marginaliser et à ceux qui se marginalisent eux-mêmes! Non au désespoir à cause des situations dans nos pays arabes! Non à se laisser aller à la déception et au défaitisme devant les événements dont, ici et là, souffrent nos enfants, qui les ont expérimentés eux-mêmes ou en ont entendu parler! Non à se recroqueviller, à se replier sur soi-même ou sur sa propre communauté! Non à la peur devant quelques phénomènes de fondamentalisme, d'extrémisme, devant des actes de terrorisme et des cas d'esprit de supériorité et de discrimination religieuse!

       Toutes ces réalités n'ont rien à voir avec la religion, ni chrétienne, ni musulmane (bien que, parfois, des musulmans peuvent faire ces choses, ou qu'on les leur attribue), ni avec les personnes qui vivent avec nous, à côté de nous, qui sont nos compagnons de travail et nos voisins dans notre quartier.

       Le Seigneur Jésus-Christ dit, à propos des difficultés qui peuvent entraver la vie des croyants:
       "Prenez garde que personne ne vous égare! (…) On se dressera en effet nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura çà et là des famines et des tremblements de terre. Tout cela sera le commencement des douleurs. Alors on vous livrera aux tourments, on vous fera mourir, et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon Nom. Et alors beaucoup succomberont; on se livrera mutuellement. Il surgira une foule de faux prophètes, qui égareront bien des gens et, l'iniquité se multipliant, la charité du grand nombre se refroidira. Mais celui qui tiendra jusqu'au bout, celui-là sera sauvé" (Matthieu 25, 5 et 7-13).

       Saint Paul (ou l'auteur de l'Epître aux Hébreux) nous rappelle l'exemple des héros de la foi:
       "Les uns se sont laissé torturer, refusant leur délivrance pour obtenir un bien meilleur, la résurrection; d'autres ont enduré les moqueries et le fouet, et même les fers et la prison; ils ont été lapidés, torturés, sciés, passés au fil de l'épée; ils ont mené une vie vagabonde, vêtus de peaux de brebis ou de toisons de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités; hommes dont le monde n'était pas digne, ils ont erré dans les solitudes, les montagnes, les cavernes et les antres de la terre. (…) Ainsi donc, environnés que nous sommes d'une telle nuée de témoins, rejetons, nous aussi, tout ce qui alourdit et le péché qui nous entrave, et courons avec constance dans la carrière qui s'ouvre devant nous, les yeux fixés sur l'initiateur et le comsommateur de la foi, sur Jésus qui, dédaignant le bonheur qui s'offrait à lui, a souffert la croix sans regarder à la honte, et siège désormais à droite du trône de Dieu. (…) Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang dans la lutte contre le péché" (Hébreux 11, 36-38 et 12, 1-2 et 4).

 
Pourquoi rester au Proche-Orient arabe?

       J'ai dit à Paris, lors de ma participation au Jubilé des 150 ans de l'Œuvre d'Orient: "Vous, les catholiques français, vous nous donnez une aide matérielle, financière, pour soutenir notre présence au Proche-Orient. Mais c'est à nous de découvrir les raisons et les motivations de cette présence, de notre témoignage dans la région".

       Il ne nous est pas permis, en tant que chrétiens, d'attribuer toutes les difficultés de la vie, ou leur grande majorité, à la question des relations islamo-chrétiennes. Il n'est pas du tout vrai, non plus, que les raisons de l'émigration soient religieuses, comme l'imaginent quelques media locaux et internationaux, qui poussent des cris de désespoir au sujet du défi de la continuation de la présence chrétienne en Orient. En effet, des experts ont préparé des enquêtes et des questionnaires pour le Conseil des Patriarches Catholiques d'Orient, en octobre dernier, au sujet des raisons de l'émigration, et le résultat en était que les causes religieuses viennent en dernier lieu, presque comme si elles n'existaient pas.


Liberté de culte assurée

       En nous fondant sur notre expérience au sujet de la situation des chrétiens dans les pays arabes, nous pouvons affirmer qu'ils peuvent pratiquer leur foi chrétienne sans aucune opposition dans tous les pays arabes, sauf en Arabie Séoudite. En effet, la liberté de culte est assurée au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Palestine, en Egypte, au Soudan, en Irak, au Koweit, dans les Emirats Arabes Unis, au Bahrein, au Qatar, en Oman et au Yémen.

       Dans tous ces pays, il y a des églises, le catéchisme est enseigné, il y a des livres chrétiens, la possibilité de célébrer le culte, d'observer les fêtes, de recevoir les Sacrements, de faire des retraites spirituelles; il y a des écoles, des institutions sociales, des dispensaires, des hôpitaux, des monastères, des confréries, des groupes de jeunes, des affiches et des revues chrétiennes, autant d'éléments fondamentaux pour la vie chrétienne. Personne, dans ces pays arabes, ne peut empêcher un chrétien de pratiquer sa sainte vie chrétienne. Rien ne peut empêcher les familles chrétiennes de vivre ensemble dans la paix et dans la sécurité, et d'éduquer les enfants dans une vraie atmosphère chrétienne. Il ya certes des difficultés, des problèmes; il y a des pressions parfois quotidiennes, inhérentes à la vie.


       Mais tout cela peut se produire aussi dans d'autres sociétés, religieuses et autres, en Orient comme en Occident et ailleurs.


Droits et privilèges

       Pour ce qui est des droits civiques, politiques et sociaux, des privilèges et autres, ce sont autant de thèmes qui n'ont rien à voir avec la religion et la foi. Bien sûr, ce sont des aspects importants et fondamentaux de la vie de chaque citoyen, qui peuvent avoir des conséquences positives ou négatives, et aussi causer beaucoup de crises et de calamités, de difficultés dans la famille, mais doivent être traitées au for civil, et non pas d'un point de vue religieux ou communautaire. Il est certes difficile de séparer, d'une manière définitive, les exigences de la vie religieuse et sociale. Le chrétien a besoin de traiter tous ces problèmes en prenant comme points de départ sa foi, d'un côté, mais aussi sa citoyenneté et ses droits civiques et humains, comme n'importe quel homme. Il doit aussi exiger, par tous les moyens légitimes et permis, le respect de ces droits.

       Mais, pour arriver à ce niveau, dans l'interaction avec notre société et avec les différents courants et les orientations qui s'y rencontrent, il faut qu'il y ait des chrétiens ouverts, présents et qui rendent témoignage dans la société, qui soient engagés dans la vie sociale, politique et économique, qui participent d'une façon entière dans la vie de leur Patrie, en prenant  comme points de départ, d'abord, leur citoyenneté, et, en second lieu, leur foi et les valeurs de l'Evangile. C'est un conflit d'intérêts, mais ce n'est pas un conflit religieux, chrétien ou musulman, ou de foi. Le poète a dit: "On ne peut affronter la vie qu'avec la force".

       C'est pour cela qu'il n'est pas permis de classer ces difficultés sous le thème des cultures religieuses, musulmanes et chrétiennes.

       C'est ce qu'a expliqué Sa Sainteté le Pape Benoît XVI dans sa première Lettre Encyclique, Deus caritas est (25 décembre 2005), dont un passage (nº 28) a été cité dans le rapport final de la réunion (13 novembre 2006) de l'Assemblée des Patriarches et Evêques Catholiques du Liban (APECL): (L'Eglise) "veut simplement contribuer à la purification de la raison et apporter sa contribution, pour faire en sorte que ce qui est juste puisse être ici et maintenant reconnu, et aussi mis en œuvre. (…) Elle veut servir la formation des consciences dans le domaine politique et contribuer à faire grandir la perception des véritables exigences de la justice et, en même temps, la disponibilité d'agir en fonction de ces exigences, même si cela va contre les intérêts personnels".


Le rôle de l'Eglise antiochienne

       L'Eglise antiochienne, avec ses cinq dénominations (grecque orthodoxe, grecque-melkite catholique, syrienne orthodoxe, syrienne catholique et maronite) est le lieu ecclésial privilégié pour la convivialité et, surtout, pour celle avec et pour l'Islam, dans et avec le monde arabe; c'est le lieu privilégié pour faire fructifier la présence chrétienne et la mettre en œuvre.

       C'est une réalité historique et géographique. Mais l'important, dans tout cela, est de découvrir le rôle des chrétiens dans ce Patriarcat d'Antioche, dans l'histoire, dans la géographie, dans la culture et dans la civilisation islamo-chrétiennes. Il y a aussi la question de savoir s'il est possible, et quand et comment, de découvrir  que cette histoire, cette géographie et cette civilisation font partie de l'histoire, de la géographie et de la civilisation du salut.

       Quelques-uns pourraient dire – je l'ai lu dans une revue française – que je ne cesse de répéter ces idées dans toutes mes lettres. Je le sais, j'en suis conscient et j'y tiens. Je suis en effet convaincu que ma découverte et mon expérience vont de l'avant. Mon souci et ma grande responsabilité sont de savoir comment je peux rester en contact avec mes frères les Evêques, avec les prêtres, les moines, les moniales et tous les enfants de notre Eglise, au sujet de cette conviction de notre devoir de rester, et comment je peux transmettre cette conviction afin qu'elle soit ecclésiale, qu'elle soit celle de l'Eglise et de tous les fidèles. Je répète ce que j'ai toujours dit: si nous n'arrivons pas à cette conviction, il n'y a pas d'avenir pour notre présence chrétienne, ni pour notre témoignage, ni pour notre service spirituel.


Synthèse

       A la fin de ce Message, je retourne au début et aux trois termes de son titre: la paix, la convivialité et la présence chrétienne au Proche-Orient arabe. Je résume le contenu de ce Message dans les paragraphes suivants:

       1. - La convivialité est l'avenir de ces pays arabes; elle est valable pour les chrétiens et les musulmans. Elle veut dire accepter l'autre, tel qu'il est, le respecter et le vénérer, le reconnaître en tant que concitoyen avec tous les droits qui en découlent, qui sont les droits de l'homme, de tout homme sur cette terre, et surtout en Orient.


       2. - Les chrétiens sont un élément important de cette convivialité. Il n'y a pas de convivialité sans pluralisme, et cela implique que notre société englobe des chrétiens, avec toutes leurs communautés, des musulmans, avec tous leurs groupes, des druzes et des juifs.

       3. - Cette convivialité est menacée par l'émigration, dont la raison la plus importante et la plus dangereuse réside dans les guerres, les calamités et les crises, qui ont toutes leur origine dans le conflit israélo-palestinien et dans l'injustice qui en découle. De même, sont produits de ce conflit l'extrémisme, le fondamentalisme, la violence, l'idéologie du terrorisme, les sentiments d'inimitié et de haine dans la société, le manque d'égalité dans les droits et les occasions d'emploi, le manque de possibilité de participation aux différents postes de responsabilité dans les pays, dans leur direction, que ce soit au Parlement, dans les ministères ou dans d'autres services.

       4. - Si l'émigration et son hémorragie continuent, cela revient à vider l'Orient de son pluralisme et à ruiner la convivialité. En effet, les chrétiens ne peuvent pas résister devant la série des calamités, des crises, des guerres et des conflits.

       5. - Mais ce qui peut aider le plus les chrétiens à résister devant toutes les difficultés et à ne pas émigrer, c'est la conviction, à partir de leur foi, que rester dans les pays arabes, où le christianisme est né, et où Dieu les a plantés, c'est en soi un apostolat, une vocation et une mission. Le cadre de cette mission est l'Eglise chrétienne, nous disons ici surtout  antiochienne. Comme Dieu l'a voulu (je le répète toujours), cette Eglise est une Eglise arabe par ses racines et son ethnie. De plus, elle est Eglise des Arabes, Eglise de l'Islam, l'Eglise d'Emmanuel, Dieu avec nous et pour nous; elle est aussi une Eglise avec l'autre et pour l'autre. Cet autre, c'est le concitoyen musulman, dans sa société arabe à majorité musulmane, où les chrétiens sont responsables de porter le message de l'Evangile, son annonce et ses valeurs, afin que l'Eglise soit présente et servante, porte témoignage dans cette société, y participe et soit en interaction avec elle.

       6. - L'atmosphère propice à tous les éléments cités ci-dessus − pluralisme et convivialité, avec tout ce qui en découle − est la paix dans la région, une paix durable, globale et solide, qui soit garante de la fin du conflit israélo-palestinien.


       7. - D'autre part, si les pays arabes et les citoyens musulmans tiennent vraiment au pluralisme et à la convivialité, et se rendent compte de l'importance de la présence chrétienne dans la région, il faut que les chrétiens puissent jouir d'une pleine citoyenneté, avec tous les droits qui y sont attachés. Il est absolument indispensable que les pays arabes unissent leur voix afin de donner une solution civilisée, pacifique et juste de la question palestinienne.

       8. - Si cela n'est pas réalisé dans un avenir proche et visible, l'hémorragie de l'émigration va continuer, les mouvements fondamentalistes islamiques vont croître, la violence et le terrorisme vont augmenter, et les jeunes musulmans vont en être les victimes en tombant dans les filets de ces mouvements. Cela veut dire que nous donnerions à nos jeunes générations arabes un héritage sombre et un avenir noir. La société arabe musulmane perdrait alors les composantes de son pluralisme et de la convivialité, et ainsi serait malheureusement réalisée la prévision du choc des cultures, des civilisations et des religions.


Faire la paix, c'est le grand défi

       Afin d'éviter toutes ces calamités, nous formulons un appel nouveau et ancien, comme nous l'avons fait dans des messages antérieurs, notamment pendant la guerre de l'été dernier contre le Liban. Nous nous adressons aux pays arabes, à leurs Souverains et à leurs Présidents, avec un appel qui surgit de notre amour pour eux, pour nos Patries arabes, en leur disant: faites la paix! Empressez-vous de faire la paix, aujourd'hui, et non pas demain! Vous avez une responsabilité morale à l'égard de la paix. Sinon, les accusations portées contre l'Islam en fait de violence, de terrorisme et de tueries vont être renouvelées sans cesse, bien que l'Islam en soit absolument innocent. Mais l'Evangile dit: "C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez" (Matthieu 7, 20).

       La paix est aujourd'hui le vrai défi, le grand jihad et le grand bien. C'est la vraie victoire et la vraie garantie pour l'avenir de la liberté, du progrès, de la prospérité et de la sécurité pour nos jeunes générations, pour nos jeunes, chrétiens et musulmans, qui sont l'avenir de nos Patries, qui peuvent vraiment faire l'histoire de ces Patries et y porter la bannière de la foi et des valeurs.

 
Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté

       A la fin de la Divine Liturgie, le prêtre dit à voix basse cette prière: "Christ, notre Dieu, Toi qui es la plénitude de la Loi et des Prophètes, et qui as accompli toute l'économie du Père envers nous, remplis nos cœurs de joie et de bonheur, en tout temps, maintenant et à jamais, dans les siècles des siècles. Amen".

       Après la Sainte Communion, nous chantons ensemble: "Nous avons vu la vraie lumière, nous avons reçu l'Esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi. (…) Que notre bouche se remplisse de ta louange, Seigneur (…). Garde-nous dans la sainteté, afin que nous chantions ta gloire, méditant tous les jours ta justice".

       Ceci est un appel aux fidèles, après leur participation existentielle, dans la Sainte Communion, afin qu'ils soient forts, joyeux, résistants et fiers de leur foi, afin qu'ils renoncent à tout sentiment de désespoir, à tout défaitisme, et qu'ils participent à la joie que le Seigneur Jésus-Christ a donnée par sa naissance et qu'ont proclamée les anges dans leur chant; ainsi nous pouvons surmonter le cycle de la peur au bénéfice de notre présence chrétienne, de notre rôle et de notre avenir dans ces pays arabes et dans les pays de l'émigration.

       C'est à nous tous, pasteurs et fidèles, Patriarche, Evêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, que s'adresse Saint Paul dans son Epître aux Ephésiens (6, 10-16), à chaque éparchie, chaque paroisse, chaque congrégation religieuse, à tous les fidèles:

       "Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, dans sa puissance souveraine. Revêtez l'armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. Car ne c'est pas contre la chair et le sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Dominations, contre les Souverains de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du mal répandus dans les airs. Endossez donc l'armure de Dieu, afin qu'au jour mauvais vous puissiez résister, soutenir jusqu'au bout le combat et demeurer maîtres du terrain. Allons, debout, avec la vérité pour ceinture, la justice pour cuirasse, et pour chaussures le zèle à propager l'Evangile de la paix. Tenez toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais".
       Et, ensemble, nous chantons, avec une grande joie et une grande espérance: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté" (Luc 2, 14).

+ Gregorios III,
Patriarche